Depuis 2011, la Tunisie n’a jamais retrouvé les niveaux de croissance d’avant la révolution. Le PIB avait alors reculé de près de 2%, pour se reprendre en 2012, à un niveau appréciable de 3,6%, l’an. Mais cette embellie singulière était fragile, car essentiellement, tirée par des recrutements importants dans la fonction publique et des augmentations substantielles de la masse salariale publique. Le constat est posé par Radhi Meddeb, expert économique et PDG du Groupe Comete Engineering, dans une interview à l’agence TAP.
Depuis, a-t-il expliqué, la croissance s’est toujours située à des niveaux extrêmement faibles, entre 1 et 2%, l’an, largement inférieurs au trend avant la révolution et surtout sans rapport avec l’exigence de création d’emplois. Des études menées dès 2012, montraient que la croissance potentielle en Tunisie était plafonnée à 4% l’an, et que pour pouvoir aller au-delà, il fallait engager de multiples réformes sectorielles, seules susceptibles de lever ce plafond de verre qui pèse sur l’économie tunisienne. En 2016, des études équivalentes menées par l’Institut Tunisien de la Compétitivité et des Etudes Quantitatives estimaient alors cette croissance potentielle autour de 3% l’an, confirmant le fléchissement continu de son rythme depuis 2009. Or les réformes nécessaires au relèvement de la croissance potentielle, n’ont jamais été engagées, faute de stabilité politique, de vision et de volonté. Il en a résulté une dégradation du niveau de vie de la population, une aggravation du chômage et une perte de pouvoir d’achat.
Entre 2011 et 2019, le chômage est passé de 13% de la population active à 15,5 %, hors effet COVID et à plus de 18%, avec l’effet COVID, a rappelé Meddeb, révélant que le revenu par tête d’habitant, mesuré en dollars en parité de pouvoir d’achat, a reculé de 30% sur la même période et le dinar est passé de 0,52 euro à 0,30, perdant ainsi plus de 40% de sa valeur. La pandémie aura fait chuter le PIB de près de 10% en 2020, gommant d’un coup la maigre croissance cumulée des dix dernières années. Et même, l’annonce, dans le cadre de la Loi des Finances 2021 d’une croissance de 4% est une fausse bonne nouvelle, car à ce rythme, et compte-tenu de la chute brutale de 2020, le pays ne retrouvera le niveau du PIB de 2019 que 2023…!
Le secteur privé résilient
En attendant, le secteur privé a fait preuve de beaucoup de résilience depuis 2011, continuant à produire, à exporter, à embaucher et à investir, quelque peu, malgré l’adversité et les multiples difficultés. Le secteur privé a surtout souffert de la mauvaise qualité de l’environnement des affaires: bureaucratie pesante, instabilité fiscale, ingérence administrative permanente, petite et grande corruption, prolifération de la contrebande et de l’économie informelle. Tout cela pèse sur le secteur privé depuis longtemps, et s’est aggravé depuis 2011. La pandémie est venue en 2020, avec son lot de confinement, d’arrêt total de la production pendant près de deux mois, de difficultés de trésorerie, de recul de la production… Des secteurs entiers ont été ébranlés, allant du tourisme au transport aérien et maritime, à l’artisanat, aux agences de voyages, aux cafés, à la restauration, à la location de voitures… Tout cela sans oublier, les secteurs des hydrocarbures, des phosphates et dérivés, durement mis à mal depuis 2011, par des mouvements sociaux sans fin et qu’aucun gouvernement n’a réussi à circonscrire. Ces activités ne relèvent pas du secteur privé national, mais leur crise profonde se répercute sur leurs fournisseurs locaux traditionnels, des secteurs de la mécanique, de la chaudronnerie, du bâtiment, des travaux publics… Le secteur du bâtiment lui-même est mis à mal depuis 2017, avec l’introduction de la TVA sur les ventes de la promotion immobilière formelle. Imaginée pour trouver des revenus supplémentaires au budget de l’Etat, elle a cassé une dynamique vertueuse du secteur, contribué à renchérir le produit dans un contexte d’érosion du pouvoir d’achat et de recul de la classe moyenne.
Faillites : le pire est à venir
En l’absence de statistiques formelles sur les faillites et les délocalisations des entreprises étrangères installées en Tunisie, on peut relever le recul drastique du taux de formation Brute de Capital Fixe dans le pays revenu de 24% du PIB avant la révolution, à 18% en 2019 et beaucoup moins en 2020. L’investissement étranger est en recul. Et ce n’est pas tant la crise économique en Tunisie qui pousse les investisseurs étrangers à quitter le pays, mais plutôt l’instabilité sociale, fiscale et politique, a précisé Radhi Meddeb. En matière de faillites des entreprises, le plus grave reste à venir, a-t-il alerté en ce sens que nombre de nos entreprises publiques passent par des difficultés financières et structurelles sérieuses: Tunisair, la Compagnie des Phosphates de Gafsa, le Groupe Chimique de Tunisie, la STIR, mais aussi des fleurons d’antan comme la STEG, mise à mal par les impayés, en grande partie dus à l’administration, aux collectivités locales et aux entreprises publiques, mais aussi, à la non prise en charge intégrale par l’Etat du coût de la subvention des tarifs de l’électricité et du gaz. L’UTICA avance le chiffre, basé sur des enquêtes de terrain, de 40% de faillites attendues au niveau des PME. Il est urgent, dans cette situation de se mobiliser et de venir en soutien à l’entreprise privée, faute de quoi, le coût économique, mais surtout le coût social risque d’être prohibitif.
Au sujet de l’aggravation du déficit commercial et de l’endettement de la Tunisie, l’expert a fait savoir que le déficit de la balance commerciale aura contribué de manière significative, à tous les déséquilibres macroéconomiques et financiers des dernières années: déficit de la balance des paiements, dépréciation rampante et permanente du dinar, inflation, faiblesse des revenus de l’Etat… Ce déficit a atteint des niveaux historiques et a battu ses propres records, année après année jusqu’en 2019, atteignant 14% du PIB. Seule la pandémie et ce qui l’a accompagnée comme baisse de l’activité économique en 2020, mais aussi comme restrictions administratives aux importations, a pu freiner ce déficit et le ramener à des niveaux bien moins élevés qu’auparavant. La baisse des exportations en 2020 (-11,7% ) aura été moins importante que celle des importations ( -18,7%), permettant au déficit commercial de se contracter en 2020 de 34% par rapport à son niveau de 2019.
Une « fausse bonne nouvelle »
Cette amélioration conjoncturelle, liée à un recul de notre commerce extérieur en 2020 est, encore une fois, une fausse bonne nouvelle, car elle porte sur une régression de l’importation de matières premières, de produits semi-finis et de biens d’équipement. Clairement, cela veut dire que nos usines fonctionneront à régime réduit sur les prochains mois, que l’investissement productif et créateur d’emplois sera en recul et que tout cela ne nous prépare pas à une reprise forte dont nous avons tant besoin.Nous avons d’ailleurs, pour des raisons obscures, raté une occasion unique en mars 2020, avec le premier confinement mondial et la chute historique des cours du baril de pétrole. Nous aurions pu à ce moment-là, couvrir nos besoins pour 2020 et au-delà en hydrocarbures par la méthode du hedging, c’est à dire en contractant une assurance contre le risque de hausse des prix. Nous avions eu une fenêtre de tir limitée. La Banque Mondiale était prête à nous y accompagner. A force de tergiversations et sous la peur de prendre une décision non optimale, nos responsables politiques ont préféré rater cette occasion en or. Il y avait là, la possibilité de faire économiser au pays, plusieurs centaines de millions de dollars, sinon plus…
oui le revenu par tête d’habitant a régresse même plus depuis 10 ans par la faute des nouveaux dirigeants politiques qui se sont appropriés le pouvoir sans expérience et sans qualification sinon le populisme primaire pendant cette période et cette pandémie a aggravé la situation du pays par mauvaise gestion il faut un sursaut national pour redresser le pays avant que ce soit trop tard car on file vers la faillite du pays et des citoyens comme la Grèce mais nous ne sommes pas la Grèce qui est membre de l’Union Européenne et membre de la zone Euro nous n’avons personne nous aider même le FMI est déçu par l’octroi de ses crédits sans réformes et maintenant les instances internationales rechignent des nouveaux crédits puisque les crédits ont servi à payer les salaires de la fonction publique et les déficits des sociétés publiques et de payer les hommes politiques et les instances crées . il est temps que ce gouvernement se réveille et trousse ses manches pour éviter une catastrophe annoncée et que personne ne sort indemne