On ne sait pas s’ils le font exprès ou s’ils essayaient de ne pas dire totalement les choses pour laisser une marge de manœuvre aux politiciens qui les utiliseraient, mais l’INS et la « TIA » produisent , depuis peu, des chiffres qui prêtent pour le moins à confusion, et qu’utilisent certains responsables et certains ministres pour se gargarisent de fausses réussites. Le doute est en tout cas, nous semblait-il, raisonnable en ces temps où le chef de tout l’Etat prépare son 2ème CAP (Certificat d’Aptitude à la Politique) pour le 25 juillet 2022. Un certificat sous forme de referendum sur une nouvelle Constitution, qui entrera en exécution dès la publication des résultats, et quelle qu’en soit l’issue si on comprend bien la 2ème version du projet de Constitution, publiée au Jort qui ne levait pas le doute sur ce détail. Mais ne dit-on pas que « le diable est dans les détails » ? Un dicton qui s’applique par ailleurs aux derniers communiqués de l’INS et de la TIA.
– L’INS ferait-elle de la politique avec les chiffres ?
« Au premier trimestre 2022, le nombre des occupés s’établit à 3393,2 mille contre 3486,8 mille au quatrième trimestre de 2021, soit une baisse de 93,6 mille. Cette population se répartit entre 2418,1 mille hommes et 975,1 mille femmes (…), ce qui veut dire, sans l’ombre d’un doute, que le nombre des chômeurs a augmenté. Quelques lignes plus loin et d’une manière aussi farfelue qu’inattendue, l’INS conclut pourtant que « le taux de chômage s’est stabilisé au premier trimestre 2022 au niveau de 16.1% après avoir reculé de 2,2 au trimestre précédent ».
A sa décharge, l’INS fait noter, dès le début de ses publications, que « les opérations de collecte sur le terrain de l’enquête nationale sur la population et l’emploi du premier trimestre 2022 ont été perturbées par une grève des agents ». Et d’enfoncer cependant le clou dans ses propres chiffres, en affirmant que « seules les données du mois de mars et début janvier 2022 ont été collectées. Par conséquent, les indicateurs du premier trimestre 2022 ne reflètent que partiellement la conjoncture du marché du travail à la date de référence ». Et la bonne question à poser à l’INS, qui n’y répondra pas, est de savoir comment elle a pu « fabriquer » ce chiffre du taux du chômage qui aurait diminué. Serait-ce une simple assertion à but politicien ?
– La louche imprécision de la TIA sur l’investissement et le chiffre de l’emploi
Quinze projets d’investissement (Coût investissement supérieur à 15 MDT) d’une enveloppe d’investissement cumulé de 2231,1 millions de dinars (MDT), ont été déclarés auprès de l’Instance Tunisienne de l’Investissement (TIA), durant les 6 premiers mois de 2022, soit une hausse de 280 % en termes d’investissement qui s’explique par la déclaration d’un projet de cimenterie pour un coût d’investissement conséquent de 950 millions de dinars durant le mois de mars 2022. C’est ce qu’affirme la TIA dans son dernier bulletin, publié en juillet 2022, à quelques jours du référendum de Kais Saïed, bulletin qui sentait mal l’odeur de la politique.
Cette instance, théoriquement apolitique dans un pays où il est donné ordre présidentiel à tous de faire réussir ce référendum, annonce même que « les investissements déclarés permettront la création de 4295 postes d’emploi. Elle n’a pas précisé qu’il s’agissait simplement d’intentions d’investissement, ni indiqué le taux de réalisation au cours du 1er trimestre 2022, ni encore le temps généralement requis, entre la déclaration de l’investissement et l’entrée en exploitation des projets et donc des créations d’emplois annoncées. Et cela, aussi, sentait l’odeur d’une « manipulation » de l’information à des fins politiciennes !
– Décryptage des chiffres de Nasreddine Nsibi
Et c’est ce qui permet au ministre de la Formation professionnelle et de l’emploi d’utiliser ces chiffres pour dire, comme le 11 juillet 2022 sur la Wataniya, que « nous avons réussi, puisque les chiffres officiels parlent de 1,7 Milliard DT à fin juin, en hausse de 480 % (…), ce qui nous a permis de baisser le taux du chômage ». Enorme, en effet, cet assemblage de petits chiffres, pas toujours exacts, alors que l’INS disait qu’ils ne faisaient pas référence.
En effet, à décrypter cette envolée ministérielle, dont on ne peut douter des objectifs politiques, on remarquera que le ministre Nasreddine Nsibi n’a pas parlé d’intentions, mais d’investissements, comme s’ils étaient déjà réalisés, alors que ce n’est pas vrai. Entre l’intention et la réalisation, il est admis que seuls 40 % passent à la réalisation, et que cette dernière demande parfois plusieurs années pour le passage à l’acte. Il n’a pas, non plus, précisé que les chiffres de l’INS sont « virtuels », puisque pas récoltés sur le terrain réel, mais cogités on ne sait sur quelle base.