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L’homme des présidents

L’octogénaire court inlassablement, depuis peu, les plateaux TV du pays pour expliquer ce qu’il compte faire pour le chef de tout l’Etat tunisien, après qu’il a suspendu la Constitution de 2014, pris tous les pouvoirs ou presque, refait le conseil supérieur de la magistrature et redessiné les contours de la haute instance des élections.

  • De Bourguiba à Ben Ali. Plus de 20 ans à couver sa « révolution »

Né au Sahel tunisien à la fin des années 30 du siècle dernier, Sadok Belaïd est un universitaire et juriste tunisien, spécialiste en droit public. Décoré en 1981 sous Bourguiba, des insignes de chevalier de l’Ordre de la République tunisienne. Une décoration qui coïncidait avec la nomination de ce « professeur à la faculté de Droit à Tunis » comme « coagent et conseiller aux fins de l’affaire », alors en procès à la Cour Internationale de Justice entre la Tunisie et la Libye sur le plateau continental. Une affaire que la Tunisie avait alors lamentablement perdue en 1982.  

Cantonné dans ses habits d’universitaire, l’homme semble avoir fait sa « traversée du désert », il prit une sorte de « revanche » contre Ben Ali, lors d’une retentissante   intervention sur la chaîne qatarie Al Jazeera, contre l’application de l’article 56 de l’ancienne Constitution, et en faveur de la nomination de Fouad Mbazza en tant que président temporaire. Une intervention qui avait alors fait basculer l’opinion publique et amené vers un passage par la fameuse Constituante, qui avait elle-même fabriqué la Constitution de 2014, qu’il est désormais chargé de défaire.

Et c’est, peut-être, à ce titre de « révolutionnaire » qu’il avait été fait en 2011, membre de la haute instance de la réalisation des objectifs de la révolution. Une instance qui avait été dominée par les politiciens « parents et alliés » idéologiques d’Ennahdha. Une période qui avait alors entamé la décennie noire de la Tunisie, et une Constituante qui avait mis la Tunisie entre les mains d’un certain Moncef Marzouki, le gouvernement entre les mains des Nahdhaoui Hammadi Jbali et Ali Larayedh, et tout le pouvoir législatif entre les mains de l’islamiste Rached Ghannouchi. Drôle de bilan pour un ennemi d’Ennahdha, diraient les mauvaises langues !

  • Proche d’El Béji qu’il quitte à cause de Hafedh

En 2011, il disait alors à Frida Dahmani, que les partis politiques « négligent la Constituante et ses enjeux », et affirmait que « le processus des élections est mis en place, cahin-caha nous arriverons à la terre promise de la Constituante. Nous aurons alors une assemblée légitime pour commencer à construire quelque chose de plus stable ». 2011 ouvrira cependant la boîte de Pandore et plongera la Tunisie dans une décennie d’islamisme politique. Cette année encore, Sadok le révolutionnaire prônait déjà « un nouveau découpage territorial pour assurer le développement des régions tout en leur donnant plus d’autonomie ».

Et peut-être qu’il avait alors, dès l’instant, tapé dans l’œil de Kais Saïed. Peut-être avait-il même pensé faire cela lui-même lorsqu’il lançait en 2011 sa propre liste électorale « indépendante » sous le nom de « kafaa », ou « compétence » qu’il se sentait peut-être avoir pour faire de la politique. Sa liste pour les élections de la Constituante de 2011 ne rapporta alors que 4.391 voix, et mis temporairement fin à ses ambitions politiciennes.

« Connu pour être proche du président Béji Caïd Essebssi, tout en étant un ennemi acharné du parti islamiste Ennahdha, il est souvent invité et consulté par le président qui l’a cité notamment pour son projet de réconciliation économique. Il participe d’ailleurs à la signature de l’accord de Carthage qui met fin au mandat du gouvernement Essid. Belaïd coupe ensuite les ponts avec le président Béji Caïed Essebssi, en le critiquant ouvertement et en qualifiant son fils Hafedh de « bahloul » (débile) », dixit Wikipédia.

  • « Il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », dixit G. Cesbron

Le 20 mai 2022, il est nommé par le président Kais Saïed comme président coordinateur du comité consultatif pour la nouvelle République. Quelques mois auparavant, en avril 2022, il disait [Ndlr : mauvais visionnaire, ou cachant bien son jeu ?] à « l’Economiste Maghrébin », que « nous sommes condamnés à subir cet état de fait pendant longtemps, parce que la politique a pris le dessus », que « le pire a succédé au mauvais. La situation est devenue dramatique et désespérée. Personne ne sait, aujourd’hui, où on doit mener notre barque ». Il le sait désormais qu’il a mis un pied dans le sérail, celui de Dar Dhiafa à quelques pas de Carthage.

L’homme du nouveau président est désormais en charge de l’écriture d’une nouvelle constitution, où toute référence à la religion disparaitra pour un pays dirigé par un pieux qui fait ses cinq prières à l’heure et qui cite fréquemment le Coran. Une Constitution qui, sous la plume de Sadok Belaïd de la « haute instance de protection des objectifs de la révolution », devrait aussi déterminer les nouveaux choix économiques de la Tunisie, et on pourrait presque déjà parier que l’économie de marché sera jetée aux oubliettes.

Rappelons aussi que le juriste malheureux aux élections de 2011, disait déjà vouloir « un nouveau découpage territorial pour assurer le développement des régions tout en leur donnant plus d’autonomie ». De là au projet d’une « Jamahiriya » à la tunisienne que veut Kais Saïed, il n’y a qu’un pas facile à sauter.

  • « لا تخرج قبل أن تقول سبحان الله »

Saïed a donc su bien choisir son homme, un Sadok Belaïd qui semble avoir enfin trouvé le bon président, Kais Saïed à propos duquel il disait pourtant en octobre 2019, dans une opinion sur un autre site « La Tunisie a-t-elle besoin d’un Kais Saïed ? », et répondait que « Hélas !, et en dépit du sort déplorable des aficionados de l’ancien système, une tout autre très grave question se pose: l’antisystème représenté ici par M. K. Saïed est-il bien meilleur, bien plus prometteur que celui qui vient de s’écrouler ? Pour notre part, nous en doutons fortement en raison des sérieuses réserves que nous avons au sujet de notre premier « lauréat ». Entre 2019 et 2022, beaucoup d’eau a, semble-t-il, coulé sous le pont de l’universitaire juriste !

Saïed n’est manifestement plus pour Belaïd l’homme chez qui « être honnête ne représente que le Smig et ne prédispose pas particulièrement à l’accession aux honneurs de la magistrature suprême dans une démocratie (…) », ni cette personnalité inquiétante avec « la folie des grandeurs, la propension déclarée à la mégalomanie, qui semblent le posséder ». En ce temps-là, on voyait beaucoup les Islamistes écrire sur les réseaux sociaux « لا تخرج قبل أن تقول سبحان الله », traduisez : « Ne quittez pas avant de dire gloire à Dieu »

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