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Med Salah Ayari à Africanmanager : La LFC 2014 risque d’entraver le bon déroulement des élections et soulever la grogne populaire

Les nouvelles mesures, droits, taxes, et les nouveaux prélèvements sur salaire, tels que proposés dans le cadre de loi des finances complémentaire 2014 ont fait l’objet d’une interview exclusive accordée à Africanmanager par Mohamed Salah Ayari, conseiller fiscal et enseignant universitaire.

L’effet de la levée de la subvention sur la classe moyenne, ainsi que la levée du secret bancaire ont fait aussi les grandes lignes de cet entretien. Interview :

Comment peut-on juger le projet de la loi de finances complémentaire ?

A priori, il ne s’agit que d’un simple projet qui n’a pas été encore affiné par les services concernés du ministère des Finances. Donc, on ne peut pas formuler un jugement définitif concernant des mesures qui n’ont pas été proposées officiellement par le ministère des Finances. Cependant, il serait indiqué de ne pas alourdir davantage la charge des salariés qui supportent, à eux seuls, un grand poids de la fiscalité tunisienne du moment qu’ils sont redevables de 45,42% de l’ensemble des impôts directs.

Après la Révolution, la pression fiscale doit normalement être répartie équitablement sur les différentes catégories socioprofessionnelles, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Quels sont les nouveaux prélèvements ou augmentations des droits et taxes prévus dans le projet de la loi de Finances complémentaire?

Les augmentations concernent le droit de timbre au titre des autorisations accordées pour ouvrir des débits de boissons alcoolisées et les autorisations relatives à l’achat et l’importation des armes et les cartes d’achat de munition.

En outre, le projet prévoit l’application de l’augmentation du droit de consommation au titre des véhicules à usage multiple pour les assimiler aux voitures de tourisme. Pour les voitures de tourisme qui utilisent l’essence, le droit de consommation varie entre 50% et 200% alors que, pour les voitures qui utilisent le gasoil, le droit varie entre 75% et 267%, selon la puissance de la voiture.

En ce qui concerne les voitures qui sont utilisées pour le transport des marchandises, elles sont soumises aujourd’hui aux droits de douane au taux de 27% mais elles ne sont pas soumises au droit de consommation.

Et du moment que les voitures à usage multiple sont utilisées également pour le transport des personnes, elles seront assimilées aux voitures de tourisme ordinaires pour supporter également les droits de consommation et de rapprocher leur imposition de celle appliquée aux voitures de tourisme. Les véhicules de transport de marchandises seront soumis aux droits de consommation à des taux inférieurs.

Afin de se procurer des recettes fiscales supplémentaires, le projet de la loi prévoit aussi l’augmentation des droits de consommation applicables au tabac.

La grande question qui reste en suspens concerne la levée de la subvention sur les produits de base et sur les carburants, sachant que le prix de l’essence va augmenter de 100 millimes comme c’est décidé dans le cadre de loi de finances initiale pour l’année 2014. Alors que la levée de la subvention concernant les produits de base n’a pas été encore tranchée définitivement du fait que les modalités relatives aux solutions de rechange n’ont pas été encore arrêtées.

On parle également d’une contribution conjoncturelle exceptionnelle sur les salaires qui varie selon l’importance des rémunérations de 1 à 6 jours.

La même contribution s’applique également aux personnes physiques exerçant une activité industrielle, commerciale, non commerciale ou des prestataires de services qui sont redevables des acomptes provisionnels, et ce, au titre du deuxième et du troisième acompte, à concurrence de 20% de chaque acompte avec un minimum de 300 D pour chaque acompte.

Et en ce qui concerne les forfaitaires en matière de BIC et les agriculteurs, la contribution sera due au taux de 15% sur l’impôt sur le revenu dû au courant de l’année 2014.

Quant aux personnes morales, elles seront redevables de la même contribution conjoncturelle au taux de 20% de chacun des deux acomptes provisionnels restants, mais avec un minimum pour chaque acompte égal à :

• 1000D pour les sociétés soumises à l’IS au taux de 10%

• 2500D pour les sociétés soumises à l’IS au taux de 30% (qui a été réduit à 25% pour les bénéfices qui seront déclarés en 2015).

• 10.000D pour les sociétés qui demeurent soumises à l’IS au taux de 35%.

Il convient de préciser que, selon le même projet de loi, les sociétés pétrolières seront soumises à cette contribution au taux de 10% de l’impôt dû durant le deuxième semestre de l’année 2013 avec un minimum égal à 10.000D en cas d’absence de production.

Quel est l’effet de ces augmentations sur la classe moyenne, seront-elles vraiment menaçantes comme certains le pensent déjà ?

En cas d’application de la levée de la subvention même progressive sur les produits de base, elles vont avoir un impact direct sur les couches sociales défavorisées et la classe moyenne. On court même le risque de voir les gens descendre dans la rue. Parce qu’après la Révolution, le peuple a attendu l’amélioration de son pouvoir d’achat et de son bien-être. Le chômage, la non application de la justice transitionnelle, le manque de solutions pour créer un climat sain pour encourager l’investissement et la répartition de la richesse d’une manière équitable peuvent être à l’origine de manifestations populaires qui entravent la transition démocratique et le déroulement des élections dans des conditions favorables.

Quelles sont les solutions proposées en contrepartie de la levée de la subvention sur les produits de base ?

On peut envisager plusieurs scénarios dont notamment l’augmentation des salaires, l’octroi des bons d’achat ou l’instauration d’un matricule social.

Bien que l’octroi de bons d’achat ou la création d’un matricule social puisse régler partiellement le problème de la levée de la subvention, la solution radicale serait d’augmenter les salaires d’une façon étudiée de telle sorte que les personnes qui vont être touchées par la levée de la subvention sur les produits de base ne soient pas lésées suite à l’augmentation des salaires qu’ils perçoivent.

Quelles sont les mesures favorables à l’investissement ?

Selon le projet de la loi de finances complémentaire pour l’année 2014, on constate l’existence de certaines mesures qui concernent l’encouragement à l’investissement ou qui prévoient des exonérations, telles que :

– La réduction du taux de la TVA à 6% lors de l’importation des équipements n’ayant pas de similaires fabriqués localement.

– La suspension de la TVA au titre des équipements fabriqués localement acquis à partir de la date de l’entrée en activité effective des investissements de création.

– L’exonération de la TVA du papier journal, avec la suppression de la présentation d’une caution bancaire ou de la consignation du montant de la TVA.

Quid de la levée du secret bancaire ?

La levée du secret bancaire constitue une vraie énigme au niveau de la législation fiscale tunisienne.

Cette décision a été prise à plusieurs reprises, mais elle a été à chaque fois reportée pour plusieurs considérations.

En réalité, la levée du secret bancaire est une arme à double tranchant :

– D’un côté, elle peut être à l’origine d’un retrait massif des sommes déposées auprès des établissements financiers ;

– Mais d’un autre côté, elle constitue un handicap majeur pour les services de contrôle fiscal qui ne peuvent pas accéder au contenu des comptes bancaires.

Alors, pour mettre fin à cette hésitation qui n’a que trop duré, le Gouvernement actuel qui n’a pas de visées politiques, est bien placé pour prendre des décisions courageuses dont notamment la levée du secret bancaire qui constitue une étape importante pour lutter contre la fraude et l’évasion fiscale.

Cependant, il serait plus sage d’appliquer cette mesure d’une façon progressive afin d’éviter une réaction de panique et de lancer une campagne de sensibilisation pour expliquer aux personnes concernées que la levée du secret bancaire ne sera appliquée, dans une première phase, que dans le cadre d’une vérification approfondie et aux contribuables qui ne présentent pas leur comptabilité.

En guise de conclusion, je tiens à préciser que le ministre de l’Economie et des Finances a confirmé aux membres de la commission : « Equilibre des Finances Publiques, Fiscalité et évasion fiscale » que le projet de la loi de finances complémentaire en date du 24 mai 2014 et qui a été partagé sur Facebook, n’engage en rien le ministère et que les propositions sont encore à l’étude.

Il faut savoir que, au niveau de cette commission, nous n’avons pas encore arrêté définitivement les mesures qui seront retenues par la loi de finances complémentaire pour l’année 2014.

Khadija Taboubi

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