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Migration : La Tunisie ne cessera pas d’être une plaque tournante de transit avant longtemps

La Tunisie est au centre d’un changement significatif dans le paysage migratoire méditerranéen. Le pays est devenu un point de transit clé pour les migrants d’Afrique subsaharienne et les demandeurs d’asile du Soudan, du Tchad, de la Guinée, du Mali, de la Côte d’Ivoire et d’ailleurs, qui cherchent à atteindre l’Europe. Des années de détérioration des conditions politiques et économiques avaient déjà contraint les Tunisiens à émigrer. Cependant, au cours du second semestre 2022, les Africains subsahariens ont dépassé les Tunisiens en tant que groupe le plus important migrant vers l’Europe depuis la Tunisie. Cette tendance s’est accélérée en 2023, consolidant le statut de la Tunisie en tant que plaque tournante de la migration.

La présence d’une importante population d’Afrique subsaharienne en Tunisie remonte à 2015. Cette année-là, la Tunisie et plusieurs pays subsahariens ont supprimé les programmes de visas mutuels. Cependant, des transformations politiques plus récentes au Sahel et en Libye ont entraîné une augmentation des arrivées. Une série de coups d’État au Sahel, ainsi que la crise climatique et la détérioration des conditions de vie, ont contraint des milliers de personnes à quitter leur pays. Un accord migratoire signé en 2017 entre le gouvernement italien et la Libye, soutenu par l’Union européenne (UE), a alloué des fonds pour la création de centres de détention et la transformation de groupes armés en gardes-côtes. Cet accord a involontairement incité les migrants subsahariens à privilégier l’entrée en Tunisie plutôt qu’en Libye. À la suite des mauvais traitements infligés par les milices et de l’enlisement de la Libye dans le conflit en 2019, les migrants ont commencé à entrer en Tunisie en plus grand nombre encore. La plupart de ces migrants espéraient quitter la Tunisie pour l’Europe. En outre, de nombreux migrants subsahariens déjà présents en Tunisie ont perdu leurs emplois informels en raison de la pandémie de COVID-19 et ont commencé à chercher des opportunités ailleurs. Puis, au début de l’année 2023, le discours politique en Tunisie a déclenché une flambée de racisme violent à l’égard des Africains noirs subsahariens vivant dans le pays et une augmentation correspondante des migrants basés en Tunisie cherchant refuge en Europe.

Les autorités tunisiennes n’ont pas réussi à élaborer une stratégie globale pour gérer, et encore moins pour freiner, l’afflux de migrants en provenance d’Afrique subsaharienne, souligne le think tank Carnegie. Au lieu de cela, elles ont eu recours à des politiques incohérentes, à des tactiques à court terme émanant d’une mentalité sécuritaire. De plus, une économie migratoire florissante, caractérisée par des réseaux de passeurs agiles composés de personnes cherchant à gagner leur vie dans un pays en proie à des crises économiques et climatiques systémiques, s’est installée en Tunisie. Cette économie migratoire a démontré une grande capacité à répondre à une demande de plus en plus diversifiée et à s’adapter aux contraintes générées par l’application de la loi. En tant que telle, la transition de la Tunisie vers un centre de transit démontre à quel point la migration est devenue une question bien ancrée, reflétant les défis structurels du pays, sa vulnérabilité à l’instabilité régionale et la dynamique plus large de la déstabilisation géopolitique.

L’impératif d’une approche holistique

La transformation de la Tunisie en pays de transit pour les migrants souligne la nécessité d’aborder la migration comme un phénomène structurel et à long terme, et pas seulement comme une question de sécurité. L’escalade des conflits au Sahel et en Afrique de l’Ouest, ainsi que la fragilité de la Libye et la porosité des frontières tunisiennes, signifient que l’exode des populations se poursuivra et que beaucoup continueront à utiliser la Tunisie comme plaque tournante. De même, en tant que destination finale de la plupart des migrants africains, l’Europe peut continuer à s’attendre à ce qu’un grand nombre d’entre eux réussissent à atteindre ses côtes. La seule variable inconnue est de savoir si la Tunisie et l’UE changeront d’approche pour faire face au phénomène et quelles politiques elles pourraient adopter.

Idéalement, la Tunisie et l’UE devraient coopérer dans le but de concevoir des solutions qui soient mutuellement bénéfiques et qui équilibrent les stratégies politiques à court et à long terme afin de gérer efficacement les flux migratoires. Étant donné que la migration est étroitement liée aux questions de sécurité, de relations internationales, d’identité nationale et d’économie, il serait préférable d’adopter une approche holistique, recommande Carnegie. Une approche fragmentée qui ne reconnaît pas les facteurs structurels profondément enracinés à l’origine des migrations humaines est inadéquate pour résoudre la crise, explique le groupe de réflexion.

La stabilisation du Sahel est une priorité urgente, tout comme la facilitation et le renforcement de l’assistance et de l’aide d’urgence des organisations humanitaires aux migrants subsahariens qui fuient leurs pays de plus en plus instables. La Tunisie est appelée à mettre en œuvre des réformes politiques et économiques indispensables, notamment une législation garantissant les droits et protections essentiels des migrants, qui pourraient alors être dissuadés d’essayer de rejoindre l’Europe par des moyens illégaux. Les pénuries de main-d’œuvre en Europe et en Afrique du Nord devraient être comblées par des accords qui permettent une migration légale et finalement circulaire, les migrants pouvant aller et venir. Enfin, il est essentiel d’encourager la coopération régionale pour réguler le flux de migrants en provenance de Libye et d’Algérie afin d’empêcher la transformation de la Tunisie en un centre de transit encore plus important où les réseaux de passeurs exploitent les rivalités régionales. A défaut d’une telle approche globale, la migration sera utilisée encore comme une carte de pression contre l’Europe.

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