L’année 2019 s’est soldée par des résultats mitigés pour la BH. Le leader des crédits logement a maintenu le cap sur la croissance malgré un contexte monétaire tendu et une réglementation prudentielle plus contraignante. Cependant, la banque semble subir les effets « secondaires » de sa stratégie de conquête des parts de marché entamée depuis 2015: un ratio de transformation réglementaires parmi les plus élevés du secteur, une qualité de portefeuille qui peine à se redresser et un spread de crédit tendu par rapport à la concurrence. A l’instar de ses consœurs, la banque devrait modérer ses ambitions de croissance sur la période 2020-2021. Avec une exposition de 26% au segment des particuliers, la BH devrait accuser un important manque à gagner au niveau de sa marge d’intérêt en 2020.

Coût des ressources oblige, la BH Bank réduit la voilure sur le crédit
La banque a affiché un ralentissement sensible de la croissance de ses dépôts comparativement aux dernières années (une croissance de 5% à 6,9 milliards de dinars contre une progression moyenne de 12% sur la période 2016-2018) en raison du resserrement des liquidités et de la conjoncture économique atone.
La BH maintient une exposition non négligeable aux ressources onéreuses, les dépôts à terme (de 37%) ce qui pénalise sont coût des ressources. Selon les estimations de Tunisie Valeurs, ce dernier s’est établi à 6,1% contre une moyenne de 5,2% pour la concurrence cotée.
Le relâchement de la croissance est d’autant plus perceptible au niveau de l’activité du crédit. L’encours des engagements de la BH s’est accru de 6% à 9,6 milliards de dinars en 2019 contre une évolution moyenne de 21% sur la période 2016- 2018. Face à une liquidité de plus en plus rare et qui est devenue réglementée (instauration du ratio de transformation réglementaire à partir du T4 2018), la banque a réduit la cadence sur les crédits.
Nonobstant la réduction de la voilure sur les crédits, le ratio de transformation n’a été que peu affecté. Ce dernier s’est établi à 139,2% à fin 2019 contre 140% fin 2018. Il reste de ce fait parmi les plus élevés du secteur coté.
Un stock de BTA de 1,2 milliard DT
Une autre carence, et non des moindres dans les comptes de la BH, son exposition élevée aux secteurs de la promotion immobilière du BTP, deux secteurs mal en point sur les dernières années et qui concentrent 28% des engagements de la banque.
En corollaire à la collecte et des crédits, la croissance du PNB a également perdu de sa vigueur. L’année 2019 s’est bouclée avec une progression des revenus de 8 % à 492,9 MDT, contre une évolution moyenne de 22 % sur l’intervalle 2016- 2018.
L’encadrement de la politique d’investissement en bons du Trésor et le changement de la politique de refinancement de la BCT favorisant les crédits d’investissement ont affecté de plein fouet les revenus de placement. Avec une politique de placement moins dynamique dans les titres souverains et un stock de bons d’Etat majoritairement logé dans le portefeuille d’investissement (un stock de BTA de 1,2 milliard de dinars logé à hauteur de 94% dans le portefeuille d’investissement), les revenus de placement se sont rétractés de 18% à 121,2 millions de dinars.
C’est la marge d’intérêt (+26 % à 272,8 MDT), dopée par le relèvement des taux de 100 point de base en février 2019, et dans une moindre mesure les commissions (+9 % à 99 MDT) qui ont joué le rôle d’amortisseurs au repli des revenus de placement et qui ont tiré vers le haut le PNB.
Banque des plus productives, et leader du crédit logement, ses créances classées montent
La BH reste parmi les banques les plus productives du secteur coté. Le coefficient d’exploitation a quasiment stagné à 42% (contre une moyenne de 45% pour la concurrence) et le ratio de couverture de la masse salariale par les commissions a augmenté de 1,6 point de taux à 74%; un niveau en ligne avec la moyenne du secteur.
Le leader des crédits logement a subi une dégradation relative de sa qualité du portefeuille en 2019. Le taux des créances classées s’est monté à 12,5% (soit une augmentation de 1,1 point de taux par rapport à 2018) et le taux de couverture est revenu à 76,4% (soit un repli de 1,4% par rapport à 2018).
Si la banque est parvenue à dégager des bénéfices quasi stables par rapport à 2018 au niveau individuel (à 147,7 MDT avant éléments exceptionnels), le constat est tout autre au niveau consolidé. Le résultat net part du Groupe (avant éléments exceptionnels) s’est inscrit en retrait par rapport à 2018 (une baisse de 5 % à 145,2 MDT).
La banque a pu consolider sa solvabilité sur l’année. Son ratio de solvabilité global est ressorti à 10,97%, soit une légère augmentation de 0,3 point de taux par rapport à 2018. Le ratio de solvabilité Tier 1, s’est également inscrit sur un trend haussier, ressortant à 8,30% (soit une hausse de 0,6 point de taux par rapport à 2018). Malgré l’amélioration de ses ratios de solvabilité, la BH se compare défavorablement par rapport aux majors du secteur.
TV conseille la BH Bank
Durant les deux années 2020 et 2021, la banque devrait faire face à trois défis:
1) Le spectre de la récession: la dégradation du climat des affaires et ses effets ricochet sur l’investissement et sur les risques d’impayés,
2) La baisse du taux directeur: l’abaissement du taux directeur de 100 points de base depuis mars dernier et son impact sur la première source de PNB de la banque, à savoir la marge d’intérêt (55 % du PNB),
3) Les surcoûts décrétés par la BCT en faveur des particuliers et des entreprises : le moratoire d’échéances décrété par la BCT devrait mettre à rude épreuve la rentabilité et la trésorerie de la banque en 2020. C’est surtout le report des tombées des crédits aux particuliers qui devrait donner un coup dur au PNB en 2020 vu le principe de non génération d’intérêts intercalaires pendant la période du report retenu par la BCT. Tenant compte d’une exposition de 26% au segment des particuliers fin 2019, le moratoire d’échéances devrait générer un manque à gagner de 100 MDT au niveau du PNB, selon les estimations de TV pour 2020.
La BH devrait subir une triple peine sur les deux prochains exercices :
1) un ralentissement de la distribution des crédits,
2) un relâchement de la croissance du PNB impacté par des volumes baissiers et l’effet prix négatif de la baisse des taux sur la marge d’intérêt et
3) une dégradation de la qualité du portefeuille.
Ce que TV prévoit pour la BH Bank
Eu égard à ce qui précède, Tunisie Valeurs table:
1) En 2020 : sur un décrochage du PNB de 20 % à 395,5 MDT, et sur une chute du résultat net part du groupe de 55 % à 64,7 MDT,
2) En 2021 : sur une reprise technique du PNB de 28 % à 506,2 MDT et sur un rebond du résultat net part du groupe de 62 % à 105,2 MDT.
Les atouts actuels de la banque ne devraient pourtant pas éclipser quatre principales carences :
1) une liquidité sous pression qui amènera la banque à faire primer l’objectif de mobilisation des ressources sur la distribution du crédit dans les prochaines années,
2) un spread de crédit sous pression (de 3,5% contre une moyenne sectorielle de 4,5 %) qui devrait orienter la banque vers une restructuration de ses ressources et un désengagement progressif des dépôts onéreux. Un objectif difficile à mettre en place vu la contrainte du ratio de transformation réglementaire,
3) une qualité du portefeuille qui reste à améliorer et qui est consommatrice en coût du risque,
4) et une exposition élevée aux secteurs immobilier et du BTP (qui sont respectivement de 20% et de 8%) qui devrait pénaliser la qualité du portefeuille dans la conjoncture malmenée de la période post-COVID.
*Synthèse d’une note de l’analyste boursier Tunisie Valeurs (T.V)