En matière de transparence au moins, et bien qu’il ait fait la même chose en matière de cachoterie (Exemple du document des dernières mesures fiscales et de change que des députés ont découvert dans des circuits parallèles, faute de l’avoir reçu du ministre) l’actuel ministre tunisien des Finances a fait mieux que son prédécesseur. En effet, fin mai 2020, il publie déjà les chiffres de la réalisation de l’exécution du budget pour le 1er trimestre 2020 dont il a la charge.
Des résultats qui, lorsqu’on les compare aux réalisations de 2019 lorsque Ridha Chalghoum était encore ministre des Finances, donnent la nette impression que Yaiche est plus dépensier que Chalghoum, et pas toujours pour les bonnes raisons.
Le trésorier de Fakhfakh abaisse de 50 % les dépenses d’investissement et augmente les dépenses de gestion
A fin mars 2020, en effet, le total des recettes était 10,757 Milliards DT. Un chiffre, en petite hausse de 0,9 %, et presque le même montant que du temps de l’ancien ministre Ridha Chalghoum. Comme lui à la même date, il a déjà tout dépensé des recettes trimestrielles. Sur les 10,7 Milliards DT de ressources propres, presque 5 Milliards ont été dépensés en salaires de l’unique fonction publique, ministres et conseillers compris, en hausse même de 15,1 % par rapport aux salaires de 2019. Zéro pointé donc, en matière de contrôle de la masse salariale. Mais ça, ça ne dérangera que les bailleurs de fonds, pas les employés de l’Etat, ni même l’UGTT qui en demande plus. En hausse aussi, les dépenses, dites de biens & services, de l’Etat. Avec 341 MDT en 3 mois, cela fait une augmentation de 12,5 % par rapport à la période Chalghoum, le tout dans un Etat qui crève la dalle. Les dépenses en capital, ou d’investissement, seule manière de créer richesse et emplois, n’auront eu que moins de 700 MDT, la portion congrue du budget et qui rétrécissait comme une peau de chagrin.
Nizar Yaiche a cependant moins fait en matière de recettes fiscales. A fin mars, il ne récoltait que 7,7 Milliards DT contre 8,07 Milliards à la même période de 2019, mais plus que lui en matière de recettes non fiscales (1 Milliard DT contre 0,752 Milliard). Il a aussi fait plus que son prédécesseur, mais en ressources d’emprunt. Nizar Yaiche, « Grand Vizir » du gouvernement de Fakhfakh-Bey (le nom de Grand Vizir a été donné au ministre des Finances de Sadok Bey qu’était Mustapha Khaznadar) a pu engranger un peu plus de 3 Milliards DT, ou 16,5 % que le Colbert de Chahed. La comparaison, bien sûr, est à beaucoup nuancer, notamment en matière de probité et de transparence, entre les deux hommes.
Forte baisse de l’IS. Covid-19 pointait déjà ses dents !
Toujours en matière de ressources budgétaires, les impôts sur les revenus (IR) n’ont baissé que d’un tout petit 3,5 % (2255 Milliards DT, contre 2,3 milliards DT à fin mars2019), alors que l’IS (impôts sur les sociétés) ont dégringolé de 33,5 %, l’ère Fakhfakh ayant été celle de toutes les crises et l’ère du Covid-19 où la gestion de la crise a surtout appauvri les entreprises, sources de l’IS. Baisses aussi de 4,3 % de tous les impôts indirects (-8,8 % en TVA notamment), sauf la petite hausse de 0,2 % en DD qui ne durera pas et l’autre petite hausse de 1,6 % en IC et qui ne durera pas non plus, comme on devrait le constater pour le 2ème trimestre 2020
Question dépenses, à la même date et sous le ministère de Nizar Yaiche qui s’avère être plus dépensier que son prédécesseur (6,213 Milliards DT contre 5,399 Milliards DT à fin mars 2019), les dépenses de gestion ont augmenté de 15,1 % (contre 8,8 % en mars 2019), et les dépenses d’investissement ont baissé de 50 % carrément. Et déjà en mars 2020, le solde budgétaire était négatif de plus d’un Milliard DT. A ce rythme trimestriel, le résultat pourrait dépasser les 4 Milliards DT et le déficit budgétaire devrait plafonner à des sommets jamais atteints !
Khaznadar emprunte plus que Colbert
La situation économique étant plus détériorée qu’en 2019, l’actuel ministre des Finances a focalisé sur les emprunts locaux où il a déjà puisé plus d’un Milliard DT, presque la moitié que tout ce qui était prévu pour toute l’année 2020 dans sa LF. Le ministère Yaiche a beaucoup utilisé les Bons de trésor (Cinq fois plus qu’en 2019) et presqu’autant que 2019 en BTA, une dette locale que le ministère rembourse par d’autres BTA et non en cash comme il était de coutume. La mauvaise qualité des ratios financiers de la Tunisie de l’ère Fakhfakh-Covid, les emprunts extérieurs ont baissé (812,6 MDT contre 1.094 MDT en mars 2019), mais ont déjà presque dépassé tout ce qui était prévu pour tout l’exercice 2020 dans sa LF (8,848 Milliards DT). Le chef du gouvernement promettait, lors de son dernier discours télévisé de mai 2020, qu’il ne fera plus recours à l’endettement et comptera désormais sur les ressources locales. La vérité, par le chiffre, c’est qu’il n’a plus d’autre alternative. Il va droit ainsi vers l’assèchement de la liquidité sur la place financière locale. En totalité, entre local et extérieur, le Khaznadar du Bey aura récolté presque 2 Milliards DT (1,893 Milliard DT), presqu’autant que le Colbert de Chahed.
Pour la petite histoire, Khaznadar avait mené son pays à la ruine sous le Beylicat de Sadok Bey. Et on la voit déjà venir avec le dernier discours de « Fakhfakh-Bey ». Colbert avait maintes fois sauvé Louis XIV. Comme en 1868, peut-être, la Tunisie sera-t-elle obligée d’attendra un autre Kheireddine ?