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Tunis : La ligne internationaliste refait surface au sein du parti d’Ennahdha

L’alignement du président de la République, Moncef Marzouki, d’Ennahdha et du CPR sur les positions des islamistes libyens dans la crise actuelle n’a pas été en soi surprenant pour les observateurs. Car tout le monde sait qu’il y a une tendance au sein d’Ennahdha qui privilégie l’engagement international aux côtés des formations de la nébuleuse islamiste partout dans le monde  » opprimées ou oppressantes soient-elles « , et que le CPR et son président d’honneur ne manquent nulle occasion pour marquer leur alignement sur les positions de l’Emirat du Qatar. Mais ce qui était surprenant dans l’affaire, c’est le nouveau rapport de force dévoilé par cette affaire entre ce qui est convenu d’appeler les  « nationaux » et les « internationalistes » au sein du parti islamiste. On avait cru, au vu des dernières positions des dirigeants d’Ennahdha, que la ligne internationaliste a été vaincue , et qu’on ne verrait plus Abdelkrim Harouni sur la benne d’une remorque s’attaquer à la France devant sa représentation diplomatique pour son engagement anti-terroriste au Nord Mali, ni Lotfi Zitoun menacer les Tunisiens d’une intervention des révolutionnaires égyptiens ( comprendre les Frères Musulmans ) pour mater la contre-révolution en Tunisie et faire échouer le complot qui se tramait contre la légalité de la troïka. Les dernières interventions des Nahdhaouis avaient illustré une certaine harmonie entre différents dirigeants du parti islamiste et rapproché leur discours de la littérature politique centriste et modérée en vogue depuis le retrait de la troïka du pouvoir. Ils disent qu’ils sont en train de donner la priorité à ce qui est national, qu’ils ont opté définitivement pour le consensus et le dialogue, et choisi de manière irréversible la démarche pragmatique pour trouver des solutions pratiques aux problèmes du pays .

Pour accréditer leur thèse, ils ont autorisé à Abdelfattah Mourou à accorder des interviews à des journaux égyptiens où il se démarque des positions des Frères Musulmans et de leur guide suprême Mohamed Badii, allant jusqu’à déplorer leur entêtement meurtrier qui a conduit les démocrates et l’Armée à se détourner d’eux, et les évincer du pouvoir. Ennahdha a également facilité la fuite de lettres adressées par Rached Ghannouchi à l’Organisation internationale des Frères Musulmans , démenties aussitôt , il est vrai, dans lesquelles il critique ouvertement les Frères Musulmans d’Egypte, s’en prenant particulièrement à Mohamed Badii pour la démarche suicidaire d’hégémonie politique adoptée depuis l’été 2012.

Ces attitudes, bien qu’entachées de temps à autre par des signes de Rabiâa ou de positions non concordantes sur l’évolution de la situation dans la région, ont fini par convaincre les observateurs non avertis, qu’Ennahdha s’est assagi sous l’effet des revers de son exercice du pouvoir, et des expériences sanglantes de l’islam politique en Syrie, en Egypte et ailleurs. Mais les derniers développements de la Libye nous ont mis en face d’un visage très classique de l’islam politique pur et dur.

Le communiqué publié par la présidence de la République rendant compte de l’entretien téléphonique entre Marzouki et Nouri Bousahmine, le président du Congrès Général National (CGN) au cours duquel le Président Tunisien a assuré le responsable libyen de son soutien et de celui de la Tunisie à la légalité en Libye , est venu s’ajouter aux deux autres publiés, mardi 20 mai 2014, respectivement par le mouvement Ennahdha et le parti CPR , condamnant fermement ce qu’ils ont appelé « la tentative de coup d’Etat et le recours aux armes en Libye ».

Cette ligne dictée par un alignement international, pour les uns sur les positions de l’Organisation internationale des Frères Musulmans et, pour les autre,s sur les positions du Qatar, nous met dans la même situation de fin 2012 début 2013, où le ministère tunisien des Affaires Etrangères, dirigé à l’époque par Rafik Abdesslem s’est aligné, de concert avec la présidence de la République, sur la position de Youssef Kardhaoui et du Qatar au sujet de la situation du Nord Mali, qui a subi l’occupation d’AQMI (Al Qaeda dans le Maghreb Islamique ) , Boko Haram et autres groupes terroristes. Une position qui a été rectifiée, au cours d’une réunion du conseil supérieur de la Sécurité , le 17 /1/ 2013, avec l’annonce d’une nouvelle position nuancée mais pas suffisamment équilibrée sur le dossier .

Lire notre article en arabe du 18/1/2013 ( القرضاوي غالط الرأي العام في ازمة مالي)

Cet évènement indique que la ligne internationaliste au sein d’Ennahdha a son histoire. En fait, elle s’est enracinée, dès les premiers jours de la révolution. Sitôt débarqué en Tunisie, dimanche 30 janvier 2011, Rached Ghannouchi reprend les rênes de l’organisation des mains de Hamadi Jébali , et annonce le rôle avant-gardiste de la Tunisie , voulu par Dieu ,dans la diffusion des valeurs de l’islam en Afrique et en Andalousie, remis au goût du jour par la propagation des Révolutions contre l’oppression et pour les libertés. C’était le vendredi 4 février 2011, dans l’enceinte de la Mosquée de la Zitouna, devant des télévisions étrangères, dont Al Jazeera International, après avoir fait descendre et malmené l’ancien Imam désigné par Ben Ali et reçu les félicitations pour cette victoire qui symbolise la mainmise de l’islam politique sur le pays.

Les observateurs ont vu dans ces propos une prophétie, car la Révolution égyptienne avait à peine une semaine, et les Libyens n’étaient pas encore pris dans le tourbillon de la Révolution. C’est comme si Rached Ghannouchi lisait dans un livre.

Cette annonce marque le début d’un cours nouveau , illustré par un discours arrogant envers l’opposition ( les zéro virgule) et une lecture de l’histoire du pays indiquant que ce qui a été réalisé depuis juin 1955 n’est qu’une déviation francophone inspirée par un Occident guidé par le sionisme international qui a dénaturé l’identité du pays , et si ce n’était le scrutin du 23 octobre 2011 qui a rétabli la concordance entre la vocation arabo-musulmane du pays et le parti qui la représente , le pays aurait sombré pour des décennies encore dans cette déviation.

Du 23 octobre 2011, jusqu’à fin juillet 2013, on était en présence du même comportement, des mêmes thèses et des mêmes justifications de ce qui se passe en Tunisie et ailleurs. L’engagement envers Ennosra et Daech en Syrie est sans faille, Ennahdha a été directement derrière l’usurpation de la victoire au très libéral Mahmoud Jibril, lors du scrutin de juillet 2012,en Libye , au profit des Frères Musulmans qui étaient sortis vaincus des législatives, et le tout a été couronné par une loi sur l’exclusion politique draconienne, votée en mai 2013,qui visait justement le vainqueur de ce scrutin, Mahmoud Jibril. Ces manœuvres islamistes ont fait de la Libye un semblant d’Etat, un point de ralliement des terroristes de tous bords et un dépôt d’armes à ciel ouvert au service de cette cause.

Mais les tenants de cette ligne internationaliste au sein d’Ennahdha et malgré leurs ratés et errements qui ont saigné à blanc la Tunisie, étaient, du fait de leurs connections internationales, les premiers à comprendre, à partir de fin juillet 2013, que les jeux étaient faits, et que les islamistes doivent se retirer du pouvoir. Les membres de l’autre clan formé des « nationalistes  » tels que Ali Laârayedh , Hamadi Jébali , Abdellatif Mekki , Abdelkrim Harouni , n’étant pas outillés pour ce genre d’exercices , ont mis du temps pour comprendre la nouvelle conjoncture et les messages codés des puissances occidentales à l’adresse des islamistes dans la région . Et il faut le reconnaître, ce sont les » internationalistes » et à leur tête Ghannouchi qui ont compris les enjeux de la situation et ont épargné au pays un bain de sang.

Cependant ,on découvre actuellement que la modération affichée par les islamistes dans le dossier tunisien a vite laissé la place, dans la crise libyenne, à un discours décalé favorisant l’engagement envers la nébuleuse radicale et s’employant à défendre les « acquis » de la réalité islamiste qui a détruit l’Etat unitaire et abandonné le chemin menant à la mise en œuvre du projet démocratique dans ce pays .Cet énième revirement des islamistes donne la preuve que le grand pas qui permet de les ranger parmi les forces politiques de la construction , du dialogue et du consensus , comme ils le prétendent n’est toujours pas fait .

Aboussaoud Hmidi

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