La communauté des Libyens résidant en Tunisie ne cache sa vive colère à la suite d’un reportage sur France 24 présentant les Libyens comme « turbulents, grossiers avec les femmes et à l’origine de la flambée des prix ». Elle y voit une expression de discrimination contre les réfugiés libyens arrivés par milliers ces derniers mois pour fuir les combats dans leur pays. Les Libyens seraient plus d’un million aujourd’hui, selon le ministère tunisien du Commerce. Un chiffre très important rapporté à une population tunisienne de dix millions d’habitants, note la chaîne tv française qui ajoute que la cohabitation n’est pas toujours aisée. Elle cite « les délits commis par des ressortissants libyens… comme l’arrestation d’un Libyen qui faisait du rodéo avec sa voiture dans une rue de Carthage ou la défenestration de deux Tunisiennes, dans le quartier huppé d’Ennasr à Tunis par des Libyens, lors d’une soirée arrosée ».
Les Libyens aisés sont par ailleurs accusés d’être à l’origine de la flambée des prix du secteur immobilier, selon le reportage qui cite le témoignage d’un un jeune étudiant originaire de Tripoli, selon lequel ce sont les propriétaires qui exigent des loyers plus élevés aux Libyens, parce qu’ils sont convaincus qu’ils sont riches. « Beaucoup de Tunisiens pensent que nous sommes riches parce que nous venons de Libye, et ils en profitent pour augmenter les prix. C’est de la discrimination. En tant que réfugiés d’un pays voisin, on s’attendait à plus d’empathie. Déjà pour trouver un appartement, c’était le parcours du combattant. Quand je suis arrivé en juillet, j’ai essayé de louer un logement avec mon ami, mais nous avons essuyé plusieurs refus. Les propriétaires nous disaient : « Vous allez boire de l’alcool et ramener des prostituées ». On m’a pris pour un voyou alors que je ne fume même pas de cigarettes », a-t-il affirmé.
Un autre Libyen soutient qu’en tan que tel, il n’a pas le droit d’inscrire ses trois enfants à l’école publique et il est dans l’embarras parce que les écoles privées, qui veulent bien accepter ses enfants, pratiquent des prix trop élevés pour lui.
Il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac. Tous les Libyens ne roulent pas sur l’or et ne sont pas des fauteurs de troubles, selon une ressortissante libyenne qui ajoute que « en général, les Libyens aisés ne restent pas longtemps en Tunisie et cherchent à obtenir des visas pour aller en Europe, surtout ceux qui sont impliqués dans les conflits entre milices et qui craignent pour leur vie.
Une de ses compatriotes apporte un autre témoignage. « Personnellement, j’habite dans un studio avec mes trois enfants que je loue 50 dinars la journée. Et je vis dans la crainte que les policiers débarquent pour m’en chasser. Je loue mon appartement illégalement, cela permet au propriétaire de ne pas payer de taxes », depuis l’incident de la défenestration de 2013, la police oblige tout propriétaire qui loue à un étranger d’en faire une déclaration à la police.
Une autre Libyenne enchaîne : « Je suis dentiste mais je ne peux travailler car je n’ai pas de résidence. Après plusieurs démarches, l’administration m’a dit qu’il me fallait une autorisation écrite par mon époux pour obtenir une résidence. Je suis dans une impasse car mon mari est bloqué à Tripoli. Je vis dans une situation difficile, sans revenus, et parfois je n’ai même pas de quoi payer une bouteille de lait à mes enfants. J’ai souvent pensé à partir en Europe mais je ne peux pas le faire. Car je me dis qu’au moins, en Tunisie je reste proche de ma mère – qui est malade – à Tripoli et proche de ma famille. Tout ce que je veux, c’est rentrer chez moi, auprès d’eux ».
