Annus horribilis, été pourri, saison lamentable, les aphorismes se bousculent pour qualifier l’état des lieux du tourisme tunisien dans le sillage de la Révolution qui a secoué le pays voici bientôt neuf mois. Les espoirs placés dans un hypothétique rebond de l’arrière-saison ont fondu comme beurre au soleil alors que tombent les chiffres de l’activité touristique et que se précisent les prévisions et les stratégies des tour- operateurs pour ce qui reste de la saison et pour l’année 2012.
A la date du 20 août, la Tunisie n’a reçu que 2,771 millions de touristes contre 4,539 millions de touristes par rapport à la même période de l’année 2010, soit une baisse de 38,9%. Les nuitées globales ne sont pas en reste, la fréquentation hôtelière a reculé de 46,3%.
Ce faisant, les recettes touristiques ont coulé à pic , perdant 43,4% durant la période 1er janvier- 20 août 2011 atteignant le modeste montant de 1.210,3 million de dinars contre 2.155 million de dinars en 2010, autrement dit un manque à gagner dans la périphérie du milliard de dinars, plus exactement 928,1 millions de dinars.
Le tableau se noircit encore avec le nombre inédit d’unités hôtelières qui ont mis la clé sous le paillasson : 24 depuis le 14 janvier, soit une capacité d’hébergement de 7544 lits, se traduisant par 89 000 emplois directs et indirects considérés comme pulvérisés depuis le déclenchement de la Révolution du 14 janvier.
Pis encore, la crise n’a épargné aucune région à l’exception peut-être du gouvernorat de Tataouine où la fréquentation a augmenté de 44% grâce à l’afflux des réfugiés libyens fuyant la guerre dans leur pays. Ailleurs, les chiffres sont désastreux : Tozeur et Gafsa, pour ne citer que ces deux destinations, déplorent un repli en raz-de-marée de plus de 75%. Et à travers tout le territoire tunisien, la fréquentation hôtelière a chuté de 46,3%, un recul de 10 millions de nuitées effectives.
A l’évidence, ce sont les craintes suscitées par l’insécurité qui ont dissuadé les touristes d’où qu’ils puissent provenir de choisir la Tunisie pour y passer leurs vacances en dépit des prix défiant toute concurrence proposés et pratiqués. Il est vrai que les modestes campagnes de promotions lancées çà et là, surtout en Grande-Bretagne par une agence tunisienne, n’ont pas réussi à désamorcer ces craintes ni présenter de la Tunisie une image rassurante, même si aucun des visiteurs n’a eu à déplorer des désagréments extraordinaires, encore moins pâtir de l’insécurité ambiante dans certaines régions.
Est-ce à dire que les autorités tunisiennes n’ont pas su gérer la crise, singulièrement dans son volet promotionnel ? Sans que soient mises en cause les bonnes résolutions qui ont été les leurs dès l’abord, en chemin et présentement, ni l’importance des fonds mobilisés à cette fin, on ne peut pas, au final, s’empêcher d’être interpellé par le manque d’imagination, et par endroits, l’excès d’imagination qui ont entaché les démarches conçues et mises en œuvre. Certes, il est toujours de bonne guerre d’incriminer l’insécurité, les sit-in, devenus un sport national, les barrages de routes et autres formes de contestation, mais les résultats sont là pour attester que, nonobstant les irréprochables professions de foi qui animent l’establishment touristique du pays, les réponses pratiques à la crise n’ont pas été celles qui auraient dû être données.
Il appartiendra aux « états généraux du tourisme » qui réuniront tous les professionnels ainsi que des représentants du gouvernement, le 15 septembre, de poser un diagnostic franc et sans fard de la situation et d’imaginer des mécanismes absolument convenus et concertés pour permettre au secteur de sortir enfin de l’ornière, et ce, impérativement à l’enseigne d’un nouveau cri de ralliement où les professionnels autant que le ministère du tourisme s’investiront du mieux qu’ils pourront. D’autant que la Fédération tunisienne de l’hôtellerie (FTH) ne semble pas très rassurée sur la suite des événements, encore moins pour l’année 2012. Témoin, les hypothétiques et incertaines prévisions de son bureau exécutif le 23 août 2011, pour lequel « la visibilité pour l’année prochaine est très faible ». Les tours opérateurs n’ont-ils pas demandé des réductions de prix et de contingents en s’abstenant, au demeurant, de programmer des chaînes de vol charter, un « signe fort de leur manque d’engagement sur la destination Tunisie ».