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Tunisie : Les « cent jours » d’un gouvernement qui ne sait pas où aller

Cela fait 100 jours que le gouvernement issu des élections du 23 octobre 2011, tient les rênes du pouvoir en Tunisie. Cent jours, c’est pratiquement la norme à l’aune de laquelle est jugée et appréciée l’action de tout nouveau gouvernement, partout dans le monde, et singulièrement les pays démocratiques ou classés comme tels.

Exercice nécessaire mais éminemment difficile quand on sait que pareille période offre rarement l’occasion à une équipe au pouvoir de donner le meilleur d’elle-même et de livrer les secrets de son art de gouverner. Il est quand même des signes qui ne trompent pas, et ceux qui s’attachent au cabinet composé des représentants de la troïka permettent déjà de se figurer de quoi ces derniers sont capables, jusqu’où ils peuvent aller et à quoi ils sont susceptibles de se laisser aller.

Dès l’abord, il est clair que, dans son écrasante majorité, le gouvernement ne compte que des néophytes qui n’avaient que de vagues idées des portefeuilles dont ils sont actuellement titulaires . Et ceci ne peut pas aller sans produire des « effets désastreux garantis » sous la forme de péripéties et de dérapages incontrôlés ou difficilement contrôlables. D’aucuns parlent de casseroles que certains ministres traînent, soit par inexpérience, soit par naïveté, soit encore par solidarité et discipline gouvernementale.

Le fait est que, comme le disait Napoléon Bonaparte, « quand on connaît l’art de régner, on ne joue son crédit qu’à bonne enseigne », et cette règle du pouvoir dispenserait les uns et les autres, et chacun dans la discipline qui est la sienne, de dévier de la diligente gestion de la chose publique. La chronique enseigne que ce n’était pas souvent le cas avec le gouvernement que préside Hamadi Jbali, au point que, parfois, on a l’impression qu’il est littéralement dépassé par les événements, et que le cours des choses échappe totalement à son contrôle. Est-ce dû à ses accointances presqu’incestueuses avec le mouvement Ennahdha? Dans une large mesure, la réponse est affirmative même si maints portefeuilles dans ce gouvernement sont détenus par des proches du mouvement islamiste et ses partenaires dans la coalition, à savoir le parti Attakatol de Mustapha Ben Jaafar et le CPR de Moncef Marzouki. Car, au final, Hamadi Jbali est là pour appliquer un programme et un projet de société conçu par Ennahdha, sans, visiblement, avoir le savoir-faire politique y afférent.

Si politiquement, le Gouvernement Jbali est en droit de revendiquer quelques avancées, comme le maintien sur les rails du processus initié, dès le 23 octobre 2011, force est de constater que les perspectives et les orientations qui guident son action ne brillent pas par une claire visibilité, ni ne sont empreintes de cohérence. Personne ne peut prédire exactement quand la Constitution sera promulguée, ni quand l’actuel gouvernement remettra le pouvoir à son successeur. C’est à croire que l’actuelle équipe ministérielle verrait d’un très bon œil que la Constituante joue les prolongations au-delà de l’échéance d’une année autour de laquelle s’était pourtant formé un consensus national. A qui profitera ce sursis ? certainement pas au pays qui a hâte de voir se lancer les chantiers, grands et moins grands, sous la férule d’un gouvernement permanent, ayant un mandat clair, convenu et limité dans le temps, gouvernant conformément à des dispositions constitutionnelles pérennes et contraignantes.

Ce n’est pas là l’unique grief à reprocher au gouvernement. D’autres s’y ajoutent, et des plus graves, notamment son évidente mansuétude à l’égard du courant salafiste. D’aucuns parlent de complicité de facto. Le fait est que les méfaits dont se sont rendus coupables maints membres de ce courant islamiste extrémiste revêtent une gravité telle qu’elle commande une sévérité à la mesure de l’acte commis, et à tout le moins l’application stricte de la loi. Et il est à ce propos, par exemple, presque ubuesque que le profanateur du drapeau national soit déclaré « disparu » par le ministre de l’Intérieur en personne, alors que tout le monde sait qui est le profanateur et probablement où il se trouve.

Economiquement non plus, l’actuel gouvernement n’a pas réalisé ce qui était attendu d’un cabinet élu, à titre principal, pour redresser la situation et créer les conditions minima pour une reprise qui ne vient pas. On a mis trois mois pour préparer un projet de loi de finances complémentaire, qui n’a pas encore été promulguée, cependant que le déficit se creuse, que le chômage bat des records inégalés, que l’inflation ronge les budgets des ménages , que les entreprises ferment l’une après l’autre et que les investisseurs étrangers tardent à venir ou à revenir.

On ne peut pas s’empêcher de remarquer que, sur ce registre, le gouvernement ne sait pas encore où devoir aller, en l’absence d’une feuille de route claire et précise et de dispositifs capables de la mettre en œuvre.

S’y ajoute une évidente prolifération des mouvements sociaux, même si leur fréquence marque légèrement le pas. Grèves et sit-in n’en continuent pas moins de ponctuer le quotidien des Tunisiens où qu’ils se trouvent, par ailleurs, tempéré par un net recul de la délinquance et un retour progressif de la sécurité, et ceci doit constituer un « bon point » à l’actif d’un gouvernement qui en a vraiment besoin pour espérer pouvoir aller au bout d’un mandat dont il ignore, paradoxalement , le terme.

Mohamed Lahmar

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