La zone du Lac, au nord de la capitale tunisienne, a vécu, ce vendredi 14 septembre 2012, de violents heurts entre forces de l’ordre et manifestants devant le siège de l’ambassade américaine. Manifestement, les forces de l’ordre étaient plus nombreuses que les manifestants, venus protester contre le film offensant pour le Prophète Mohamed et pour l’islam. Les manifestants, pourtant bloqués des centaines de mètres avant l’entrée de l’ambassade US, par des barrages et des herses, avaient pu entrer dans l’enceinte de l’ambassade et y brûler un réservoir de carburants.
Les manifestations du vendredi avaient été précédées par une manifestation, plus soft, jeudi matin, devant la même ambassade et étaient donc attendues. Cela n’explique pas les débordements des forces de l’ordre et les dommages subis par l’ambassade.
Ce qui est à notre sens plus important, bien que nous nous joignons à la protestation et à la condamnation avec force contre toute atteinte à l’islam et au Prophète Mohamed, c’est de rappeler que l’Assemblée Nationale Constituante s’était réunie, jeudi jusque tard dans la nuit, pour signifier de façon solennelle son indignation de ce qui arrive à l’Islam, religion de la grande majorité des Tunisiens.
L’initiative, retransmise en directe sur la Watanya 1 puis en terrestre sur la Watanya 2, contrairement à la violente protestation d’un député nahdhaoui qui est allé jusqu’à agresser les journalistes présents dans la salle de la Constituante, est à saluer, tant il fallait signifier au monde l’importance du respect du sacré dans les relations internationales.
Il est cependant tout aussi important de faire remarquer qu’aucun des députés qui ont pris la parole et notamment les représentants d’Ennahdha, n’avait pris la peine d’appeler au calme la population tunisienne, dont une partie au moins était à ce moment rivée à la TV pour suivre ce débat spécial « Atteinte au sacré ».
La manifestation du vendredi 14 septembre 2012 était pourtant prévisible et même attendue. Aucun des députés n’avait cependant appelé la population tunisienne, simplement musulmane ou salafiste, à garder le calme et à manifester dans le respect et l’ordre. C’est, à notre sens, un grave manquement à leur devoir de représentants du peuple et de «dignitaires », au moins d’une partie de la population acquise à Ennahdha. Un tel appel à la raison et au respect de l’ordre dans l’action de manifester, aurait certainement contribué à calmer les esprits et à désamorcer la colère qui s’était déversée vendredi 14 septembre 2012, de manière violente, sur le siège de l’ambassade US. Cela nous rappelle, a contrario, la sortie du ministre des Affaires religieuses sur les écrans TV, à la veille des heurts, de funeste mémoire, qui avaient éclaté il y a quelques à l’espace Al Abdillya.
Sur les images Live d’Al Jazeera International, on voyait des policiers, quelque peu débordés, mais qui essayaient, tant bien que mal, de raisonner des groupes de manifestants. On se demanderait alors si ce rôle n’aurait pas été mieux joué par ceux qui haranguaient, jeudi soir, cette même population, la poussant ainsi, bien qu’indirectement, à la violence ?
On se demanderait encore où était passée la société civile, particulièrement ses composantes et structures relevant du mouvement Ennahdha, promptes à descendre dans la rue au moindre signal ?
N’aurait-elle pas mieux fait d’essayer d’encadrer les manifestants et d’essayer de canaliser leur colère, pour éviter que les manifestations tunisiennes dégénèrent et ressemblent à s’y méprendre, à ce qui s’est passé au Soudan ?
La Tunisie, celle de tout le monde et même celle que veut Ennahdha, ne mériterait-elle pas mieux ? Ne mériterait-elle pas de figurersur les écrans TV mondiaux, sous de meilleurs traits , même lorsqu’elle proteste pour exprimer son attachement à ses valeurs religieuses et à l’intangibilité de son Prophète ?
Khaled Boumiza
