AccueilLa UNETunisie : Essebsi et Essid jouent-ils leur va-tout ?

Tunisie : Essebsi et Essid jouent-ils leur va-tout ?

Les crises, c’est bien connu, ont ceci de commun qu’elles agissent, par leur effet d’accélération, comme révélateur de problématiques et de tensions profondes qui n’auraient pu être saisies en temps normal. Appliqué à la crise qui secoue actuellement l’échiquier politique tunisien, cet adage se révèle particulièrement pertinent et à point nommé, tant la crise gouvernementale actuelle cache des enjeux qui se déploient sur fond  de calculs politiques  s’exhibant moins sur la manière de trouver une issue que sur ceux qui vont entrer au gouvernement et ceux qui en sortent, singulièrement son chef, Habib Essid.

En lançant sa proposition de former un gouvernement d’union nationale, le président de la République n’ignorait peut-être pas qu’il jetait un pavé dans bien des mares. Pour autant, savait-il que cela pourrait compromettre son initiative dont il attribue désormais la paternité à de tierces parties politiques, mais aussi et surtout mettre en péril son mandat à la tête de l’Etat ? Autrement dit, pouvait-il s’attendre à une réaction si dépitée  du chef du gouvernement Habib Essid dont, pourtant,  il disait  parler par procuration et en son nom, pouvant donner à une ordinaire crise gouvernementale les allures d’un soubresaut constitutionnel d’autant plus abscons qu’il est inédit.

Affligé, sans doute à raison, d’avoir été traité par-dessus la jambe par le chef de l’Etat, Habib Essid qui n’a appris l’initiative présidentielle que minutes avant son annonce, n’a de cesse d’affirmer qu’il n’entend nullement démissionner comme semble le lui demander BCE, quitte à aller devant l’Assemblée des représentants du peuple au sens des articles 98 et 99 de la Constitution, ce qui prend à défaut toute la stratégie échafaudée par le président de la République.

On serait dès lors dans une logique de confrontation, un bras de fer, absolument dévastateur pour la stabilité politique du pays, alors que tous les paramètres plongent dans les abysses. Serait-on assez lucide et avisé pour éviter ce saut dans l’inconnu ?

Essid s’accrochant à son poste, il sera difficile  de le voir avaler la couleuvre et se résigner à faire place nette pour permettre à un hypothétique gouvernement d’union nationale de prendre les rênes, d’autant qu’il dit se prévaloir d’un bilan relativement positif malgré tous les écueils et les obstacles auxquels il s’est heurté. Dans cet esprit de suite, il se dit prêt à la mise en œuvre de l’article 98 de la Constitution qui dispose que « le Chef du Gouvernement peut demander à l’Assemblée des représentants du peuple un vote de confiance sur la poursuite de l’action du Gouvernement. Si [l’ARP] ne renouvelle pas sa confiance au Gouvernement, il est réputé démissionnaire…le Président de la République charge la personnalité la mieux à même d’y parvenir de former un Gouvernement ».

Dans le même temps, la Loi fondamentale reconnaît au président de la République la prérogative de demander à l’Assemblée des représentants du peuple, deux fois au maximum durant tout le mandat présidentiel, le vote de confiance sur la poursuite de l’action du Gouvernement au sens de l’article 99. « Si [l’ARP] ne renouvelle pas sa confiance au Gouvernement, il est réputé démissionnaire. Si le Gouvernement n’est pas formé dans le délai prescrit ou s’il n’obtient pas la confiance de l’Assemblée, le Président de la République peut dissoudre l’ARP et appeler à des élections législatives anticipées, dans un délai de quarante-cinq jours au minimum et quatre-vingt-dix jours au maximum ».  Surtout, « si les  deux fois, l’Assemblée renouvelle sa confiance au gouvernement, le Président de la République est réputé démissionnaire ».

Une perspective « cauchemardesque » que l’actuel locataire du palais de Carthage ne pourra considérer en aucun cas , car il sait  pertinemment et mieux que tout autre que cette éventualité a tout d’un énorme risque qui lui ferait perdre tout son crédit, le pousserait dans l’inconnu et se solderait par sa destitution. De surcroît, le président de la République ne peut pas ignorer non plus que Habib Essid est tout à fait en mesure d’en appeler à l’Assemblée des représentants du peuple pour solliciter un vote de confiance, lequel, s’il l’obtenait, ce qui est fort probable, le fonderait à s’installer pour un long bail à la Kasbah, alors qu’il pensait que la fin ou non de son mandat est tributaire des élections municipales prévues dans à peu près un an.

C’est dans cette configuration que Béji Caïd Essebsi poursuit ses consultations marathoniennes avec la quasi-totalité du spectre politique, excepté le Front populaire, cela s’entend. Il pense pouvoir les terminer à l’horizon de l’Aïd el-Fitr. Quelle issue faut-il prévoir ? En rencontrant ce mercredi les plénipotentiaires  politiques et partenaires sociaux, le président de la République s’est fendu de propos qui donnent à réfléchir. « Je suis libre de tout engagement vis-à-vis de quiconque, et je l’ai dit à tous ceux que j’ai rencontrés. Nous ferons ce que nous dictera l’intérêt de la Tunisie ». Retenons notre souffle!

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