AccueilLa UNETunis : L’UGTT préparerait-elle le retour au collectivisme ?

Tunis : L’UGTT préparerait-elle le retour au collectivisme ?

Reprenons d’abord l’actualité de ces négociations salariales, entre UTICA et UGTT. Des négociations où la communication se fait d’une seule voix, celle de l’organisation syndicale. D’abord, cette annonce du tonitruant Belgacem Ayari, SG adjoint de la toute puissante UGTT et qui s’était illustré par la menace d’une grève générale dans le secteur privé tunisien. «Les pourparlers ont achoppé sur la question de l’effet rétroactif [ndlr : en fait, pas que sur cela, puisque l’UGTT voudrait une augmentation similaire à celle du public, selon Abassi ce dimanche sur Al Maghreb], à charge pour les premiers responsables des deux organisations de trouver une solution, auquel cas l’accord-cadre serait signé la semaine prochaine», a-t-il affirmé au journal  Al Maghreb. La réunion dont il parlait, devrait se tenir mardi, précédée lundi par une réunion du comité de négociation du patronat.

Ensuite, cet appel du chef d’un gouvernement qui consacre 13,8 % du PIB de tout le pays aux salaires des fonctionnaires dont le nombre augmente chaque année sous l’effet des recrutements (Presque 16.000 nouveaux fonctionnaires devraient être recrutés en 2016 selon le ministre des Finances), à l’Utica de «prendre exemple sur le gouvernement » pour avoir la paix … sociale. Les négociations pour l’augmentation des salaires du secteur privé sont conduites selon des stratégies diamétralement opposées.

  • Un patronat, hétéroclite et que l’absence de solidarité n’étrangle pas.

Commençons par le patronat. Du temps de Ben Ali, date des négociations, taux d’augmentation et date de l’effet des augmentations, étaient décidés par le chef de l’Etat lui-même. L’Utica n’avait pas besoin d’études ou de chiffres pour expliquer quoi que ce soit. Les conseillers de Ben Ali s’occupaient de tout et réglaient tout, comme du papier à musique. La centrale patronale était donc une simple caisse de résonance des décisions présidentielles.

Pendant plus de 23 ans, l’Utica n’a été que l’ombre du patronat. Non faute de dirigeants, mais à cause de ses propres composantes. Organisation hétéroclite, elle rassemblait des branches complètement hétérogènes d’un patronat, plus tourné vers le commerce et les services que vers l’industrie pure et dure. Mieux, cette industrie n’était que de transformation et de sous-traitance. Très peu, pour ne pas dire presque rien, dans l’industrie de la création d’un produit de A à Z.

L’exemple de l’industrie textile est, à ce titre, plus que pertinent. Tout arrivait, presque fait, chez le confectionneur tunisien.  Du tissu, choisi par le donneur d’ordre au patron qui livrait le tissu prédécoupé, en arrivant à la façon ou au modèle qui était conçu par le donneur d’ordre. L’industriel tunisien n’était alors qu’un simple manager d’unité de mains travailleuses à bas prix. Cela a, peut-être, changé depuis une dizaine d’année. Mais, très peu sont les «textiliens» tunisiens qui ont évolué vers le haut de gamme et le produit intégré.

Dans une même fédération patronale, on retrouvait des métiers aux intérêts complètement différents, formés en chambres syndicales aux intérêts, là aussi parfois diamétralement divergents, selon qu’ils soient dans la production, le commerce ou le service dans même secteur d’activité.

Dans cet ensemble de petits patrons, la solidarité n’a jamais été un mot d’ordre et encore moins une réalité. En cas de problème, social, administratif, fiscal, douanier ou autre, tous tenteront d’abord de résoudre ce problème par leurs propres moyens [ndlr : Dans tous les sens du mot], car tout le monde connaissait quelqu’un qui connaissait quelqu’un, soit dans les sphères de décisions, ou même à Carthage. Ce n’est que lorsqu’ils frapperont, vainement à toutes les portes, qu’ils se retourneront vers l’Organisation patronale. Ils auront alors fermé sur eux-mêmes toutes les portes pour pouvoir trouver une quelconque solution.

Cela s’est récemment vérifié à Sfax, lorsqu’une partie du patronat ira signer l’accord de suspension de la grève des 216, alors que la centrale avait demandé l’annulation des préavis de grève  préalablement à toute ouverture de négociation. Certains se seraient justifiés en invoquant un désir de «ne pas mettre Si Houcine [Abassi] dans une mauvaise posture par rapport à sa base».

  • Un syndicat adepte du dicton : «Soutiens ton frère,  soit-il victime ou bourreau»

En face, c’est un ensemble de syndicats, unis dans la course aux augmentations salariales, à l’amélioration de leur pouvoir d’achat et à la lutte contre le patronat. Un patronat que l’UGTT dénigre à tour de bras et dont le SG disait ce dimanche sur les colonnes d’Al Maghrib que «nous n’avons jamais été sur la même longueur d’onde, ni avant, ni pendant, ni après le Quartet», presque des ennemis jurés !

Autant d’objectifs capables de transcender toutes les divergences des syndicats. Un syndicat aussi, qui connaît tous les arcanes de la négociation, qui prépare des études, qui anticipe, qui manipule, qui fuite, qui a presque l’appui de toute la presse et qui est surtout le seul et unique à communiquer.  Un syndicat aussi qui maîtrise l’art de la négociation, surtout sa technique avéré de placer la barre très haut pour pouvoir arracher en fin de compte ce qu’il chercait à obtenir au départ. Un syndicat encore , qui utilise de main de maître le droit de grève comme une énorme force de pression qu’il a constitutionnalisé en empêchant d’y inclure le droit au travail. Un syndicat enfin grand adepte du fameux dicton qui dit, «soutiens ton frère soit-il  victime ou bourreau».

C’est cette stratégie qu’il a utilisée contre le gouvernement, jusqu’à le pousser à tout donner, sans aucun souci pour les capacités de l’économie et aux limites de son endettement. C’est toujours cette stratégie qu’il utilise depuis quelques semaines, avec un secteur privé, guère uni malgré les apparences. L’idée est de mettre toute l’économie à genoux et de présenter son idée de l’économie solidaire comme le schéma de développement qui sauverait tout le pays.

  • De l’économie solidaire au communisme, il n’y a qu’un pas que l’UGTT franchira !

Comme l’y encourage même la religion musulmane, le patronat est économiquement de Droite. L’économie du marché est sa seule idéologie imaginable. L’unique tentative de donner une autre orientation à l’économie tunisienne avait lamentablement échoué en 1969. Il n’en est resté vivant que son initiateur Ahmed Ben Salah. Ce dernier avait d’ailleurs été, en 1954, SG de l’UGTT. Devenu ministre de toute l’économie, il avait essayé de la tourner vers le collectivisme. Bourguiba l’arrêtera. Plus de 45 ans plus tard, l’histoire semble vouloir se répéter. De nouveau, un autre SG de la même UGTT semble vouloir imprimer une nouvelle orientation à l’économie tunisienne et imposer un nouveau schéma de développement. Le patronat, en fait de négociation, semble avoir toujours le couteau  sous la gorge, habité qu’il est par le tourment des grèves et le souci de les éviter.

Le secrétaire général de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Hassine Abassi, a annoncé, dans une soirée ramadanesque organisée en  juin dernier au siège centrale de l’UGTT, à l’occasion de la commémoration du 48ème anniversaire du décès du syndicaliste Ahmed Tlili, que «l’économie solidaire est la base du prochain modèle de développement».

Bien avant, en janvier dernier et dans une déclaration à l’agence TAP en marge de la conférence nationale sur «le rôle de l’UGTT dans l’adoption du modèle de l’économie sociale et solidaire», organisée à Hammamet, Abassi avait indiqué que «l’UGTT œuvre à faire profiter la Tunisie de ce modèle réussi surtout que l’organisation syndicale l’a déjà adopté depuis l’époque de Mohamed Ali Hammi et Farchat Hached où plusieurs coopératives ont été formées dont quelques unes sont encore en service, a-t-il relevé». Le pas entre économie solidaire et collectivisme est ainsi franchi.

Erno Bouriel, directeur de l’institut de coopération sociale internationale et invité de l’UGTT à ce séminaire, a expliqué à l’agence TAP que «l’économie sociale et solidaire est un modèle fondé sur la démocratie économique et la gouvernance mixte». Collectivisme et gouvernance mixte, c’est ce qui attend manifestement la Tunisie, lorsque l’UGTT aura pompé toutes les ressources du pays. Le terme collectivisme est certainement trop fort pour désigner le projet de l’UGTT. Mais même exprimé par cet euphémisme, le résultat n’en sera pas autre pour le secteur privé tunisien ainsi que pour les perspectives de l’investissement étranger en Tunisie.

- Publicité-

1 COMMENTAIRE

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -