AccueilLa UNETunisie : Retour d’Abdelwaheb Abdallah à La Kasbah !

Tunisie : Retour d’Abdelwaheb Abdallah à La Kasbah !

Il y a quelques années, tout le monde, opposition planquée à l’extérieur et opposants couchés à l’intérieur, se plaignait de la mainmise du pouvoir en place sur l’information et la communication dans le pays. Une communication alors réglée comme du papier à musique autour du chef d’orchestre qu’était le conseiller à l’information de Carthage, Abdelwaheb Abdallah.

Les instructions étaient tellement fermes, de ne rien donner à la presse dont le Palais n’était pas auparavant au courant, sinon d’accord, que nous avions pu voir des ministres supplier des journalistes de ne pas publier certaines informations avant qu’ils n’en fassent état, eux-mêmes d’abord, au chef de l’Etat. Les dépêches de l’agence officielle d’information, toujours lues in extenso comme disait un ancien DG de Tunis 7, étaient plus sacro-saintes que le Coran.

L’ancien chef de l’Etat tunisien, Zine El Abidine Ben Ali et son équipe de communication, avaient d’ailleurs verrouillé la communication, dès les premières années du «Changement», lorsqu’un ancien secrétaire d’Etat aux télécommunications avait été «viré» pour avoir divulgué l’entrée en exercice du «Télétexte» à la télévision nationale, car l’annonce en devait être faite par le chef de l’Etat lui-même.

Ayant été nous-mêmes journalistes à l’ancienne TV7, les interviews des ministres pour les médias se décidaient à Carthage qui en contrôlait a posteriori le contenu, envoyé sur CD par motard présidentiel pour le cas de la télévision nationale.

Les communiqués de presse de certains ministres devaient d’abord avoir l’aval de Carthage avant d’être transmis à l’Agence de presse officielle, seule habilitée à en faire la diffusion. Dans le cas contraire, c’était à l’agence d’en faire le contrôle avec qui de droit. Les directeurs et les rédacteurs en chef étaient les seuls habilités à interviewer les ministres et l’attaché de presse officiel était le seul habilité à donner l’information, qu’il n’avait d’ailleurs pas puisqu’il devait la puiser sur l’unique ordre du ministre qui devait lui-même prendre ses instructions plus haut.

L’information était ainsi verrouillée dans une sorte de système de poupées russes. Et c’est ce système, dont pâtissait toute la presse, obligée de faire le funambule pour garder un minimum de crédibilité, qui avait abouti au contrôle total de la communication et des médias par l’ancien régime. Un contrôle qui avait, entre autres, isolé toute l’opposition, emprisonné toute l’opinion publique dans l’information officielle qui marginalisait tout ce qui ne sert pas sa propre cause et ses propres intérêts.

  • On l’attendait par devant, il est venu par derrière, disait Larayedh

Qui pouvait croire, après une «révolution» dont le seul bénéfice tangible était la liberté de la presse et la liberté de communication, que ce droit est remis par le chef du gouvernement de la première démocratie arabe, sinon l’unique comme il s’en vantait lui-même il y a quelques jours sur la BBC à Davos ?

Et pourtant. Le 16 janvier 2017, dans la 4ème circulaire interne de l’année, «la présidence du gouvernement invitait les fonctionnaires publics à s’abstenir de fournir aux médias des déclarations, de divulguer le secret professionnel ou de fournir des informations ou documents officiels sur des sujets en lien avec leur fonction ou l’établissement auquel ils appartiennent sans autorisation préalable de leur chef hiérarchique». Comble de l’ironie, la circulaire se gaussait certainement de dire que «cette décision a été prise afin de mieux organiser le travail des médias et des cellules de communication et d’optimiser l’accès des citoyens à l’information». Des mauvais démons semblent vouloir amener Youssef Chahed à user des mêmes moyens et subterfuges pour mieux contrôler une presse désormais libérée et parfois même débridée, mais pas encore aux ordres.

Dix jours plus tard, s’apercevant que cette circulaire interne avait déjà été fuitée, la Primature se permet le luxe de prendre les journalistes pour des … idiots, en affirmant dans un autre communiqué «son attachement au droit d’accès à l’information», précisant que «la circulaire ne doit en aucun cas compromettre la liberté d’opinion et d’expression». Or, sur quoi s’exprimer librement si l’information devient contrôlée ?

Le même second communiqué, se gausse ensuite de toute une profession restée hors-contrôle, en estimant que «la coordination entre les administrations publiques, qui constituent une source de l’information, a pour objectif de fournir une information exacte respectant à la fois l’éthique professionnelle du fonctionnaire public et du journaliste».

 Au chef du gouvernement, à qui on a fait signer ce texte d’une mauvaise et grossière communication, on aurait dû lui rétorquer que chacun fasse son métier et que le droit de réponse, «ce n’est pas fait pour les chiens». Et ne vous laissez pas méprendre Monsieur le Chef du gouvernement, révisez bien votre français, cette locution n’est pas une insulte.

On aurait pu aussi lui rappeler que celui à qui vous fermez la porte trouvera toujours une fenêtre pour s’y glisser. Le journaliste cherchera toujours l’information par tous les moyens, même s’il faut la puiser dans les poubelles de la Kasbah qui en regorgent, ou même l’acheter auprès de tous ceux qui ont déjà infiltré la Primature et Chahed, qui en connaît l’amer goût des «Ikrahet» (Traduction arabe du mot contrainte, utilisé pour la 1ère fois devant la presse par l’ancien chef de gouvernement Hammadi Jbali), en sait quelque chose !

  • «Vade retro Youssefa»

«Vade Retro» Youssef Chahed. Il vous suffit déjà que vous équipes choisissent, à leur guise, ceux à qui vous parlez sans répondre, et les médias chez qui vos ministres palabrent sans donner d’information et sans convaincre. Il vous suffit aussi que certains de vos ministres évitent ceux qui dérangent et fassent attendre des médias que vos équipes mettent sur liste noire. Il vous suffit enfin, que d’autres refusent, sans s’expliquer, de simples chiffres de la douane alors qu’ils devraient être publics.

 L’accès à l’information est un droit constitutionnel que vous ne pouvez pas pourfendre. Alors laissez aux journalistes le droit de chercher ce que vous cachez dans des communiqués laconiques qui ne servent à rien et ne servent pas, de surcroît, vos concitoyens. Laissez-les parlez de ce que vous estimez faux car il vous dévoile ou qu’il emmène vos pensées en dehors des dédales d’une politique devenue banale !

 En fait, derrière toute cette mauvaise gesticulation médiatique de l’équipe de communication de Youssef Chahed, il faut chercher une nouvelle tentative de contrôle et de mainmise sur des médias restés jusqu’ici à l’écoute de toutes les voix et à la recherche de tout ce que le gouvernement cacherait ou ne voudrait pas voire publier, en concrétisation du sacro-saint principe de la transparence dans la gestion des affaires publiques. Comme le disait l’autre ancien chef de gouvernement Ali Larayedh, lorsqu’il les attendait par devant et qu’ils lui sont venus par derrière, Chahed semble ainsi prendre le raccourci et contourner la liberté des médias en lui coupant l’herbe, celle de l’information, sous les pieds. Avec tout le respect pour la personne d’A. Abdallah, force est de dire que la circulaire du 16 janvier signe un retour de La Kasbah au système AA !

 

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