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Tunisie : La réconciliation économique, l’autre patate chaude pour Essebsi

Le projet de loi sur la réconciliation économique, voilà un sujet qui s’est transformé en patate chaude pour le président de la République, Béji Caïd Essebsi, son principal artisan. Pourtant tout ça partait d’une bonne intention, celle de lever l’épée de Damoclès sur la tête des hommes d’affaires indélicats, notamment sous l’ère Ben Ali, pour qu’ils acceptent de restituer les espèces sonnantes et trébuchantes acquises frauduleusement, un pactole dont l’économie du pays a désespérément besoin pour se refaire une santé. Mais voilà, cette initiative de Essebsi, qui date de juillet 2015, un peu comme son affaire de gouvernement d’union nationale, est en train de prendre de l’eau de toutes parts, fusillée par les élus de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) mais également par des organisations de la société civile qui ont une grande audience auprès de l’opinion publique.

Le projet de loi a été remis sur la table ce mercredi 29 juin 2016 à l’ARP et a, comme par le passé, suscité une avalanche de critiques virulentes. Les unes relevant, comme d’habitude, d’une sorte d’hystérie collective qui veut qu’on tire à tout-va sur toute initiative de ce genre, mais d’autres sont, il faut le dire, frappées au coin du bon sens. C’est le cas des interventions des ONG I Watch et Al Bawsala, qui a pointé du doigt le risque de « l’impunité et d’inégalité devant la loi entre les citoyens » si une telle proposition passait. Le communiqué publié aujourd’hui ajoute ceci : Le fait que ce projet de loi soit réexaminé « prouve l’obstination de la présidence de la République et de l’Assemblée des Représentants du Peuple à faire passer cette loi malgré le refus catégorique de la part de toutes les composantes de la société civile nationale et internationale.
Ce refus a également été exprimé par l’instance provisoire de la justice judiciaire et par l’Instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des projets de loi ou encore par la commission de Venise sur le plan international ».

Même son de cloche chez I Watch : « Il n’y aura pas de réconciliation sans vérité et sans reddition de comptes ».
Le principal écueil de ce projet de loi c’est justement ça : On lui prête l’intention, à tort ou à raison, de laver les businessmen de toutes leurs turpitudes en échange du retour des cagnottes planquées et d’un effort d’investissement en Tunisie. I Watch est tellement ulcéré par ce qui se trame à l’ARP qu’elle a déclaré qu’elle jettera sur la place publique des enquêtes sur la corruption dans le pays, qui éclaboussent des hommes d’affaires, des personnalités politiques, des médias et même des institutions publiques et privées. Le but de la manoeuvre : S’assurer que le projet de loi défendu par la présidence de la République ne va pas atomiser le travail de la Justice transitionnelle et ne permettra pas à des corrompus de passer entre les mailles du filet, sans payer à la hauteur des crimes qu’ils ont commis.

L’ARP a beau donner des gages, ça ne passe toujours pas

Pourtant la députée Sana Mersni, rapporteure de la commission de législation générale à l’ARP, avait donné des gages dans un entretien avec la TAP en déclarant que la commission va effectivement plancher sur la mouture initiale du projet de loi mais qu’elle intégrera aussi les propositions d’amendement des élus de la nation. Elle s’était également engagée à auditionner des représentants de la présidence de la République et de l’Instance Vérité et Dignité ainsi que des experts en droit constitutionnel et administratif. Mais on l’a vu ce mercredi, rien de tout ça n’est de nature à lever les suspicions autour de ce projet de loi, et ses détracteurs appellent plus que jamais à son retrait. Purement et simplement.

Le projet de loi n’arrive pas à se défaire de deux étiquettes, et non des moindres : Il marche sur les plates bandes de l’Instance Vérité et Dignité mais surtout a pour objectif de blanchir l’argent de la fraude et mettre à l’abri les corrompus, comme l’a redit Bawsla aujourd’hui. Bref, la tension autour de cette affaire n’est pas retombée, normal dans un pays où la dictature et les dérives qui vont avec sont encore trop fraiches dans les mémoires. Rendez-vous le mois prochain pour savoir si la commission de législation générale à l’ARP a réussi à déminer le terrain.

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