Samir Majoul est depuis une dizaine de jours, le nouveau patron des patrons. Majoul, qui succède à Wided Bouchammaoui, sera ainsi le 6ème président de la Centrale patronale, sans compter l’intermède de 5 mois après la révolution, de Hamadi Ben Sedrine. Parlant un français châtié, Samir Majoul est un bon communicateur, ne craignant pas les plateaux, maîtrisant généralement son sujet, mais qui n’en dit que juste qu’il faut. A son entrée à l’Utica, il a déjà balisé le terrain, en prenant ses distances, avec les partis, avec le gouvernement et améliore ses relations avec l’UGTT.

  • De l’épicerie à l’industrie des tomates, en passant par les chaussures

Samir Majoul, c’est d’abord un sexagénaire (né le 28 novembre 1955), issu d’une famille «Djerbienne» historiquement enracinée dans les affaires. La famille Majoul était en effet connue dans le domaine de l’épicerie. De grossiste alimentaire, elle évolue vers l’importation dans une conjoncture où il y avait très peu de production locale. En 1956, la famille avait d’abord développé cette activité en Algérie puis, à l’avènement du collectivisme cinq années plus tard, en France.

La famille a ensuite investi dans la conserve alimentaire. «Notre fournisseur était un Italien installé dans la région de Jbel Jelloud qui a proposé une association à ma famille. On a intégré le capital, pour monter ensuite en puissance, jusqu’à racheter toute l’affaire». «Si Chedli», son père, a été par la suite le 1er industriel de la tomate qu’il avait lancée en Tunisie et en Algérie. La famille était celle qui avait lancé «la délicieuse», la conserve de tomate dont Samir fera le rebranding au début des années 80 du nom de la famille.

Pour ceux qui connaitraient les fameuses chaussures Majoul, un emblème dans le domaine pour plusieurs générations avec les espadrilles Ghzala (une entreprise publique) de la même époque, on remarquera que les Majoul étaient aussi dans l’industrie des chaussures. «A l’époque, nos affaires allaient très bien dans le domaine de la transformation de tous les produits alimentaires, dont le thon et la sardine, et l’usine tournait à plein régime, de 1950 à 1965, et à 50 % pour l’export en Libye. On avait besoin de dépôts et on en avait acheté un qui était une ancienne usine de chaussures. Mes oncles en maintiendront l’activité et lanceront les chaussures populaires Majoul qui ont marqué leur époque, jusqu’à l’émergence de l’économie informelle, pendant les années quatre-vingt, qui tuera l’industrie des chaussures en Tunisie», raconte Samir Majoul.

La famille connaitra ensuite les déboires du collectivisme, mais anticipera en fermant les usines de conserve et de chaussures en Tunisie pour éviter le coopérativisme. Loin de baisser les bras, Chedli Majoul loue alors une usine dans le sud de la France et délocalise ses activités de conserverie à Sète. Il y ajoute une agence maritime et une boulangerie à Marseille et y reste jusqu’au début des années 70, lorsque Bourguiba mettra fin à cette parenthèse collectiviste. «Tout cela est maintenant parti. On réfléchit à un retour. Ca reviendra peut-être un jour, lorsqu’on ira, comme le voudrait l’Utica, vers l’internationalisation de l’industrie tunisienne. Nous encourageons cela, pour les Tunisiens qui auraient une position dominante et ont atteint une taille critique ici, car cela peut avoir un excellent retour pour l’économie du pays, tant en devises qu’en création d’emplois».

  • Le syndicalisme est une affaire de famille chez les Majoul

En attendant, le nouveau patron des patrons tunisien est toujours actif dans l’industrie de la tomate, toujours dans l’entreprise familiale qui reste une PME d’un chiffre d’affaires de 20 MDT et un total bilan sur la tomate de 50 MDT. Mais aussi dans l’immobilier, dans l’agriculture et quelques autres affaires. «Mais si je suis là, ce n’est pas grâce à mon patrimoine, mais à ma carrière syndicale», dit-il avec fierté à Africanmanager. Samir ne l’oublie pas. Alors que nous parlions de son parcours entrepreneurial, il fera digression pour nous faire remarquer que «je serais toujours PME, tant que l’alimentaire dépendra de l’Administration qui en gère les prix. Je milite pour la libéralisation de l’entreprise et la laisserai travailler. Je milite pour un environnement économique qui encourage la création d’entreprises, sans freins ni barrières». Il faut dire que les Majoul ont été parmi les fondateurs de l’Utica, à travers Abderrahmane Majoul, le grand-oncle de Samir. Son père a surtout été connu dans le poste de président de la chambre syndicale nationale des industries des fruits et légumes et son oncle, «Si Lahbib» comme il aime à l’appeler avec respect, le président Bis de l’Utica de Ferjani Belhaj Ammar de 1957 à 1988 et était même député où il présidait la commission des finances.

Son unique programme, c’est de «sauver notre économie à travers nos entreprises, faire tout ce qu’il faut pour créer de la richesse et de la valeur, démanteler toutes les barrières qui font souffrir nos entrepreneurs, et leur offrir un environnement qui puisse les accompagner dans leur développement, car ils sont les créateur de richesse». On y reviendra avec lui.

Pour l’instant, il commence plutôt bien l’année en étant une des parties ayant permis la reprise des activités de la Stip et il s’active pour résoudre les problèmes du ciment blanc de la Sotacib. Ne disait-il pas que sauver l’entreprise sera son credo !

Khaled Boumiza

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