AccueilLa UNEEnnahdha face à la feuille de route : L’endroit et l’envers

Ennahdha face à la feuille de route : L’endroit et l’envers

Le décor est désormais planté : la feuille de route du Quartet pour résoudre la crise politique en Tunisie a été signée par la majorité des partis et surtout par les prépondérants d’entre eux, singulièrement le mouvement Ennahdha. La Tunisie est-elle pour autant au bout de ses peines ? La question est d’autant plus impérieuse que les interprétations qui sont faites de cet acte censément fondateur de l’entente nationale sont nombreuses, différentes et par endroits antinomiques, ce qui n’est pas rassurant pour la suite des événements. D’aucuns y voient un gisement de casus belli à venir, susceptibles d’envenimer encore plus la situation politique, et ils n’ont pas tout à fait tort au vu des escarmouches, à fleuret moucheté, il est vrai, qui n’ont pas tardé à mettre aux prises les uns et les autres. Mais, il y a fort à craindre que cela se transforme en conflit ouvert hypothéquant l’ordonnance des délibérations et discussions qui vont s’engager.

Commençons par cette observation du chef du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi a libellée au bas du document : « Nous acceptons la feuille de route sous l’angle de sa plateforme ». Précisant plus tard sa pensée dans une déclaration à l’agence Bina News, il a affirmé que « nous sommes encore attachés à notre position concernant la mise en œuvre de l’initiative du Quartet et à aller de l’avant dans la réalisation de consensus relatifs à la Constitution et à l’achèvement de la période transitoire ». Mais il a ajouté, au sujet de la démission du gouvernement que celle-ci, et « conformément à la feuille de route de l’UGTT, interviendra dans le cadre d’un processus, et dès lors que ce processus est réalisé, le gouvernement démissionnera ». Traduisez : le gouvernement ne démissionnera pas de sitôt, c’est-à-dire dans la semaine du démarrage du Dialogue à charge pour lui d’expédier les affaires courantes pour une période variant entre trois et quatre semaines. Un dirigeant d’Ennahdha a été plus clair en affirmant à l’AFP que «La date de la démission du gouvernement ne va être déterminée qu’à partir du début réel du dialogue national». Or, la date à laquelle ce dialogue débutera n’a pas encore été fixée et toutes les réunions prévues à partir de lundi ne sont que des «séances préliminaires». D’ailleurs, le chef du gouvernement actuel, Ali Laarayedh, a superbement ignoré cette question dans son allocution, lors de la cérémonie de signature de la feuille de route, appelant plutôt à une trêve sociale et politique, ajoutant quand même que « le gouvernement a tiré des leçons des crises par lesquelles le pays est passé », et insistant sur « la nécessité d’achever la nouvelle Constitution et  l’organisation des élections afin de stabiliser le pays. »

Est-ce de bon augure pour l’ordonnance du Dialogue nationale ? En bonne logique politique, ceci n’est pas de nature à accélérer le cours des événements à venir et partant rassurer les Tunisiens sur la fin de la crise dans laquelle le pays s’est enserré des semaines durant, sans pouvoir entrevoir un digne de dénouement. Et l’hypothèse est plausible de voir les discussions dans le cadre du dialogue national s’enliser dans des arguties et dans une guérilla verbale et politique qui retarderont sans doute d’autant l’issue tant désirée.

Et puis, comment s’y prendra-t-on pour surmonter l’autre écueil constitué par la personnalité du nouveau chef du gouvernement et l’identité de ses ministres dont il est exigé qu’ils soient des compétences nationales, apolitiques neutres et qu’ils ne se portent pas candidats aux prochaines échéances électorales ? Surtout, auront-ils les coudées franches par le biais de « pleins pouvoirs » dont parle la feuille de route, pour mener à bien les missions qui leur sont assignées sans devoir de comptes à l’assemblée nationale constituante qui se verra, chemin faisant, dépouillée de tout droit de regard sur l’exécutif et l’administration où le mouvement Ennahdha a placé des bataillons d’hommes de confiance ? Ceci sans parler de la nouvelle Constitution dont l’élaboration sera, selon la feuille de route, l’unique occupation de la Représentation nationale à l’exclusion d’autres, ni du calendrier des prochaines élections , autre pomme de discorde avec les instances constituantes qui peinent à voir le jour, notamment l’ISIE et le code électoral.

Comme on peut le voir, l’endroit de la feuille de route ne vaut pas son envers, ce qui devrait fournir un terrain propice à toutes sortes de péripéties, surtout de volte-face auxquelles l’opposition dit d’ores et déjà s’attendre de la part du mouvement Ennahdha.

Mohamed Lahmar

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -