AccueilLa UNEEt si appliquait le PPP au port de Radès ?

Et si appliquait le PPP au port de Radès ?

Le 15 mai dernier, s’est tenu à Tunis un webinaire de haut niveau sur la réorganisation des chaînes de valeur mondiales dans le sillage du Covid-19 et les opportunités qui en découlent pour la Tunisie. Ila été particulièrement question des effets néfastes de la crise du coronavirus et sur la possibilité pour la Tunisie de repositionner son économie en conséquence. Antonius Verheijen, responsables des opérations de la Banque mondiale pour la Tunisie, a estimé sur « World Bank Blogs » que « le pays est bien placé pour répondre à la nouvelle réalité à laquelle nous sommes confrontés : la proximité des marchés européens, ainsi que la recherche de chaînes d’approvisionnement et de distribution plus courtes, une économie diversifiée et un capital humain relativement fort. Malheureusement, les mauvaises performances logistiques du pays, notamment la gestion du port de Radès, pourraient affaiblir ces avantages ».

Comme beaucoup d’autres pays, la situation économique de la Tunisie est fragile en raison du Covid-19, déplorant comme « impardonnable qu’en raison d’une mauvaise gestion portuaire, le pays passe à côté des opportunités liées à la réorganisation des chaînes de valeur internationales ». Il cite le port de Radès qui traite plus de 80 % du trafic de conteneurs et qui est le maillon essentiel de la participation de la Tunisie aux chaînes de valeur régionales et mondiales, mais dont les indicateurs de performance sont en baisse depuis dix ans.

Il note que le temps de rotation annuel moyen des conteneurs au port de Radès est de 18 jours (contre 10-12 jours il y a 10 ans et 6-7 jours pour des pays comme le Maroc). Le coût de ces inefficacités pèse lourdement sur l’économie tunisienne et peut être attribué à un certain nombre d’acteurs différents (notamment les douanes, les centres de contrôle technique, Tunisia Trade Net (TTN), la Société tunisienne d’arrimage et de manutention (STAM), l’Office de la marine marchande et des ports (OMMP) et les banques). Une réduction de 10 % des délais d’importation entraînerait une réduction des prix à l’importation d’environ 500 millions de dollars US, soit l’équivalent de 1,25 % du PIB, voire plus.

Ce qu’un bon dédouanement vaut en PIB !

Et Antonius Verheijen de poursuivre : « Non seulement ce serait une aubaine pour les citoyens et les importateurs tunisiens, mais cela aiderait également les exportateurs qui utilisent des intrants intermédiaires et des biens d’équipement à devenir plus compétitifs. L’amélioration de l’efficacité du port permettrait également de réduire les délais de dédouanement des exportations. Des recherches ont montré qu’une réduction d’une journée du temps de dédouanement des exportations augmenterait les recettes d’exportation de la Tunisie de 400 millions de dollars US, soit l’équivalent de 1 % du PIB ».

Outre la lenteur des délais d’exécution, il y a la question des temps d’attente aux postes d’amarrage, qui relève principalement de la STAM. Entre 2016 et 2018, les temps d’attente moyens étaient de 13 jours, ajoute-t-il, indiquant que d’après le système de suivi des navires du MarineTraffic AIS, quelque 9 ou 10 navires attendaient un poste d’amarrage à Radès le 22 mai 2020, alors qu’aucun navire n’attendait à Marsaxlokk, la plaque tournante de Malte, ou à Valence en Espagne. Ces longs délais d’attente entraînent des coûts supplémentaires pour le STAM et pour les opérateurs commerciaux. Par exemple, l’ATLANTIC WEST, arrivé en Tunisie le 28 mars 2020, est resté au port pendant 36 jours (19 jours d’attente pour l’accostage et 17 jours de déchargement et de chargement), alors que les frais d’accostage facturés par la STAM sont calculés à partir de la date de début du déchargement.

Le même navire, avec le même volume de cargaison et une infrastructure portuaire identique, resterait au maximum deux jours à Valence, et le temps d’attente à quai ne dépasserait pas 4 à 6 heures. Ces inefficacités, affirme-t-il, entraînent des coûts supplémentaires pour l’armateur, qui doivent être payés par la STAM en devises étrangères et, en fin de compte, par le secteur privé. Les entreprises ont donc deux choix : augmenter leur stock de matières premières et de pièces détachées pour compenser les retards, ce qui immobilise les ressources financières et affaiblit gravement les indicateurs financiers, ou bien encourir des pénalités pour livraison tardive et risquer de perdre des clients et des marchés.
Trop de retards et peu d’investissements

Compte tenu des pertes générées par les inefficacités du port, pourquoi faut-il tant de temps pour mener à bien les réformes structurelles nécessaires ? se demande le responsable des opérations de la BM pour la Tunisie. Il souligne qu’il est nécessaire d’investir dans des équipements modernes et des solutions techniques, mais cela ne suffit pas. La STAM a investi dans des équipements et des plateformes d’exploitation modernes (grues RTG, Terminal Operating System (TOS), Smart Gates, etc.)  Néanmoins, à moins que le modèle organisationnel global ne soit revu afin de promouvoir une plus grande spécialisation et de séparer les flux de travail des rouliers et des conteneurs, l’impact de ces investissements ne sera pas suffisant pour réaliser le potentiel du port ou pour répondre aux attentes des investisseurs.

La mise en place d’un modèle de gestion de partenariat public-privé (PPP) peut sembler être un exercice difficile. Cependant, un tel modèle représenterait une solution gagnante pour le port de Radès, car il profiterait au gouvernement, grâce à une gestion des ressources plus efficace et basée sur la performance, tout en aidant le secteur privé et en stimulant l’économie tunisienne en général.

Il est essentiel de maintenir un dialogue indépendant et ouvert entre tous les partenaires économiques et sociaux pour faciliter la mise en œuvre sans heurts des réformes. Dans le passé, la Tunisie a montré qu’elle était capable de surmonter des problèmes politiques difficiles et de poursuivre des réformes compliquées, et elle a même reçu un prix Nobel pour ses efforts. Le pays doit trouver un moyen de poursuivre sur cette lancée afin de surmonter les défis économiques et sociaux actuels.

La coordination entre les différents acteurs impliqués dans les opérations portuaires et les processus de dédouanement est sous-optimale, voire inexistante. Chaque entité est plus préoccupée par ses contraintes internes que par l’impact global sur la compétitivité de la Tunisie. Il est donc essentiel que les réformes soient menées à un niveau suffisamment élevé pour assurer une meilleure coordination.

Pour que le secteur privé puisse bénéficier des réformes, la numérisation doit être abordée et mise en œuvre de manière globale. L’objectif est un processus « zéro papier et zéro contact » depuis le dépôt d’une demande jusqu’au déchargement des marchandises, en passant par toutes les étapes de traitement et de délivrance des permis. Même si, il y a 20 ans, la Tunisie était apparue comme l’un des premiers pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord à utiliser un guichet électronique unique pour le commerce extérieur et le transport – la plateforme Tunisie TradeNet (TTN) – le pays n’a pas encore complètement numérisé toutes ses procédures de commerce extérieur.

Des programmes visant à promouvoir le financement et le soutien des réformes institutionnelles par la STAM, les douanes et d’autres acteurs impliqués dans les opérations portuaires et le commerce international ont été préparés avec l’appui des partenaires au développement. Il appartient maintenant au gouvernement de mettre en place un nouveau modèle de gestion portuaire qui permettra à la Tunisie de se positionner dans le monde post-COVID. À moins que le pays ne soit en mesure d’améliorer de manière significative les performances du port de Radès, la Tunisie aura du mal à renforcer sa compétitivité et à être reconnue comme un maillon essentiel des chaînes de valeur régionales et mondiales, conclut Antonius Verheijen.

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