AccueilChiffreL'article 21 de la constitution : un débat hautement révélateur

L’article 21 de la constitution : un débat hautement révélateur

Lorsque Rached Ghannouchi , président d’Ennahdha a été surpris par une caméra en train de dire aux salafistes que l’article 1er de la constitution de 1959 , suffit pour instaurer la loi islamique ,on a pensé qu’il voulait juste calmer les esprits surchauffés de « ses fils » qui ne saisissaient pas tous les éléments de la situation politique dans le pays . Mais lorsque des députés nahdhaouis ont commencé à étaler , à l’ANC , leur argumentaire pour étayer leur opposition à l’abolition de la peine de mort , on a vite compris que Ghannouchi était , par ces propos , en train de baliser la route qui mène à l’Etat islamique et d’établir les lignes rouges que les militants islamistes ne doivent pas dépasser .Et son discours était ,pour une fois, clair et sincère.

Ghannouchi a encouragé, dans la vidéo, les salafistes à adhérer à l’article 1er de l’ancienne constitution parce cet article présentait un double avantage: il fait l’objet d’un consensus , c’est-à-dire qu’il ne peut pas être dénoncé par l’opposition démocratique et de gauche , et que ce consensus ne liait pas les mains des islamistes ,ni ne leur barrait la route à la réalisation de leur objectif d’instaurer l’Etat islamique .Ils n’ont donc pas à revendiquer la Chariâa comme principale source de la législation , mais seulement attendre le nouveau rapport de forces qui permettra de donner un contenu islamiste à toute la législation tunisienne , justement , sur la base de l’article 1er de la constitution de 1959 .

Cette orientation générale qui touchait à la stratégie a trouvé son écho dans le comportement pratique des députés d’Ennahdha , lors de la discussion de l’article 21 se rapportant à la peine de mort. Les députés nahdhaouis pouvaient défendre leur point de vue de refuser l’abolition de la peine de mort tout en s’attachant au consensus . Ils pouvaient mettre l’accent sur l’état d’esprit du Tunisien moyen qui ne serait pas favorable à l’abolition de la peine de mort , et invoquer ,dans ce cadre , la nécessaire adéquation entre législation et opinion publique , pour démontrer qu’il ne serait pas judicieux d’intégrer , aujourd’hui ce principe dans la constitution . Ainsi , pourraient-ils à la fois confirmer leurs convictions et les présenter sous l’habit d’un consensus national .

Au lieu de cela ils ont préféré faire référence à un argumentaire doctrinal et idéologique . Le Coran a adopté la peine de mort de manière explicite, donc on n’a qu’à s’y conformer scrupuleusement , un point c’est tout , disent-ils . Et ils ont ainsi rejeté un amendement proposé par l’opposition démocratique qui consacre l’abolition de la peine de mort en votant l’article 21, selon la formulation suivante : « le droit à la vie est sacré. Nul ne peut lui porter atteinte sauf dans les cas extrêmes fixés par la loi ». Et faisant déjà usage de l’article 1er de la nouvelle constitution qui stipule que l’Islam est la religion de l’Etat tunisien pour servir leur vision islamiste , les députés d’Ennahdha ont fait valoir l’argument que l’abolition de la peine de mort contredit cet article consensuel .

Cette attitude se conforme à une position de Rached Ghannouchi , sur la peine de mort , annoncée lors des premiers débats au sujet des principes sur lesquels devrait reposer la constitution . Il disait que l’abolition de la peine de mort est contraire à la Chariâa islamique et constitue une atteinte aux fondements de l’Islam. C’était le 03/06/2012 , et c’était en guise de réponse à des interrogations de certains participants à une conférence sous le thème « Le consensus dans la pensée et la pratique politique du mouvement Ennahdha » , à l’occasion de la célébration du 31ème anniversaire de la création du mouvement . Cette position visait à montrer que son parti n’adhère pas à n’importe quel consensus , et que le consensus ne doit pas être recherché à n’importe quel prix .

Cette position sur un dossier qui peut ne pas intéresser directement le citoyen moyen , et n’est pas loin de ses convictions viscérales ,donne une idée aux élites démocratiques et libérales des combats qu’elles ont à mener à l’avenir pour préserver des acquis réels dans la législation et le mode de vie du Tunisien .

Aboussaoud Hmidi

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