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La nouvelle stratégie économique de Saied

Le président Kais Saied semble élaborer une nouvelle stratégie économique. Alors qu’il avait auparavant exposé ses priorités à grands traits, comme la lutte contre la corruption et la défense de la souveraineté, il a récemment commencé à les détailler davantage, adoptant une approche personnalisée qui semble tenter de contourner les structures corporatistes existantes, selon une analyse du site d’information indépendant Meshkal.org, sous la plume de chercheur non résident du programme Afrique du Nord et Sahel de l’IEDM, Fadil Aliriza.

Les efforts de Saied pour récupérer les fonds volés dans son pays et à l’étranger n’ayant jusqu’à présent pas porté leurs fruits, il s’est attaché à essayer de mettre en place une architecture de politique économique dans des secteurs spécifiques : la politique monétaire, la politique industrielle et quelques premiers pas dans la politique de l’emploi et la politique agricole.

Le prêt du Fonds monétaire international assorti de conditions d’austérité en avril 2023 ne semble plus d’actualité aujourd’hui, un an plus tard. Au lieu de cela, le président Saied semble avoir tenu sa promesse selon laquelle « l’alternative est de compter sur nous-mêmes », en partie en renversant effectivement la loi sur l’indépendance de la Banque centrale de 2016. Il y a introduit une exception aux termes de laquelle la BCT accorde un prêt de 7 milliards de dinars, sur 10 ans et sans intérêt, au Trésor public. Cette injection ouvre un nouvel espace pour les décisions économiques sans avoir à s’en remettre aux créanciers locaux ou internationaux et aux règles de prêt souvent définies par les marchés financiers internationaux, les institutions financières internationales et les agences de notation du crédit.

Et Alors que les nouveaux fonds de la Banque centrale sont destinés à couvrir le financement du déficit budgétaire de l’État, les prêts de la Tunisie libellés en devises étrangères semblent avoir été remboursés à partir de ses réserves de change. Ces réserves ont jusqu’à présent bien résisté aux chocs et ont maintenu leur taille relativement stable grâce à des exportations et des envois de fonds réguliers. L’agence de notation Fitch a récemment décrit la résistance des réserves internationales de la Tunisie comme étant « meilleure que prévue malgré la disponibilité limitée des financements extérieurs ».

Inverser la privatisation des industries stratégiques

Si le gouvernement tunisien est parvenu jusqu’à présent à surmonter une crise du crédit sans recourir à un prêt du FMI, il lui reste à relever le défi à plus long terme de s’attaquer aux fondamentaux de l’économie. À cet égard, il semble que le président soit en train d’élaborer une politique industrielle qui tente de freiner ou d’inverser la privatisation des industries stratégiques, dont beaucoup étaient auparavant rentables, souligne Meshkal. Dans les vidéos de ses visites aux usines locales, Saied semble réfléchir à voix haute aux facteurs qui ont provoqué ou menacent de provoquer le défaut de paiement et la faillite des entreprises publiques, et spécule sur la façon dont les processus juridiques et administratifs obscurs de la faillite ont été victimes de la corruption.

S’agissant de la politique de l’emploi, Kais Saied a récemment appelé à la fin du système de sous-traitance et des contrats de travail à court terme en réformant le code du travail. Le système de sous-traitance dans l’industrie manufacturière tunisienne est actuellement mis en place pour permettre aux grandes marques multinationales de sous-traiter à des usines locales – ou plus récemment, à un autre niveau de sous-traitance, à des ateliers clandestins – qui embauchent des travailleurs avec des contrats à court terme continuellement renouvelés ou sans contrat du tout, dans des conditions d’exploitation et de précarité extrêmes. Ce problème a un impact particulier sur les femmes qui travaillent dans des industries telles que le textile. Le président de la République semble donc intervenir dans ce domaine pour se présenter comme la voix de la classe ouvrière par le biais d’une approche plus directe.

Politique agricole, une voie vers la souveraineté alimentaire !

L’agriculture reste le secteur qui présente les problèmes les plus urgents et qui est peut-être le plus difficile à résoudre sur le plan politique. Bien que le président Saied ait tenté de formuler une politique agricole, cette politique reste floue en termes de stratégie globale, de mise en œuvre et d’effets, note le site. Saied a promu les « entreprises communautaires » (EC), en particulier pour les travailleuses agricoles, et les a présentées comme une voie vers la souveraineté alimentaire et le développement local. Il s’agit d’une nouvelle catégorie d’entreprises que la Saied a introduite en mars 2022, en s’inspirant apparemment du cadre de l’économie sociale et solidaire (ESS) mis en place dans une législation antérieure qui a assoupli les règles réglementaires autrefois punitives de l’État à l’encontre des structures coopératives atypiques. Le modèle de cette législation visait en partie à expliquer le rôle pionnier de l’association Jemna dans le domaine des coopératives agricoles.

Toutefois, certains analystes ont fait valoir que la principale différence entre la nouvelle CE et la loi sur l’ESS réside dans le fait que les CE ne jouissent pas d’une autonomie de gestion et sont donc susceptibles de ressembler au projet de coopérative des années 1960 dirigé par Ahmed Ben Salah. Jusqu’à présent, certains travailleurs agricoles ont exprimé l’espoir que le nouveau système promu par Saied produise des avantages matériels tangibles. Mais la capacité des EC à résoudre les problèmes plus fondamentaux auxquels sont confrontés les travailleurs ruraux, sans parler des questions plus importantes de pouvoir et de justice dans des domaines tels que la propriété et l’utilisation des terres, reste ambiguë, comme l’ont déjà indiqué les premières études.

Si certaines des orientations économiques prises par le président Saied peuvent sembler ad hoc – ne découlant pas nécessairement d’une vision théorique clairement articulée – elles témoignent néanmoins d’une longévité et d’une cohérence qui s’accumulent pour donner naissance à de nouvelles politiques cohésives conclut Meshkal.

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