Autant qu’on puisse le savoir, la récolte céréalière, cette année, n’aurait pas son égale dans les annales agricoles contemporaines de la Tunisie. Elle ne dépasserait pas les 2,5 millions de quintaux, dont 1,7 million de quintaux seront collectés, dans les meilleures des cas, soit en baisse considérable par rapport à la récolte de l’année dernière qui s’est élevée à 11 millions de quintaux (la quantité collectée s’est limitée à 7,4 quintaux) ». C’est le membre du Conseil central de l’UTAP, Anis Kharbach, qui l’affirme.
Une récolte très réduite, peu à même de couvrir les besoins en semences, et il est espéré que le problème de la baisse de la récolte de céréales ne se poursuivra pas au cours des deux prochaines années, d’autant plus que les besoins du pays sont estimés, aujourd’hui, à environ 30 millions de quintaux de blé tendre et dur, ainsi que d’orge.
Cité par TAP, Il a rappelé, à cet égard, que la Tunisie produit environ 50% de ses besoins en blé dur et 10% de blé tendre, ce qui lui commande , obligatoirement, de recourir à l’importation de ce produit. Ce faisant, l’année prochaine sera difficile en termes d’approvisionnement en blé, ce qui nécessite d’intensifier les efforts pour limiter les dégâts entrainés par cette crise. Voilà pourquoi l’Etat est sommé d’échafauder un plan relatif à l’approvisionnement en blé, tout au long de l’année, tout en réservant un budget colossal en devises, à cet effet.
Le responsable a appelé, également, à rationaliser la consommation de céréales et à veiller à changer les habitudes alimentaires du Tunisien, afin de s’adapter à la situation actuelle, rappelant qu’entre 800 mille et un million pièces de pains sont jetés, quotidiennement, sur une moyenne de 6 millions de pains produits.
Des écueils et aléas récurrents
D’après lui, la filière de céréales en Tunisie souffre des mêmes problèmes depuis plusieurs années, en raison de l’absence d’une vision claire et d’une stratégie adéquate de production. Plus précisément, la détérioration de cette filière est le résultat de la faible exploitation de terres productrices de céréales, de l’absence de production d’environ 60% de semences sélectionnées et de l’expansion limitée des superficies irriguées réservées à la production de céréale.
S’y ajoutent l’absence de projets de dessalement de l’eau et de réutilisation de l’eau traitée dans la culture de céréales irrigués, le manque de contrôle des engrais…. Il y a aussi le problème de manque de phosphate et de phosphate azoté en quantités suffisantes, bien que ces deux matières soient produites et importées par le Groupe chimique de Gafsa.
« Nous n’utilisons que 20% uniquement de semences sélectionnées », a-t-il regretté, soulignant que le recours à ces semences permet de tripler le rendement, passant de 20 quintaux par hectare à 70 quintaux par hectare. « Si nous veillerons à définir des solutions, à même de surmonter l’ensemble de ces difficultés, nous pourrons assurer notre autosuffisance en blé dur et même avoir des saisons avec des récoltes record », a-t-il noté.
« Depuis 2019, les prix des aliments composés pour bétail ont enregistré une hausse vertigineuse. Il est temps pour le ministère de l’Agriculture de traiter le dossier des fourrages et de le soumettre au chef de l’Etat, surtout que cette filière est sous l’hégémonie d’une seule société qui se charge de l’importation des matières premières pour ces aliments et qui fixe les prix et la qualité comme elle veut. Cette même société n’approvisionne que cinq usines », a-t-il assuré.
Kharbech considère que cette société qui a » la mainmise sur la destinée de l’agriculteur, est à l’origine de l’augmentation excessive du coût de production et du manque enregistré en matière d’aliments composés pour bétail ».
Quid des dernières précipitations !
Le membre du Conseil central de l’UTAP a indiqué que les dernières précipitations auront un impact positif sur les cultures des légumes et des fruits et contribueront à sauver l’actuelle campagne agricole et à faire baisser les prix des produits agricoles. Toutefois, il a prévu une hausse des prix des ovins de 20 % à l’occasion de la fête du sacrifice ainsi qu’une augmentation du prix du lait à 1800 et même 1900 millimes.
Pour lui la « pieuvre des lobbies des circuit de distribution, d’importation et des monopoles a infiltré les rouages de l’Etat », il s’agit là « d’un dossier très complexe qu’il faut traiter avec l’audace nécessaire ».
Il a aussi, évoqué « le manque de contrôle économique de la part du ministère du commerce et l’existence de « parties dans l’administration profonde qui couvrent ces lobbies et n’ont pas quitté leurs postes malgré la campagne lancée contre elles, par le président de la République ».
« La solution est entre les mains de l’Etat et nécessite une décision volontariste pour maîtriser les circuits de distribution et combattre les spéculateurs dont les noms sont connus et qui ont contribué à détruire l’Etat et à propager la corruption… Il faut appliquer strictement la loi sur ces spéculateurs pour les éradiquer, a-t-il conclu.