AccueilLa UNELa Tunisie, le Maghreb et l’UE à l’ère post-covid

La Tunisie, le Maghreb et l’UE à l’ère post-covid

Diverses réflexions sont déjà été engagées sur  les relations entre le Maghreb et l’Union Européenne en prévision de l’ère post-covid-19, une pandémie dont l’une des conséquences inévitables  sera le rapatriement d’une partie des chaînes de valeur des entreprises internationales européennes et nord-américaines chez elles ou plus près de chez elles. Le chercheur et analyste politique Francis Ghilès note que l’importance de cette mesure et les secteurs qu’elle touchera le plus ne sont pas encore clairs, mais l’opinion publique ne permettra plus que certains produits de première nécessité soient essentiellement achetés en Chine. Alors que les dirigeants européens réfléchissent aux produits qui doivent être fabriqués plus près de chez eux, ils pourraient faire pire que de penser à l’Algérie, au Maroc et à la Tunisie, ajoute-t-il dans une analyse  publiée par le site EU Bulletin.

Il y est souligné que les le  Maroc et la Tunisie ont des économies raisonnablement diversifiées, ce qui n’est pas le cas de l’Algérie, où les exportations de pétrole et de gaz représentent 95 % des recettes étrangères et dont l’économie d’État autoritaire laisse  le secteur privé à l’écart.  Les Maghrébins ne tracent pas leur avenir selon les plans imaginés à Paris, Berlin ou Bruxelles. Les circonstances politiques en Algérie l’année dernière et en Tunisie depuis 2011 montrent que le cours des événements est imprévisible, rappelle-t-il.

La Tunisie mérite l’attention non seulement parce qu’elle vit une expérience démocratique inévitablement désordonnée, mais aussi parce que les troubles en Libye l’ont obligée à augmenter ses dépenses de sécurité de 5 à 20 % de son budget. Son voisin de l’Est est une source de terrorisme djihadiste qui a infligé de graves dommages au secteur touristique tunisien, comme il l’a fait sur l’un des principaux champs gaziers algériens de Tiguentourine dans le bassin d’In Amenas dans les années qui ont suivi l’intervention occidentale désastreuse d’inspiration française en Libye en 2011, relate Francis Ghilès.

À l’extrémité occidentale du Maghreb, souligne-t-il, le Maroc a su garder le cap et a réussi à attirer à Tanger les grands constructeurs automobiles européens. Mais, opérant dans une zone offshore, cette fabrication n’offre que peu d’avantages fiscaux pour le trésor public. Environ 6 000 fabricants sont engagés à plein temps dans l’exportation, la plupart des entrepreneurs restent petits et locaux. Contrairement à la Tunisie, dont le système bancaire est dans un état précaire et fragmenté, grevé par un lourd fardeau de prêts irrécouvrables, notamment à un secteur touristique gonflé, les banques marocaines sont solides et bien gérées. Mais la richesse ici, bien plus qu’à Tunis, reste fortement orientée vers une riche élite proche du roi. Le niveau d’éducation est plus bas qu’en Tunisie et la disparité des richesses reste un facteur de faiblesse future, et non de force.

Une relation d’égal à égal nécessaire

L’UE négocie actuellement des partenariats renforcés avec le Maroc et la Tunisie, mais la clé d’une conclusion positive s’avère insaisissable. Si l’UE conclut avec succès un accord post-Brexit avec le Royaume-Uni, cela pourrait offrir quelques clés de succès au Maghreb. Jusqu’à présent, lorsque l’UE déclare vouloir que le Maroc offre la liberté de circulation dans certains services, l’offre n’est pas tout à fait crédible : 70 % des produits agricoles marocains sont distribués dans l’UE par des camions espagnols, car les camionneurs marocains ne peuvent pas obtenir facilement de visas. L’approche parcimonieuse de l’UE, c’est bien , mais elle n’ouvre en aucun cas la porte à une relation d’égal à égal nécessaire si elle veut relever le formidable défi que représente l’Afrique.

Faire avaler des projets de démocratie aux Algériens, aux Marocains et aux Tunisiens est voué à l’échec, car les Nord-Africains doivent être les acteurs de leur propre histoire. Quant aux liens culturels, les renforcer est bien, mais sans jamais oublier que la jeunesse de la région regarde plus vers Paris et Madrid que vers la Mecque. Il serait triste que le manque d’ambition de Bruxelles et d’autres capitales européennes nous fasse prendre conscience, dans une décennie, que le Maghreb a glissé, sans que nous nous en rendions compte, sur la nouvelle route de la soie, déplore le chercheur.

« Ce dont l’UE a besoin, comme semble le comprendre le Haut représentant pour les affaires étrangères Josep Borrell, c’est d’une nouvelle approche de la définition des liens de sécurité de l’Europe avec l’Afrique du Nord, une approche qui mette au moins autant, sinon plus, l’accent sur la sécurité économique au sens large plutôt que sur la sécurité dure au sens étroit. Un tel changement aurait l’immense avantage de rendre l’Islam moins central dans la vision du Sud par le Nord, reléguant ainsi le « choc des civilisations » aux marges du débat. Les attitudes néocoloniales, souvent sotto voce, assombrissent trop les politiques européennes à l’égard du Maghreb. Il est temps pour l’Europe de grandir et de traiter comme des adultes les 100 millions de personnes qui vivent à une heure de vol de nos rivages », conclut Francis Ghilès.

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