Manifestement, l’approche du président de la République est totalement différente de celles de tous ses prédécesseurs, voire de tous ceux qui gravitent dans son giron. Personne ne peut nier que Kaies Saied souhaite instaurer un régime politique dont sont bannis les mécanismes de participation et qui ne tient nullement compte des propositions d’où qu’elles viennent et notamment des membres de la commission nationale consultative pour la nouvelle République , chargés de rédiger la prochaine Constitution.
Le nouveau projet de constitution élaboré par le chef de l’État a suscité une grande polémique, notamment après la déclaration de Sadok Belaid qui a assuré que ce projet est différent de celui qu’il avait préparé.
Dans une précédente déclaration médiatique, Belaid a qualifié le projet présidentiel de la constitution de « dangereux », au motif qu’il y a une énorme différence entre les deux textes, s’agissant notamment de l’identité nationale et du volet économique.
Il était apparemment entendu que la « Constitution de Belaïd » consacrerait son premier chapitre à l’aspect économique et au développement, tandis que le projet de Saïed meublait ce chapitre par des longues dispositions traitant de l’identité du peuple, de l’État et de ses aspects politiques et juridiques, sucrant complètement tout le contenu économique développé en long et en large dans la copie de la Commission.
Le projet Belaïd comportait également un chapitre dédié au pouvoir législatif alors que Kaies Saïed estime que les trois pouvoirs composant l’Etat doivent être des fonctions, le pouvoir et l’autorité étant du ressort exclusif du peuple, estime-t-il.
La copie livrée par Saied s’articule autour de la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République tandis que celle Sadok Belaid faisait la part belle à la démocratie participative.
Le projet du chef de l’Etat ne précise pas le mode d’élection des membres de la Chambre des représentants et se limite au seul mode d’élection du président de la République, tandis que le projet Belaid stipulait que l’élection des membres de la Chambre des représentants doit être faite via le scrutin universel direct.
Aux termes du draft de Belaid, l’Assemblée des représentants du peuple peut renverser le gouvernement par le biais du retrait de confiance suite au dépôt d’une motion moyennant la signature d’un tiers de ses membres.
La quête du pouvoir absolu
Le président de la Commission consultative chargée de la rédaction de la Constitution, Sadok Belaid, a déclaré que le projet de Kais Saied pèche par « une tendance à l’absolutisme du pouvoir » et qu' »il y a un danger d’établir une sorte de dictature absolue dans le pays en faveur du président actuel ».
Et d’ajouter, dans une interview au journal « Le Monde » : « Je demande simplement qu’il annule son projet déplorable. C’est tout ou rien. Soit il fait machine arrière, soit il fait de petits bricolages ici et là pour maintenir sa vision initiale erronée ».
Il a poursuivi : « Idéologiquement, le modèle de Kaies Saied est archaïque et dépassé. Malheureusement, l’idéologie est au pouvoir aujourd’hui avec Saied, et c’est une mauvaise chose ».
Belaid a confirmé que le président de la République, Kaies Saied, avant de publier la copie de la constitution, n’a pas consulté les membres de la commission et ni ne les a pas contactés.
Le volet économique…
Sous le titre de Conseil National des Régions, le deuxième volet du projet «constitution de Saied» semble s’être substitué au volet économique de la constitution de Belaïd.
Selon l’article 81, le Conseil national des régions sera composé d’élus des régions, et l’article 84 stipule que le Conseil national des régions est tenu de soumettre des projets liés au budget de l’État et des plans de développement régionaux et nationaux pour assurer l’équilibre entre les régions.
La loi de finances et les plans de développement ne peuvent être approuvés que par la majorité absolue des deux assemblées.
Le Conseil des régions exerce également des pouvoirs de contrôle et de redevabilité sur diverses questions liées à la mise en œuvre du budget et des plans de développement.
Selon le texte de la constitution, une loi sera élaborée organsant les relations entre les deux assemblées.
À cet égard, des professeurs de droit constitutionnel expliquent la suppression du chapitre économique de la constitution par la tendance du président à établir un régime de base de manière non explicite.