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Le pari à 250 MDT du groupe Elloumi pour sauver sa banque sous risque de liquidation

« Pendant les années Ben Ali, le groupe jouit d’une certaine proximité avec le pouvoir, mais ses dirigeants ont su préserver l’indépendance nécessaire à la conduite de leurs affaires. Pour l’ambassade américaine, dont les câbles diplomatiques ont été révélés par WikiLeaks, l’empire Elloumi est même un modèle à suivre pour le secteur privé tunisien », écrivait, en juillet 2020, Mathieu Galtier pour Jeune Afrique. Un groupe, qui investit désormais dans le secteur bancaire, et fait le pari d’y réussir.

  • Après la politique, les Elloumi foncent tête baissée vers les finances

Après ladite révolution, l’aîné des Elloumi avait essayé de faire de la politique en rejoignant le parti Nidaa Tounes de Béji Caïed Essebssi puis de son fils Hafedh, en charge des réformes économiques et financières. Une carrière politique tourmentée, où il aurait même été tenté par les présidentielles de 2019, comme le rapportait alors l’hebdomadaire paraissant en France.

Laissant désormais la politique derrière lui, et certainement conforté par les réussites de toutes ses aventures industrielles en Tunisie et ailleurs, le groupe Elloumi tente l’aventure financière, pour essayer de rejoindre la communauté des groupes tunisiens disposant d’une banque.

En août 2021, le groupe Elloumi rachetait ainsi les 60 % de la BTK qui appartenaient au groupe bancaire français BPCE. Le coût de ce rachat, auquel avait d’abord prétendu l’Etat tunisien à l’euro symbolique avant de le refuser pour manque de moyens devant le lourd passif de la banque, n’a jamais été révélé, ni par le vendeur, ni par le repreneur. Les Elloumi reprenaient, cependant, une banque qui n’était pas au meilleur de sa forme, et sur les finances de laquelle les Français s’étaient déjà cassé les dents et avaient fini par jeter l’éponge.

  • Des « faits de nature à mettre en péril ses intérêts ou ceux des porteurs de ses titres »

L’audit des états financiers de la Banque Tuniso-Koweïtienne « BTK », arrêtés par le Conseil d’administration du 14 septembre 2023, font ressortir des capitaux propres positifs de 182, 904 MDT y compris un bénéfice net de 7, 619 MDT, après l’exercice 2021 qui était déficitaire de 6,872 MDT.

Cette situation bénéficiaire de 2022 ne serait cependant valable que pour l’exercice en question et non pour la situation financière globale de la banque. Les résultats reportés NEGATIFS sont de 164,426 MDT.

Les commissaires aux comptes (CC) de la BTK disent avoir envoyé à la BCT des rapports « préparés dans une approche préventive afin d’éviter l’aggravation des difficultés financières de l’établissement, et [qui] doivent permettre à la Banque Centrale de Tunisie de juger opportun ou non la mise en place d’un dispositif d’alerte selon les exigences liées à la situation de la banque ». Et aussi avoir « présenté au Conseil du Marché Financier un rapport sur l’existence de faits de nature à mettre en péril les intérêts de la Banque ou les porteurs de ses titres ». Rappelons qu’à fin décembre 2022, les dépôts de la clientèle s’élavaient à plus de 1, 225 Mds DT, sans compter les 5 MDT de la BCT et les 37,250 MDT en dépôts des établissements bancaires.

  • La BCT a mis en garde la BTK contre le risque de liquidation !

Le 1er septembre 2023, dans un courrier adressé au PCA de la banque, la BCT avait d’ailleurs « souligné que la situation de la BTK pourrait être interprétée comme étant une situation de difficultés et nécessitant son traitement par la commission de résolution ».

Les CC certifient aussi que « le ratio « Crédits/Dépôts » n’a pas été respecté au titre des premier, deuxième et troisième trimestre 2022 (…) et avons constaté que le ratio de liquidité n’a pas été respecté au titre du mois de mai 2022. Le ratio de solvabilité est diminué en-deçà de 50% du ratio de fonds propres, ce qui fait peser sur elle un doute important sur la capacité de la banque à poursuivre son exploitation. Les fonds propres de la BTK seraient ainsi en défaut.

La note aux états financiers, qui décrit la situation financière difficile dans laquelle se trouve la banque, indique que les capitaux propres s’élèvent au 31 décembre 2022 à 75, 070 MDT seulement, soit 37,5% de son capital social. Et les CC d’en conclure que « à défaut de la concrétisation du plan de redressement, la banque pourrait être considérée dans une situation compromise qui nécessiterait la mise en place d’un dispositif de résolution.

A tout cela, s’ajoute le fait que la BTK a fait l’objet d’une vérification sociale au titre de la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020. Une notification préliminaire a été adressée à la banque le 10 décembre 2021 portant sur un redressement de 3, 003 MDT, pour 15 Etats de liquidation intentés par la CNSS. Le risque final pouvant le cas échéant être associé à cette situation, dépend du dénouement définitif du dossier de contrôle en cours.

  • Une augmentation de capital, qui menacerait les 20 % de l’Etat tunisien

Dans ce qui est, certainement, un pari et une tentative de redresser la BTK, le Conseil d’Administration a décidé de procéder à une augmentation du capital (actuellement de 200 MDT) pour un montant de 100 MDT, pour porter le capital social de la banque à un montant 300 MDT.

Les nouvelles actions à créer pour cette augmentation sont réservées uniquement aux actuels actionnaires et souscrites selon la parité d’une action nouvelle pour deux actions anciennes. Actionnaire à 20 %, l’Etat tunisien devra ainsi, s’il veut préserver sa participation au capital de la BTK, débourser la somme de 20 MDT. Et il faudra aussi que l’Etat koweitien fasse pareil pour former la minorité de blocage nécessaire.

On rappelle, à ce sujet, qu’à l’AGE du 15 décembre 2021, restée ouverte jusqu’à la date du 26 juin 2023, les actionnaires détenant 40% du capital (Etat Tunisien et Kuwait Investment Authority) avaient voté contre les modalités de restructuration du capital proposées. Quelques mois plus tard, on entendait le chef du gouvernement dire devant le chef de tout l’Etat qui était d’accord, que la Tunisie doit garder sa participation (20 %) dans le capital de la BTK.

On pourrait penser que cette assertion, faite le 18 septembre 2023 par Ahmed Hachani devant Kais Saïed, aurait été comprise par les Elloumi comme un accord à suivre toute augmentation de capital. Tout comme on pourrait penser que l’Etat tunisien qui est en phase de bouclage d’un budget difficile, pourrait trouver un peu lourd pour ses moyens le montant de 20 MDT à devoir décaisser.

Ce pari de l’augmentation du capital de 100 MDT ne semble cependant pas être suffisant. Le CA de la BTK a ainsi décidé l’émission d’emprunts obligataires, simples ou subordonnés pour un montant total de 150 MDT. L’objectif est de renforcer davantage les fonds propres prudentiels. Et cela est aussi un 2ème pari sur l’acceptation de la place financière de parier elle-même sur cette banque en petite forme, comme décrit par les commissaires aux comptes.

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