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Les 3 leçons d’un assassinat odieux

Les lois de l’Histoire montrent que les grands bouleversements peuvent ne pas être perçus dans leur dimension réelle par ceux qui les déclenchent. Ceux qui ont commandité le meurtre de Chokri Belaid ne pensaient pas que la réaction des Tunisiens allait être aussi énergique et aussi vive . Au moment où ils croyaient bien choisir exécutants , cible , date et lieu , ils s’apercevaient ,après coup , qu’ils ont raté l’essentiel , ils s’étaient trompés de peuple .

Des millions de Tunisiens ont exprimé leur colère en ce jour mémorable de vendredi 8 février 2013 , dans la capitale Tunis et dans toutes les villes du pays .

Cet assassinat odieux , de par son caractère inédit , et son mode opératoire perfide , a eu un effet énorme sur la conscience collective des Tunisiens .Car, au moment où les commanditaires s’attendaient à ce qu’il assombrisse l’horizon politique du pays , cet acte a rendu les élites et les citoyens plus lucides , plus nuancés et plus courageux .

Les Tunisiens se sont montrés sous un autre visage .Ils sont apparus sous un angle nouveau : n’ont-ils pas choisi de s’unir dans ces moments difficiles ? N’ont-t-ils pas évité les excès? N’ont-ils pas bravé tous les dangers et dissipé les illusions, pour reprendre l’esprit des combats d’avant le 14 Janvier 2011 contre ce qui est communément appelé la nouvelle dictature rampante.

Le geste mortel n’est pas passé inaperçu. Il s’en dégage 3 grandes leçons que les instigateurs doivent être les premiers à méditer :

L’échiquier politique profondément modifié 1ere leçon :

La mort de Chokri Belaid fera date. L’après assassinat ne sera jamais comme l’avant assassinat . Les instigateurs voulaient ,en fait, que l’acte produise son effet sur les proches de la victime, les élites , les politiciens et les journalistes .Les commanditaires du crime s’attendaient à ce que l’assassinat et la victime soit vite oublié, une fois le message reçu .Or, les choses ont évolué autrement .Les effets de l’acte ignoble ont dépassé la simple galvanisation du courage des Tunisiens, cibles de l’intimidation , pour poser les jalons d’une refonte du paysage politique .Toutes les forces qui défendent le projet de société moderniste mis en œuvre depuis l’Indépendance , se sont trouvés réunis face à cette épreuve , pour contrecarrer la violence générée par les menées qui visent à changer la nature de la société .

Les 2 années de Révolution ont créé des zones d’ombre à ce niveau .Les slogans de rupture avec l’ancien régime , et d’application des principes de la justice transitionnelle à l’encontre de ceux qui ont versé dans la répression et la corruption , ont semé une grande confusion dans les esprits .Profitant du peu de moyens pratiques , du manque de temps matériel et des contraintes de toutes sortes pour mettre en œuvre cette justice transitionnelle , les tenants du projet religieux ont voulu créer des lignes de démarcation fictives pour amener plusieurs franges politiques à s’aligner sur leurs positions , et de là à cautionner leur projet intégriste et antidémocratique sous le couvert de rupture avec le passé. Ils entretiennent la confusion entre les pratiques répressives de l’avant 14 Janvier et le projet de société moderniste. Jusqu’à un certain point, cette confusion a perturbé l’esprit de beaucoup de gens sincères. Sur ce plan , les adeptes du projet religieux ont réalisé des acquis de taille et ont vu des franges des forces démocratiques basculer de à leur côté , et les ont utilisées comme alibi auprès des partenaires occidentaux , et l’opinion internationale ,pour mettre en marche la machination antidémocratique .

L’assassinat a remis les pendules à l’heure, les lignes de démarcation là où elles doivent être, et replacé les véritables enjeux au rang qui le leur. Les forces politiques se sont redéployées en conséquence .Et c’est, en quelque sorte, grâce à la situation créée par cet assassinat odieux.

2eme leçon : La sécurité nationale aux limites de la souveraineté

A la suite de l’assassinat , et dans le but de dissiper les suspicions qui pèsent sur son parti , Rached Ghannouchi a lancé un appel à l’unité nationale et a rappelé aux Tunisiens qu’ils sont investis de la mission de propager la révolution dans la région où plusieurs pays vivent encore sous le joug de l’obscurantisme et de la réaction .

Ce discours laisse transparaître une dimension internationaliste qui ,sous le couvert de soutenir les aspirations légitimes des peuples de la région , lie la sécurité nationale de la Tunisie à celle d’autres pays On est là devant une nouvelle doctrine de la sécurité nationale qui n’a pas fait objet de consensus national , ni même d’ébauche d’un débat .Ce qui est dangereux, c’est que cette nouvelle orientation est tout de suite mise en œuvre , et les institutions de l’Etat s’y conforment avec application .Une des illustrations est la position diplomatique sur les développements du Nord-Mali qui répond plus aux exigences de l’Internationale islamiste qu’aux traditions de la diplomatie tunisienne. D’ailleurs, le soulagement était perceptible dans les chancelleries et au niveau de l’opinion publique à l’issue du reniement annoncé par le ministre des affaires étrangères de sa position à caractère idéologique affichée auparavant .

La sécurité nationale commence, depuis l’accession d’Ennahdha au pouvoir, à déborder les limites physiques de la souveraineté nationale, et à se diluer dans un espace flou qui se prolonge à travers les continents .Or, il est de notoriété que les doctrines de la sécurité nationale ne s’improvisent pas, et ne peuvent être le fait de partis ou groupes et encore moins de personnes .

L’assassinat et le sursaut national qui s’ensuivaient ont démasqué l’agenda international , le caractère supranational du projet du parti islamiste (Ennahdha) , le peu de cas que ce parti fait des institutions nationales et son acharnement contre tout ce qui semble être un obstacle, qu’il soit politique ou institutionnel, de nature à empêcher ce projet islamiste de prendre forme .

3eme leçon : La violence incompatible avec la démocratie

La violence qui trouve son illustration extrême dans l’assassinat politique, est par principe incompatible avec le choix de la démocratie. Celui qui parie sur la démocratie doit renoncer à la violence, et ne doit ni justifier ni exploiter la violence sous quelque forme que ce soit .

Ainsi , les échecs de la phase transitoire peuvent-ils être analysés en corrélation avec la propagation de la violence. En fait, la transition démocratique vit au rythme de l’enchevêtrement de 2 processus : La démocratie doit amener le pays à instaurer les institutions nouvelles de la République sur la base de la nouvelle constitution. Mais, chaque faux-pas de ce processus donne lieu à une recrudescence de la violence , qui rend encore plus difficile la réalisation du projet démocratique . L’engagement des forces politiques envers la démocratie est inversement proportionnel à leur usage de la violence : ceux qui utilisent ou justifient la violence sont ceux qui croient le moins en la démocratie, et vice versa.

Or , il se trouve que l’assassinat de Chokri Belaid a mis, sur ce chapitre, les démocrates en opposition aux tenants de l’option de la violence .L’équation est à résultante nulle , c’est-à-dire tout acquis réalisé par l’un ne peut être qu’aux dépens de l’autre .Seulement ,ce qui complique la donne, c’est que ceux qui parient sur la violence, sont beaucoup plus outillés et n’ont jamais affiché leurs véritables convictions et agissent souvent à visage couvert .

De ce fait, l’assassinat de Chokri Belaid a permis aux forces politiques de se déterminer par rapport à la contradiction principale qui est entre le projet moderniste et le projet religieux, mettant ainsi fin à la confusion et au brouillage des pistes qui ont prévalu pendant des mois. Ce crime politique perfide a convaincu de l’urgence de la mise en œuvre de la démocratie qui n’est pas seulement incompatible avec la violence, mais revêt un caractère salutaire pour l’unité des Tunisiens, et leur sécurité nationale.

Ennahdha qui a voulu faire passer son projet propre en lieu et place des aspirations des jeunes qui ont fait la Révolution et qui en attendent toujours les fruits , a choisi, pour ce faire , de détourner la signification du slogan de la rupture avec l’ancien régime , le sens du scrutin du 2 3 octobre 2011 , et a opté pour l’intégration de la sécurité nationale dans la logique de l’action internationale de la nébuleuse islamiste .

Le parti Ennahdha est parvenu à induire plusieurs formations politiques en erreur, mais, avec le temps, les partenaires du parti islamiste se sont dissociés de lui pour le laisser dans la solitude qui est la sienne, ces derniers jours.

Aboussaoud Hmidi

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