En attendant leur qualification judiciaire exacte, par la justice tunisienne qui en a été saisie, les irrégularités dénoncées dernièrement en matière d’octrois de crédits par la Banque nationale agricole, de surcroît une banque publique, sont, selon plusieurs analystes , révélateurs du système d’économie de rente qui a miné l’économie tunisienne durant la période passée et qui continue ses ravages, en douceur.
Un crédit de l’ordre de 24 millions dinars (24 milliards avait dit le président de la République) a été en effet accordé en 2023 à une personne physique sans garanties et sans examen approfondi du dossier, parallèlement à d’autres crédits faramineux octroyés à des sociétés écrans ou à des personnes n’ayant aucun rapport avec le corps des petits agriculteurs.
De temps à autre sur les réseaux sociaux, notamment fb, des commentateurs citant des sources très bien informées et introduites, dressent des listes des banques tunisiennes publiques et privées avec les groupes qui les contrôlent, alors que ces cinq ou six dernières années ont vu se multiplier sur divers supports, les articles de presse et les analyses de spécialistes tunisiens et étrangers, sur la transformation de l’économie tunisienne en une économie de rente marquée par « de très sérieuses restrictions à la concurrence loyale ».
Pas plus tard qu’il y a quelques jours, le Centre Malcolm H. Kerr Carnegie pour le Moyen-Orient « Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East» a estimé, dans un rapport, que « tirer un trait sur les résultats négatifs enregistrés par l’économie tunisienne, au cours de la dernière décennie, nécessite une plus grande confiance dans les entreprises sans exception, la lutte efficace contre l’économie de rente, et l’accompagnement des efforts visant à créer des sociétés ».
Négation douteuse
Les auteurs du rapport rappellent qu’entre 2012/2022, les investissements privés ont enregistré une régression de 10% du PIB en Tunisie, au moment où « la Tunisie, se prévalant d’une assise industrielle élargie, possède de réelles opportunités de développement », qui mérite d’être fortement soutenues par ses partenaires européens et occidentaux, à travers l’investissement direct.
Depuis quelques mois, dans son rapport intitulé « les réformes économiques pour sortir de la crise », la Banque mondiale avait averti « que l’un des principaux problèmes de l’économie tunisienne, c’est les restrictions à la concurrence qui produit un environnement dans lequel les sociétés ne peuvent réaliser une croissance basée sur la productivité ou la qualité des services ».
Justement, comme l’ont noté les analystes, pour soutenir la concurrence, il faut être productif et proposer des produits de qualité, tandis qu’en l’absence de concurrence, tout est permis.
Seulement, des représentants des chefs d’entreprises et hommes d’affaires tunisiens au sein de certaines structures représentatives, comme l’Union Tunisienne de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat (UTICA) ou encore l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises (IACE) n’ont pas cessé d’afficher, dans le sillage, une opinion radieuse du fonctionnement de l’économie tunisienne, niant absolument « les restrictions à la concurrence », par le biais du système de rente. Une négation absolument douteuse à se référer à la définition que donne de la rente, le Centre « Malcolm H. Kerr Carnegie Middle East », savoir « la création, la protection et l’exploitation de privilèges, de faveurs ou d’opportunités d’affaires à l’abri de la concurrence et de l’efficience économique ».
Le danger de la rente par rapport à la corruption ou au détournement des deniers publics est qu’elle revêt un caractère «légal», souligne le Centre Malcolm H.Kerr Carnegie Middle East.
S.B.H