Ghassan Salamé, Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye, a informé mercredi matin le Conseil de sécurité que l’ONU était maintenant prête à accroître sa présence à travers tout le pays. « Car, ce n’est qu’en comprenant véritablement la Libye que nous pourrons réussir à mettre en œuvre le Plan d’action des Nations Unies en vue de la reprise d’un processus politique sans exclusive pris en main par les Libyens et aider ses citoyens à mener à son terme une transition trop longue ».
Le 17 décembre 2017 a marqué le deuxième anniversaire de l’Accord politique libyen. Malgré des opinions divergentes sur ce que pourrait signifier cette journée, les Libyens ont finalement choisi de le passer sans violence ni protestation notable, a relevé le haut fonctionnaire. « Que l’anniversaire se soit déroulé pacifiquement est en grande partie du à l’unité dont a fait preuve ce Conseil », a-t-il assuré, en soulignant que la déclaration présidentielle en date du 14 décembre avait adressé un message clair en ce sens.
Il faut toutefois rester vigilant, a prévenu M. Salamé, pour qui le spectre de la violence reste présent. Près de la frontière avec la Tunisie, des affrontements ont éclaté entre des forces affiliées à deux communautés rivales.
La zone à l’est de Tripoli reste un point chaud et les tensions sont également en hausse autour de la ville de Derna, a-t-il relevé. Des civils, des hommes, des femmes et des enfants continuent d’être tués ou blessés lors de tirs croisés et d’attaques aveugles, les groupes armés se livrant à des affrontements dans des zones résidentielles, sans égard pour les civils, a déploré le Représentant spécial.
Alors que l’embargo sur les armes n’a jamais été aussi contraignant, les informations récentes faisant état d’une importante cargaison d’explosifs interceptés par les garde-côtes grecs sont particulièrement alarmantes. « Un pays où circulent 20 millions d’armes n’a pas besoin d’une seule de plus », a-t-il rappelé. Dans ces conditions, a-t-il observé, « le statu quo fragile et chancelant » n’est pas tenable.
La Libye a besoin d’un gouvernement compétent et efficace, qui puisse fournir les services de base dont les gens ont désespérément besoin. La modification de l’Accord politique libyen est à notre avis le moyen le plus approprié pour accomplir cet effort. Et conformément à ce Plan d’action, les éléments suivants sont, et seront, « l’objectif ultime de notre travail ».
Premièrement, a dit M. Salamé, la Libye a besoin d’un cadre juridique permanent solide. Selon lui, la transition ne pourra prendre fin que lorsque la Libye sera dotée d’une véritable constitution. « Le projet de constitution, tel que prévu par l’Assemblée constituante, fait actuellement l’objet d’un examen juridique. Une fois la décision prise, nous déterminerons comment nous pouvons le mieux soutenir ce processus », a ajouté le Représentant spécial.
M. Salamé a ensuite mis l’accent sur la réconciliation nationale. « À moins de reconstruire un système politique national, aucun progrès significatif ne pourra être accompli pour unifier les institutions nationales, prévenir les flambées de violence ou faire accepter les résultats des élections. Pour le haut fonctionnaire, reconstruire une politique nationale libyenne suppose d’atteindre les principaux acteurs et groupes précédemment marginalisés, pour les ramener graduellement dans le giron politique.
Par ailleurs, le Représentant spécial a attiré l’attention sur l’importance des élections. Il s’est déclaré satisfait par l’actualisation du registre électoral initié le 6 décembre 2017 par la Haute Commission électorale nationale et par le nombre de nouveaux électeurs, 600 000 jusqu’à présent, qui se sont inscrits pour voter dans un peu plus de six semaines, portant le nombre total de votants à deux millions.
Cependant, avant que des élections crédibles puissent avoir lieu, un cadre constitutionnel doit être convenu, les conditions de sécurité être propices à un processus libre et équitable, et les résultats acceptés par tous, a insisté le Représentant spécial. « Et pour organiser un référendum, des élections présidentielles ou parlementaires, des lois sont nécessaires. Les institutions pertinentes de la Libye ont l’obligation de produire la législation requise et de le faire d’une manière compatible avec l’Accord politique libyen.
« J’exhorte ces institutions à éviter la suspicion mutuelle et l’action unilatérale, et à placer l’intérêt du peuple libyen au-dessus de toute autre considération », a déclaré le haut fonctionnaire.
La crise politique en Libye continue de s’accompagner d’une crise humanitaire. Pour répondre aux besoins les plus urgents, les Nations Unies lanceront la semaine prochaine un plan d’intervention humanitaire dans le pays, lequel mettra l’accent sur des interventions vitales telles que les services de base, le logement, la nourriture et le déminage.
Dans ce contexte, la situation désastreuse à laquelle de nombreux migrants continuent de faire face en Libye est un sujet de grande préoccupation, alors qu’ont été réunies des preuves que de nombreux migrants font l’objet de sévices graves à l’intérieur et à l’extérieur des lieux de détention officiels, y compris de diverses formes de violence sexuelle.
M. Salamé a exhorté les autorités à éradiquer ces crimes flagrants et à traduire les responsables en justice. S’agissant de la question des migrations, il a salué la forte coopération entre l’Union africaine, l’Union européenne et les Nations Unies, qui ont créé un groupe de travail, qui a progressé dans le soutien des retours volontaires des migrants. « Au cours des dernières semaines de 2017, des milliers de migrants ont été volontairement rapatriés à des fins humanitaires de la Libye vers leur pays d’origine », a précisé le Chef de la MANUL.
Cependant, des milliers d’autres migrants restent en détention arbitraire dans des centres, dont beaucoup « dans des conditions inhumaines ».
« Ce qui nous inquiète le plus », a poursuivi le Représentant spécial, ce sont les « programmes prédateurs individuels » qui continuent d’être mis en œuvre au détriment de l’intérêt collectif. Car le conflit sur les ressources est en effet au cœur de la crise libyenne, a-t-il rappelé, en assurant que la Mission n’épargnerait aucun effort pour faire en sorte que les richesses nationales soient orientées vers la fourniture de services publics plutôt que vers des intérêts particuliers.
« Cela est d’autant plus nécessaire que les pénuries de carburant, d’électricité et d’eau sont courantes dans tout le pays », a constaté le Représentant spécial, pour qui les avoirs libyens gelés doivent être gérés comme une garantie pour l’avenir.