Le choc de l’annonce de la dégradation de la note souveraine de la Tunisie est désormais quelque peu passé. Force est pourtant de noter que cette notation est en dehors du temps. En effet, elle serait intervenue avant, on aurait compris… sinon, le timing, malencontreux, handicape lourdement le gouvernement Bouden.
Tout d’abord, les causes de cette notation sont antérieures aux évènements du 25 juillet. Peut-être que la seule responsabilité de Kais Saïed était d’avoir attendu si longtemps, le mois d’octobre, pour nommer un chef du gouvernement. La marge de manœuvre de Mme Bouden n’aurait pas été aussi minime pour tenter d’ajourner la décision et avoir le temps nécessaire pour faire ses preuves. Car, en cas d’échec, cette dégradation aurait été inéluctable en février ou mars 2022.
– Un héritage qui retombe sur la tête de Nejla Bouden
En dépit de cela, la crise pourrait s’assimiler à une chance pour rebondir : les pays amis de la Tunisie vont enfin aider financièrement le pays. Les Tunisiens auraient un choc positif pour se remettre à travailler. La mise en œuvre des réformes tant demandés par les bailleurs de fonds sera enfin effective. Saïed gouvernera par décrets et accélérera la cadence pour pallier aux retards, tâtonnements et hésitations. L’UGTT, partie prenante et seul acteur politique valable avec la présidence, saisira la balle au rebond pour mettre de l’huile dans une machine de production minée par la mauvaise productivité, le désinvestissement et la spéculation. Nejla Bouden ne sera pas comme ses prédécesseurs, manipulés par les partis. D’abord, ces derniers ont perdu leur épée de Damoclès, le parlement en l’occurrence, mais surtout, ils sont rejetés par la population. Les hommes d’affaires se doivent de se remettre au travail, ne serait-ce que de peur de dilapider le patrimoine familial. Les banques financeront les entreprises, juste pour éviter une crise systémique… Drôle de tableau, qui est certes difficile à mettre en place mais n’est nullement utopique car chacun trouvera son compte. Maintenant qu’on croit et espère que le système de racket aura pris fin.
Cette notation est donc la résultante des gouvernements antérieurs. Entre les tiraillements des politicards, les mascarades à l’ARP, les calculs de citadelles et l’incompétence d’une large partie des politiques, les multiples sonnettes d’alarme tirées par la BCT et l’INS, en local, sinon par les agences de notation ou les bailleurs de fonds sont tombées dans de sourdes oreilles.
Cette notation est également le produit d’une loi des finances 2021 obsolète, bricolée et déconnectée de la réalité. Comme si cela n’était pas suffisant, on y a ajouté une mascarade de loi, dite » de relance économique « . Avec tous les dangers d’évasion fiscale, de copinage, d’incompétence économique et de piétinement du b.a.-ba du bon sens économique que cette loi comptait, la plus clémente des agences de notation aurait dégradé la Tunisie. Heureusement qu’elle n’est pas passée. Mais, le mal était fait !
La Tunisie, bien avant 2019, mais surtout depuis le début de l’année 2021, semblait naviguer à vue. Toutes les boussoles ne donnaient plus le nord. Elles désignaient les intérêts personnels, partisans sinon étrangers. Saïed a essayé de stopper l’hémorragie. Trop peu ? Trop tard ? Seul le futur le dira. L’histoire retiendra toutefois que le pays a été trahi par ses propres enfants. Bourguiba l’avait prédit. Les révolutionnaires de la 25ème l’ont fait !
– Club de Paris : Un non-sens… et l’hypothèse n’est même pas d’actualité
Comme une traînée de poudre, l’hypothèse d’aller au Club de Paris a déferlé sur les réseaux sociaux. Mais aussi, elle a germé dans les escarres de certains analystes. Le fantasme des politiques a-t-il pris le dessus sur le pragmatisme des économistes ? Il semble que oui, car en cherchant à se documenter, il s’est avéré que la Banque Centrale de Tunisie (BCT) a réfuté catégoriquement cette hypothèse !
Par la voix de son directeur général du financement et des paiements extérieurs, Abdelkrim Lassoued, responsable rodé aux mécanismes des finances internationales, l’hypothèse d’un rééchelonnement de la dette tunisienne et la pathétique idée de se diriger vers le « Club de Paris » n’est pas d’actualité, comme il l’a martelé sur les ondes de Shems Fm. Mieux, la Tunisie « n’a aucun problème pour honorer ses dettes », a-t-il relevé.
N’occultant pas la difficulté de la situation, notamment au niveau des finances publiques et du financement budgétaire, Lassoued a précisé que « le volume des avoirs en devises, couvrant actuellement 130 jours d’importation, permettent à l’Etat tunisien d’honorer ses engagements extérieurs jusqu’à la fin de 2021 ».
En corrélation, si avec des réserves de devises couvrant plus de quatre mois, certains évoquent le Club de Paris, cela aurait été plus concevable quand la Tunisie était à quelque 70 jours d’importation ! Or, cette période de disette est passée difficilement mais sans accrocs.
Quid des perspectives ? Lassoued a relevé dans ce sens que des signes positifs plaident en faveur de la Tunisie. Il cite pêle-mêle la volonté politique du nouveau gouvernement d’aller vers un accord avec le Fonds Monétaire International, synonyme de lancement d’une batterie de réformes dès début 2022, les bons signes concernant un éventuel rééquilibrage de la balance des paiements via d’importants revenus en devises avec la reprise du secteur touristique, des perspectives prometteuses pour les exportations d’huile d’olive, la manne des transferts des Tunisiens de l’étranger… Surtout, il cite, la reprise dans la zone euro qui sera synonyme d’une forte demande donc de hausse des exportations tunisiennes.
Tout cela restera tributaire de la reprise du travail, et les Tunisiens, toutes catégories confondues, doivent retrousser les manches et se remettre à travailler, à produire, à exporter … comprendre que la solution, au-delà des promesses de financement salutaires notamment saoudiens, émiratis ou algériens, reste tuniso-tunisienne. Et c’est bien là où le bât blesse avec la multiplication des citadelles politiques, économiques, financières et régionales !