AccueilLa UNENi l’art, ni la manière, et encore moins le timing!

Ni l’art, ni la manière, et encore moins le timing!

L’homme s’était toujours rêvé à la tête d’un grand ministère, de préférence de souveraineté. Habib Jemli et Elyes Fakhfakh le lui avaient refusé. Issu du parti Afek, puis Tahya Tounes sous l’étiquette  d’indépendant, il avait failli passer à la trappe du dernier remaniement, et perdre au moins la composante investissement, n’eût été une intervention salvatrice pour son poste de super-ministre de l’Economie.

  • Un avant-bilan, moins que mitigé

Sous Hichem Mechichi, il sera « l’inventeur » du budget à crédit. Il sera aussi l’un des rares ministres des Finances, qui sera obligé de préparer une loi de finance complémentaire à peine la loi de finance initiale votée à la « va-comme-je-te-pousse » et même « à la va-vite ». Toujours sous Mechichi, il ne parvient pas à équilibrer le budget, et en améliorer les ratios, pour avoir de quoi présenter une feuille de route bancable pour ses bailleurs de fonds, et notamment le FMI. Le super-ministre d’une économie en déroute, comptait sur une amélioration de la note souveraine chez Moody’s, mais il ne semble pas les avoir assez convaincus pour éclaircir les perspectives d’une économie sans finances et qu’il n’a pas su redresser.

A mi-novembre 2020 (Décembre 2020 n’est toujours pas publié par un ministère que le ministre vide de ses compétences), il ne parvenait à réaliser les chiffres de la même période de 2019, en matière de ressources propres, dépensait plus que le montant de la même période de 2019, et doublait (plus même) le déficit budgétaire de 2019. En octobre, un mois après son entrée au ministère, les dépenses de gestion étaient de 20,428 Milliards DT, et ceux de l’investissement de 4,8 Milliards DT. Juste un mois après, les dépenses augmentaient de 11,6 % et les investissements baissaient de 3,3 %. Ancien banquier dans le secteur privé, il ne semble en tout cas pas, un foudre de guerre en matière de finances publiques !

  • « فركة و عود حطب »

Mécontent lui-même du bilan de ses 6 premiers mois au ministère, le super-ministre décide de tout chambouler dans un ministère fait de hauts cadres financiers et qui avaient pu jusque-là maintenir un semblant d’équilibre dans les finances de l’Etat.

Pas moins de 3 directeurs généraux sont secrètement couchés sur une liste et proposés au congédiement par le Conseil des ministres. Il s’agissait de Lotfi Ouhibi, DG des équilibres financiers du budget et vis-à-vis de tout le monde, y compris des bailleurs de fonds internationaux, pour tout ce qui concerne le budget de l’Etat, Sihem Nimssia qui dirigeait le DGELF (Direction générale de la législation fiscale), une femme intègre, droite comme une règle de loi fiscale, et magnifiée par les trois derniers ministres des Finances. Deuxième femme à être « remerciée » dans cette action de balai sans autre forme de politesse, Fatiha Gharbi, DG de l’inspection. L’un d’eux était même, mercredi dernier l’après-midi, avec le ministre à lui présenter les résultats du budget 2020 qu’il devait présenter au Conseil des ministres (CM) du 25 février 2021. C’est, pourtant, lors de ce même CM que le ministre des Finances fait glisser la liste des 3 personnes à limoger.  Les concernés ne l’apprendront que sur les réseaux, où l’information avait été fuitée, jetant les trois DG, des techniciens au-dessus de tout soupçon, en pâture à toutes les interprétations, politiques et surtout politiciennes.

  • Menace de démission collective de 31 DG

Dès le lundi, ce sont 31 DG, dont les trois victimes d’un super-ministre qui avait peu de soucis sur la réputation de ses cadres et qui se croyait ministre de Ben Ali pour lesquels les nominations et les congédiements se font  par simple communiqué de presse, lapidaire et sans autre forme de procès, lui adressent une lettre collective de protestation et une menace démission collective. Ils l’attendront, le même jour, dans les couloirs du ministère, pour s’expliquer. Le super-ministre s’était « réfugié » dans son 2ème bureau au Centre Urbain Nord.

Entretemps, tard dans l’après-midi, on finit par attirer l’attention du super-ministre sur le mal qui a été fait aux personnes d’honorables DG, toute leur vie au service de l’Etat et de ses budgets, depuis 10 ans confectionnés sous pression et toujours à la dernière minute. Un communiqué, fait à la hâte , en quatre points coloriés de bleu et d’oranger, où le ministère nie ce qui a été dit sur « des congédiements, faits sur fond de dossiers de personnalités faisant l’objet de poursuites judiciaires, ou de présentation de données erronées sur la situation financière et économique du pays ». Or, le mal est fait, et démentir le non-officiel ne fait qu’approfondir le mal déjà fait.

  • Ni l’art, ni la manière, et encore moins de bon timing

Le ministre est certes libre de choisir ses collaborateurs. Ce qui lui a manqué, c’est l’art et la manière, même si certains des limogés avaient bien pris position contre des propositions du ministre, comme celle de certains privilèges donnés aux juges, ou sur le fameux article 4 de la loi de finance complémentaire qui devait mettre entre les seules mains du super-ministre tous les dossiers fiscaux, et qui avait fini par être refusée. Hauts fonctionnaires de l’Etat, leur limogeage devait se faire sur la base d’un rapport d’évaluation bien circonstancié, ce qui n’a point été fait par ledit super-ministre. Ce dernier a plutôt préféré agir en catimini, en essayant de mettre les limogés devant le fait accompli de la décision du Conseil des ministres. Et sachant que l’information fuitera instantanément (Ce n’est pas une première dans le pays), ledit super-ministre pèchera en plus, par défaut de communication, jetant ainsi la réputation des 3 DG en pâture à des réseaux sociaux qui usent et abusent de toute information fuitée, pour des règlements de comptes, personnels ou politiciens.

A tout cela, et qui a obligé ledit ministre à trouver portes de sortie honorables à certains de ceux qu’il n’aime plus en dehors de toute bonne procédure de gestion de ses ressources et le choix des dirigeants d’entreprise, comme cela avait été fait du temps de Feu Slim Chaker lorsqu’il était ministre des Finances, il faut ajouter que ces limogeages ont été faits selon un mauvais timing. Chambarder ainsi l’ordre établi dans un ministère de grande importance comme celui des finances, a été fait par ledit super-ministre, à un moment où il se doit de confectionner une nouvelle loi de finance complémentaire. Au moment aussi où il doit (encore faut-il que le gouvernement en ait déjà fait la demande) préparer les documents financiers pour la nouvelle convention de prêt avec le FMI. Et au moment où le ministère est appelé à travailler dans la sérénité pour le recouvrement de plus de fiscalité et la mobilisation de plus de ressources. La menace de démission collective, nous dit-on, restait de rigueur ce mardi 2 mars 2021, et le ministre se doit de donner les bons arguments pour son coup de balai, jusque-là fait « بفركة و عود حطب » comme dirait l’adage tunisien.

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2 Commentaires

  1. Quelle pagaille ! C est très grave. Un echec patent d un ministre de gouvernement en situation précaire. Qu est ce qu il lui reste à faire: faire machine arrière ! Il ne se donne aucune chance de manoeuvre. Comment peut-il continuer à travailler avec une administration qui lui est hostile. Dans des conditions pareilles il ne lui reste qu à démissionner ! ! Un gouvernement sans envergure et sans vision dans un oays à la dérive. C est vraiment grave et malheureux. Un gouvernement faible incapable de faire respecter le protocole sanitaire et tolère des manifestations de masse provoquant les protestations des professionnels du tourisme et des artistes privés de ressources. C est la fin. Il n y a plus rien à espérer de ce système de bricolage de débutants.

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