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Quel sens peut avoir la proposition d’Ennahdha à Mehdi Jomâa d’être président consensuel ?

L’appétit des composantes de la classe politique tunisienne à la présidence de la République est savamment exploité par Ennahdha. Au début, lors du compromis historique d’août 2013 entre Béji Caïd Essebsi (BCE) et Rached Ghannouchi, le parti islamiste a parlé de BCE, puis quelques mois après, vint le tour de Néjib Chebbi, tous deux comme présidentiables qui auraient l’appui islamiste. Ensuite, Mohamed Hamdi est entré en ligne, dans la foulée du rôle de premier plan joué dans l’interpellation de Ridha Sfar et d’Amel Karboul, en plénière et en direct à la télévision, à la suite de l’entrée en territoire tunisien de pèlerins juifs munis de passeports israéliens.

Dans ce même contexte, Moncef Marzouki et Mustapha Ben Jaâfar étaient restés toujours en compétition, du simple fait qu’ils étaient depuis mars 2011 proches alliés et amis indéfectibles des islamistes.

Les présidentiables cités sont tous des politiciens qui ont une grande ambition et un cv politique bien garni, et c’est compréhensible de voir le parti islamiste faire jouer la loi de l’émulation pour éliminer les défaillants et ne garder que les plus valables. Mais lorsqu’Ennahdha évoque, à l’issue du Conseil de la Choura du week-end, Mehdi Jomâa comme candidat consensuel aux présidentielles, on se pose moult questions.

D’abord, l’actuel chef du gouvernement a été désigné à son poste dans le cadre d’un cahier des charges dont la principale disposition stipule que ni lui ni son équipe ministérielle ne doivent se présenter aux prochaines échéances électorales, qu’elles soient présidentielles ou législatives. Ce qui nous met en face d’un premier manquement à la feuille de route et d’une infraction de la règle d’or du fonctionnement de la vie publique dans tout pays : il est contre-indiqué de changer les règles du jeu en jouant. Car cette règle du jeu a été établie de manière solennelle par les représentants des forces vives du pays, et constitue un des principes de la vie publique et de la bonne gouvernance démocratique de la période transitoire.

Ensuite, on entrevoit dans cette proposition une intention de la part des dirigeants d’Ennahdha d’exploiter le nouveau statut de Mehdi Jomâa, l’initiateur de la conférence de l’investissement à 24 heures de l’ouverture de ces assises. L’évènement a été bien préparé et l’affluence des décideurs économiques mondiaux était grande, donc un appui même passager et improvisé ne coûte rien à Ennahdha et peut donner d’elle l’idée d’une formation politique soucieuse de la relance économique du pays. Ennahdha voulait dire à l’assistance et à l’opinion publique internationale qu’elle mise sur l’efficacité et le savoir-faire de Jomâa.

Mais lorsqu’on voit le comportement des islamistes envers le gouvernement Jomâa, on se rend compte que cette mouvance a tout mis en œuvre pour dresser les obstacles sur son chemin. La désignation de Mehdi Jomâa a été précédée par une campagne diligentée par Hizb Ettahrir , Jibhet Il Islah /salafiste ( deux formations politico-religieuses qui sont l’émanation de la mouvance islamiste dirigée par Ennahdha ) et activée par les chaînes Al Moutawasset, Al Zaitouna et autres médias audios, écrits et électroniques islamistes sur la corruption dans le secteur pétrolier, campagne relayée par les députés, surtout ceux qui appartiennent à la commission de l’énergie. Ce climat a littéralement bloqué toute l’activité pétrolière depuis la désignation du gouvernement Jomâa aux niveaux de l’exploration, de la prospection et de la production. Les premières décisions prises par Mehdi Jomâa pour reprendre le contrôle des postes-frontières dans le but de couper les ponts entre contrebande et terrorisme, ont été sabotées par les mouvements de protestation des habitants de Ben Guerdène appuyés par les représentants locaux d’Ennahdha et soutenus pour l’occasion par les déplacements très médiatisés à Médenine, du salafiste Al Khatib Il Idrissi et du dirigeant du Hizb Attahrir Ridha Bel Haj qui ne devaient pas, de l’avis de plusieurs observateurs , prendre de telles initiatives sans le feu vert du grand parti islamiste frère.

Enfin, la loi de finances complémentaire (LFC), la loi antiterroriste et les autres lois à caractère économique qui formaient le programme politique et économique de Mahdi Jomâa, ont été soit charcutées, soit bloquées, soit carrément rejetées. L’opinion publique assiste sidérée au comportement des députés et surtout ceux de la majorité islamiste et des autres qui leur sont proches concernant la loi antiterroriste dont Mehdi Jomâa a fait la pierre angulaire de son programme de rétablissement de la stabilité, en traînant les débats en longueur, en vidant le projet de loi de sa substance, ou en faisant la politique de la chaise vide lors des votes.

L’état d’esprit du gouvernement, qui a été frustré et déçu par le comportement d’Ennahdha a été exprimé mardi 9 septembre par le ministre de l’Economie et des finances, Hakim Ben Hamouda qui a mis en garde contre une crise financière qui se profile à l’horizon pouvant affecter les engagements de l’Etat, si l’Assemblée nationale constituante(ANC) n’adopte pas 5 projets de loi d’une extrême importance. Si cette initiative n’était pas prise, insiste le ministre, la situation se traduirait par une perte de 700 millions de dollars dont 500 millions $ auprès de la Banque mondiale et 200 millions $ auprès du FMI.

Le ministre a appelé le président de l’ANC, Mustapha Ben Jaafar à l’adoption en toute urgence de projets de loi portant sur le partenariat public-privé (PPP), sur la concurrence et sur des accords internationaux. Le ministre rappelle que le moratoire fixé par la BM et le FMI approche et prendra fin dans 3 semaines, faisant remarquer que certaines conditions sur lesquelles la Tunisie s’est engagée n’ont toujours pas été remplies pour que le pays soit éligible à de nouveaux prêts.

Et pour donner une idée sur l’urgence de ces projets de loi à caractère économique , le ministre va jusqu’à demander au président de l’ANC de surseoir à l’examen du projet de loi sur la lutte anti- terroriste, malgré son importance et d’auditionner le gouverneur de la BCT et le ministre lui-même pour faciliter et au plus vite, l’adoption de ces textes, afin de garantir l’obtention par la Tunisie de 700 millions $ qui seront consacrés au remboursement des dettes et procureront les liquidités requises à la trésorerie publique.

Le parti islamiste s’est employé (il n’était pas le seul, il est vrai) à affaiblir Mehdi Jomâa dès sa désignation et a tout mis en œuvre pour faire échouer son programme économique et politique. Mais lorsque l’un des principaux ministres de Mehdi Jomâa en arrive à lancer un si vibrant appel après qu’il a entrevu le risque imminent d’une incapacité de l’Etat tunisien à payer ses engagements du fait du comportement des élus et surtout ceux de la majorité islamiste, quel sens peut-on donner à la proposition de ce même parti islamiste au chef de gouvernement d’être le candidat consensuel aux présidentielles ?

Aboussaoud Hmidi

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