L’unique rescapée de tous les remaniements ministériels renoue avec ses habitudes de cachotière. Comme chaque année, la ministre des Finances Sihem Nemsia prépare toute seule le budget et la loi de finances qui règlera la vie de presque 12 millions de Tunisie, et dont les seuls témoins privilégiés sont le chef de tout l’Etat et le chef de son gouvernement.
– Et c’est parti pour le schéma de développement à la Saïed
On ne sait pas s’il agit en tant que président sortant, ou en tant que candidat à sa propre succession dans une place nettoyée au karcher, mais on lit dans le dernier communiqué de sa dernière audience avec Kamel Madouri, à propos du PLF (Projet de loi de finances) 2025 : le président de la République tunisienne « Kais Saïed a recommandé, l’importance à ce que le PLF 2025, soit basé, non seulement, sur la réalisation des équilibres financiers fondés sur les choix nationaux du pays, mais également sur la réalisation de la justice sociale ». Le prologue d’une nouvelle ère économique en Tunisie est ainsi édicté.
Une ère, où le schéma de développement sera celui d’un Robin des bois des temps modernes, d’incontinence verbale et d’assistanat populeuse, où on prend aux riches, pour donner au reste de ceux qui vivent aisément de l’économie parallèle et pas prêt à changer de mode de vie, à ceux qu’il espère pouvoir un jour remplacer les riches qu’il accuse de tous les maux.
– Des fonds budgétaires dans un budget en mal de flouze !
Devant Madouri, Saïed demande la révision d’un certain nombre de droits de douane sans préciser lesquels et pour quelle raison autre que celle de plus de ressources pour son projet. Peut-être pour financer ce « fonds spécial d’assurance pour la perte d’emploi et cet autre pour la protection sociale des ouvrières dans le secteur agricole ».
Saïed, on ne sait de quelle année, veut aussi « un projet de création des lignes de financement des personnes ayant des besoins spécifiques pour lancer des projets qui leur garantissent une intégration totale dans la société ».
Pour lui « la justice et l’équité exigent que chacun contribue, sous un régime fiscal transparent et équitable basé sur une fiscalité progressive, dont l’efficacité a été prouvée à travers de nombreuses expériences comparatives ».
Le fisc n’est pas un problème. Le MTF en récolte à tire-larigot et toujours plus qu’il n’en prévoyait dans la loi de finances précédente. En 2022, les recettes fiscales étaient de 16,6% plus que prévu. En 2023, elles dépassaient de 7,3 % ce qui était prévu. La LF 2024 prévoyait déjà une hausse de 11,6 %, et à fin juin 2024, les recettes fiscales récoltées étaient déjà en hausse de 10,3 % par rapport à celles prévues.
Anciennement spécialiste de la législation fiscale, la ministre ne se prive pas d’édicter de nouvelles taxes chaque fois que de besoin. Anticipant toujours les désidératas du chef, elle a plusieurs fois taxé les banques et les grandes entreprises privées, et les derniers 8 % sur les bénéfices des banques en témoignent.
– Le B.a-Ba de la fiscalité est que les taxes et impôts impactent le pouvoir d’achat !
Devant le chef du gouvernement, la ministre des Finances a présenté un ensemble de mesures financières et fiscales adoptées dans le projet de loi de finances pour l’année 2025, visant, selon le communiqué, à « renforcer le pouvoir d’achat des citoyens ». Sihem Nemsia ne s’était cependant pas posée la question de savoir comment plus de fiscalité pouvait renforcer le pouvoir d’achat des Tunisiens ? Eludant ce souci, comme elle l’avait déjà fait sous le gouvernement de Najla Bouden, elle n’a donc pas essayé d’expliquer l’effet dévastateur d’une révision des droits de douane, sur les prix en local et sur le pouvoir d’achat du citoyen, dont elle ne se soucie que sous l’angle du calendrier de paiement des impôts.
Idem pour l’impact de la demande présidentielle d’un impôt progressif pour tous ceux, personnes physiques et morales, qui ont un revenu. Plus le revenu monte, voudrait Kais Saïed, plus les impôts montent. C’est peut-être de l’équité fiscale. Mais plus les impôts grèvent les revenus, plus les prix augmentent pour compenser la perte en pouvoir d’achat, et plus les prix augmentent, comme par impact d’une hausse des droits de douane, plus l’inflation augmente.
– Plus de DD sur le photovoltaïque encourage à l’investissement ??
Et c’est peut-être Kamel Madouri qui s’en serait rappelé, en soulignant devant la ministre des Finances qui fait la sourde oreille aux véritables soucis de ceux pour qui elle concocte la LF 2025, « l’importance de la cohérence entre les mesures financières et fiscales incluses dans le projet de loi de finances pour l’année 2025 et la vision et les orientations de l’État, qui reposent essentiellement sur la garantie de l’équité fiscale, l’amélioration du pouvoir d’achat et l’incitation à l’investissement, tout en continuant à soutenir les fondements de l’État social ».
Or, n’est-ce pas que la très probable augmentation des droits de douane sur les plaques du photovoltaïque, de 10 à 30 %, est incompatible avec l’incitation à l’investissement dans le programme national de transition énergétique ?
– Saïed l’anti sous-traitance savait-il qu’il y a une entreprise publique spécialisée ?
Peut-être aussi que Kamel Madouri, ancien PDG de la CNAM bénéficiaire en Milliards DT, et DG de la CNRPS, aurait-il pu expliquer à son chef que les caisses de retraite sont un business model structurellement déficitaire, comme pourrait être le « fonds pour la protection sociale des travailleuses agricoles et le dossier de la sous-traitance », demandé par Kais Saïed. Lui dire aussi que l’Etat tunisien dispose lui-même d’une entreprise appelée « Itisalia », spécialisée dans la sous-traitance, et qu’il faudra donc, d’abord, balayer devant sa propre porte.
Le PLF 2025, qui devrait être déposé dans moins de 15 jours à l’ARP, est théoriquement la traduction en mesures concrètes d’un budget. Comme le PLF, le budget de 2025 est une inconnue, sans aucune ligne directrice connue par le peuple qui va en faire la « victime », et pour dire à ce peuple, qui ne veut pas d’un tel procédé de préparation du budget et du PLF associé, à quelle sauce il va être mangé. Et sans un véritable schéma de développement, développé par des ministres, qui comme des prédécesseurs ministres, dès qu’ils en parlent sont renvoyés, tant le budget 2025 restera un document sans couleur, ni odeur ni saveur.
Son PLF, que seule la ministre des Finances connaît et n’en dit aucun détail même devant son chef Kamel Madouri, semble être, à notre humble avis de simples citoyens néophytes en fiscalités et en développement économique, juste un ramassis de mesures qui n’ont d’autre but que de ramasser plus d’argent, et certainement pas fait pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens tunisiens.