AccueilLa UNETrois hommes en bisbille sur le crédit

Trois hommes en bisbille sur le crédit

La dernière interview du super-ministre de l’économie Ali Kooli chez la radio privée Express, n’aura finalement été qu’un avant-goût de la conférence de presse du chef du gouvernement Hichem Mechichi. Petite nuance cependant, Ali Kooli a été un peu plus direct dans ses « attaques » contre la BCT qui refuse de financer toute la dette des budgets 2020 et 2021.

Comme pour dépersonnaliser son attaque, Ali Kooli commence sur un ton diplomatiquement correct. « Nous coopérons, quotidiennement, avec toutes les structures de l’Etat. D’abord en tant qu’équipe gouvernementale, avec le Parlement, avec la présidence de la République, et quatrièmement (dit-il sur une différence de ton et avec un petit air interrogatif des sourcils) avec la BCT. J’entends dire dans la presse, des gens qui prétendent connaître nos lois et comprendre notre constitution, des choses irrationnelles ». Ainsi avait d’abord dit le ministre des Finances, de l’investissement et de la coopération internationale  à l’égard du Gouverneur de la BCT Marouane El Abassi, dont l’intervention devant la commission des finances de l’ARP [Pdf], et avant cela le communiqué du CA de la BCT, ont manifestement été mal perçus par un ministre aux abois pour le financement de son budget .

  • Depuis quand la BCT a-t-elle quelque chose à dire ?

Et le super-ministre de l’Economie de dire clairement le pourquoi de cette interview. « Depuis quand le gouvernement doit-il demander la permission de la BCT pour présenter son budget (…). Il y a plutôt une concertation quotidienne et continue. Mais ce que j’ai lu dans les journaux ne parlait pas de concertation », a dit Ali Kooli. Répondait-il à la presse, ou au gouverneur de la BCT ? La réponse est vite donnée lorsque le super-ministre ajoute, sur un petit ton de reproche, que « il ne se passe pas un jour sans que je parle avec le Gouverneur, mais toute personne raisonnable devrait dire des choses raisonnables (…). Le dernier mot [Ndlr : Pour le projet de budget], reste celui du gouvernement et du Parlement. Et c’est cela la logique et la raison ».

Tancé par Wassim Belarbi sur le différend concernant le montant du budget à financer par le recours excessif au crédit par la BCT, Ali Kooli dit ce qu’il ne penserait manifestement pas. « Ce n’est pas une affaire personnelle [Ndlr : On comprendrait presque le contraire], et le sujet n’est pas la relation avec la BCT. Nous sommes face à  une situation difficile des finances publiques. L’ancien ministre avait, à plusieurs reprises répété avoir un déficit de 8 Milliards DT. Figurez-vous [Ndlr : Au mot : يا سيدي يا بنسيدك] que nous avons trouvé comment le financer ».

Et d’expliquer, en quelque sorte ce besoin de financement du déficit des 8 Milliards DT par les impératifs de financer « le pain quotidien des Tunisiens, l’électricité, le Covid-19, les médicaments, ou que le fonctionnaire puisse douter qu’il ne recevrait pas son salaire ». Or, selon les informations connues de  tout le monde, les dettes à éponger sont celles des entreprises, publiques en état de quasi faillite, et privées en grosses difficultés de recouvrement de leurs dettes auprès de l’Etat. Pour le reste, les salaires, comme les fonds de compensation et autres achats vitaux, ont toujours été budgétisés.

  • La BCT a dérangé le gouvernement qui n’a pas aimé ça !

Et manifestement dérangé par la mini-campagne menée par la BCT sur le thème de la crainte du financement d’un budget à crédit, et en guise d’argument textbook, Kooli s‘offusque que « le déficit, ce n’est pas moi qui l’ai apporté dans mon couffin, et lorsque j’entends des gens, qui étaient au pouvoir ou près du pouvoir, s’étonner [Ndlr : De ce déficit], je leur dis où est-ce que vous étiez … Où est-ce que vous étiez ? Avez-vous oublié comment on avait commencé l’année ? Avez-vous oublié la pandémie, que le pays s’était arrêté ? », dit encore Kooli à l’adresse directe du gouverneur de la BCT qui était depuis 2018 avec les gouvernement Chahed et Fakhfakh. Et de lui dire encore que « le ministre des Finances d’antan ne vous avait-il pas dit le montant de ce déficit ? Pourquoi n’avaient-ils pas alors parlé ? Aujourd’hui, tout le monde doit assumer, laissez-moi dire, ses responsabilités et bien peser leurs paroles, parler de manière rationnelle ». Le super-ministre était manifestement venu se défendre et régler des comptes.

Et Ali Kooli de s’adresser, quoiqu’indirectement à Marouane El Abassi, en rappelant au journaliste que « vous venez de dire que telle partie ne peut pas financer au-delà de tel montant [Ndlr : Il ne citera, ni la BCT, ni le montant demandé]. Et un peu plus irrité ensuite, « mais qui lui a demandé un jour, un financement plus que ça ? ». Il ne précisera pas le « ça » du montant demandé, mais il s’agirait des 3,5 Milliards DT, comme le confirmera par la suite le chef du gouvernement.

On comprendrait, dès lors, que le super-ministre de l’Economie profitera du retrait du projet de budget complémentaire pour 2020 pour y apporter des aménagements. Et on comprendrait presque qu’il pourrait se limiter au montant de 3,5 Milliards DT pour boucler le budget 2020, et peut-être faire un report pour le reste des 14,3 Milliards DT pour le budget de 2021.

  • Mechichi & Kooli reculent pour mieux sauter 2021

Plusieurs heures plus tard, le chef du gouvernement tunisien dira tout cela. Il en voudra surtout à la BCT d’avoir transposé la polémique du financement du budget à crédit sur la place publique, « et j’aurais aimé qu’on trouve des solutions entre nous et qu’on ne recoure pas aux communiqués » a dit en substance Mechichi, en référence au dernier communiqué de la réunion du conseil d’administration de la BCT.

Force est enfin de constater qu’une sorte de raison a finalement prévalu chez le gouvernement Mechichi, qui retire la 1ère mouture du budget complémentaire pour 2020, pour y apporter les petits changements qui lui feraient passer à gué la loi de finance complémentaire, et lui donnerait le temps pour mieux configurer le budget 2021. Comme le conseillaient un certain nombre d’experts et de professionnels depuis le début de la polémique, le chef du gouvernement a fait allusion, dans sa conférence de presse de ce mardi 3 novembre 2020, à des réformes qu’il engagerait, pour donner un signal positif aux bailleurs de fonds, tous les bailleurs de fonds y compris la BCT et le FMI, pour mobiliser les fonds qui seront nécessaires au budget de 2021 qui ne pourra pas encore éviter l’endettement.

- Publicité-

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Réseaux Sociaux

108,654FansJ'aime
480,852SuiveursSuivre
5,135SuiveursSuivre
624AbonnésS'abonner
- Publicité -