Cela fait bientôt depuis plus de trois décennies que le taux de chômage en Tunisie va crescendo pour graviter actuellement autour de 16%, et conclure l’année 2024 sur 16,4%, selon une prévision du Fonds monétaire international après avoir oscillé au-dessus de 12% depuis les années 1990, rappelle , pour sa part, une étude de l’OCDE. Derrière cette spirale, un éventail de facteurs structurels, qui compliquent l’ajustement de la demande et de l’offre de main-d’œuvre et empêchent le marché du travail de se résorber.
Il y a en tout premier lieu les obstacles élevés à l’entrée et à la croissance des entreprises ainsi que les obstacles au commerce international entraînent un faible dynamisme des entreprises et découragent la création d’emplois plus nombreux et de meilleure qualité. L’absence de création d’emplois suffisante, associée à une forte augmentation de la population en âge de travailler, a entraîné des taux de chômage particulièrement élevés chez les jeunes. De plus, l’amélioration de l’accès à l’éducation a accru l’offre de main-d’œuvre hautement qualifiée, mais le secteur des entreprises a principalement créé des emplois dans des activités à faible intensité de compétences et à faible productivité. Cela a entraîné des taux de chômage élevés chez les diplômés de l’enseignement supérieur et en particulier chez les femmes qui représentent les deux tiers des diplômés de l’enseignement supérieur.
Cependant, les jeunes hommes et femmes peu qualifiés souffrent également d’une faible création d’emplois. Le manque de possibilités d’emploi formel oblige de nombreux jeunes hommes sans diplôme d’études supérieures à accepter un travail mal rémunéré dans le secteur informel. L’emploi informel représente 47% de l’emploi total en 2021 et est concentré dans l’agriculture, la construction, le commerce de détail, les transports et les services d’accueil.
Pour favoriser le dynamisme et l’innovation des entreprises et créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, il est essentiel, préconise l’OCDE, de réduire les obstacles réglementaires à l’entrée sur le marché et à l’entrepreneuriat, d’accroître l’intégration internationale des entreprises nationales et d’ajuster les taxes sur le travail. La réduction des autorisations préalables d’entrée sur le marché et d’investissement, la réduction de la charge administrative et la simplification du système fiscal offriraient de nouvelles opportunités aux petites entreprises jeunes et innovantes, favoriseraient la création d’emplois formels et stimuleraient la croissance de la productivité. Cela devrait être complété par une réduction des barrières tarifaires et non tarifaires, car des barrières à l’importation élevées réduisent l’accès aux intrants et aux biens d’équipement de haute qualité pour les entreprises locales, qui desservent principalement le marché intérieur, et entravent l’adoption de nouvelles technologies. De plus, réduire le taux d’imposition sur le revenu pour la tranche de revenu la plus faible et permettre une plus grande flexibilité dans la fixation des salaires pour les petites entreprises augmenterait la formalisation.
Faible réactivité aux besoins
Vient ensuite le fait que malgré des taux de chômage élevés, de nombreuses entreprises déclarent ne pas trouver de travailleurs possédant les compétences dont elles ont besoin. Cela est dû à la faible qualité des systèmes d’éducation et de formation et à leur faible réactivité aux besoins en compétences du secteur privé. Outre les compétences techniques et spécifiques à l’emploi, de nombreux candidats manquent de compétences générales fondamentales, telles que la communication orale et écrite, les langues étrangères, le travail d’équipe, la résolution de problèmes et la résolution de conflits. Pour résoudre ce problème, la qualité de l’éducation et de la formation professionnelle doit s’améliorer.
Troisièmement, la concentration régionale des activités économiques combinée à une faible mobilité interrégionale de la main-d’œuvre réduit l’offre potentielle de main-d’œuvre pour les entreprises, contribuant davantage aux difficultés de recrutement. Les taux de chômage sont constamment plus élevés dans l’intérieur que dans les gouvernorats côtiers, ce qui indique une mobilité interne relativement faible de la main-d’œuvre.
Pour accroître la mobilité de la main-d’œuvre et permettre une meilleure adéquation avec le marché du travail, il est essentiel d’améliorer les services publics de l’emploi en allouant davantage de ressources aux services de conseil personnel, à la formation des conseillers, en combinant le conseil avec un soutien à la formation ciblé et en permettant une concurrence accrue des prestataires privés. Les politiques actives du marché du travail devraient être mieux ciblées sur les personnes qui en ont le plus besoin et une évaluation régulière de l’impact des programmes devrait être introduite. Pour réduire les incitations pour les diplômés de l’enseignement supérieur à rester au chômage en attendant des emplois bien rémunérés dans le secteur public, les grilles salariales dans le secteur public et les entreprises publiques devraient être repensées pour réduire l’écart avec le secteur privé et les processus de recrutement publics devraient être ouverts à tous les candidats, y compris les travailleurs expérimentés du secteur privé, insiste l’OCDE.
Tant que le système Pay Pal ne fonctionne pas en Tunisie il n’y aura pas grand chose à améliorer dans le secteur de l’emploi.