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Tunisie : Abbou répond à la place de Ben Hamidane. La réponse du berger à la bergère !

«Quelques commentaires sur l’article de M. Khaled Boumiza intitulé : « Le ministre qui gonfle certains chiffres et en cache d’autres et son bras droit qui édicte une nouvelle liste de 33 confiscables » paru dans Africanmanager du 30-09-2012 ». C’est ainsi que commence ce commentaire, qui nous a été envoyé par mail, par Mohamed Abbou, alors que Salim Ben Hamidane refusait de répondre aux questions de nos journalistes, demandant comme préalable que notre journal change de ligne éditoriale… !

«L’auteur soulève quelques questions – c’est son droit – au sujet du décret-loi n° 13 du 14 mars sur la Confiscation des biens de personnes ou d’entités morales qui ont commis des actes de spoliation de biens d’autrui, y compris des biens de l’Etat biens qui auraient dû revenir à la communauté nationale. La confiscation relève du droit tunisien, mais la Révolution a nécessité des dispositions particulières pour la préservation et la récupération des biens en question, sans nullement déroger à l’esprit et à la lettre de la loi, nationale ou internationale, en matière de justice et d’équité et notamment la garantie de la propriété privée.

L’auteur reproche au ministre des Domaines de l’Etat de « gonfler » les chiffres de l’estimation des biens confisqués, tout en regrettant l’absence d’un audit au sujet de cette estimation. Mais un tel audit pourrait tout aussi bien donner un chiffre supérieur à l’estimation « gonflée » avancée par le ministre ! Cette éventualité semble échapper à notre auteur. Evidemment, on ne peut faire ici qu’une estimation, et l’auteur n’a pas avancé de son côté de raison valable pour la contester.

Quant aux dettes héritées par les sociétés confisquées, l’on sait qu’une bonne partie d’elles ne pouvait être honorée sous l’ancienne maffia de Ben Ali. Heureusement que la Révolution est passée par là, pour rendre leurs biens à ceux qui ont été rackettés. On ne peut que s’en réjouir, et cela n’amoindrit pas l’importance des biens confisqués, bien au contraire : qu’on songe aux caisses de sécurité sociale ou de retraite qui vont recevoir une bonne partie des avoirs confisqués et ce au bénéfice de millions de citoyens qui en ont tellement besoin en ces temps de crise.

Ces chiffres risquent-ils de « donner de beaux rêves » au peuple et le démobiliser, comme le prétend l’auteur ? Si l’on suit cette logique, il faudrait revenir sur le principe même de la confiscation et sur le droit du peuple aux biens dont il a été spolié. Quant à la mentalité de la paresse, elle n’a rien à voir avec notre sujet, elle devrait faire appel à des causes sociopolitiques héritées de décennies de corruption et d’injustice sociale, dont l’auteur, on le regrette, ne parle pas.

La dernière question soulevée par l’article d’Africanmanager concerne l’annonce par le président de la Commission de Confiscation d’une liste supplémentaire de trente trois nouvelles personnes ayant trempé dans les malversations et les trafics d’influence de l’ancien régime. L’auteur accuse la Commission d’en avoir disposé « sans aucune décision législative prise par l’Assemblée constituante… et sans décision de justice et par simple volonté d’étendre la décision de confiscation ». Il est vrai, et effectivement, en l’absence de décision de la Constituante, le seul texte disponible pour combler ce vide est celui du décret-loi n° 13 du 14 mars 2011 sur la Confiscation, qui édicte au deuxième volet de l’Article 1er la possibilité d’étendre la loi à toute personne « dont il est prouvé l’obtention de biens meubles ou immeubles ou droits par l’effet de ses relations avec les dites personnes » liées aux 114 personnes désignées en annexe du Décret-loi. Mais il faut ajouter ici que cette loi n’a pas précisé les procédures de leur sélection. Pour ce faire la Commission a établi des critères de confiscation que M. Néjib Hnane, Président de la Commission de la Confiscation a énumérés comme suit : « Premier critère, il faut que ces tierces personnes doivent avoir un rapport avec les 114 personnes, entre autre familiaux. Deuxième critère, ces personnes doivent avoir tiré un profit personnel de leurs rapports avec ces 114 personnes. Dans le troisième critère on a précisé quel genre de profit : violation caractérisée de la loi ou utilisation de la loi à des fins personnelles. Le quatrième critère, qui vise à protéger notre décision de toute irrégularité et de toute iniquité et de toute violation de la loi, consiste en la relation de causalité qui doit être absolument établie entre ces personnes tierces, la liste des 114 et la corruption. »

Que les lecteurs d’Africanmanager se rassurent, la gestion de ce dossier des confiscations est loin de se faire sur un coup de tête, comme le suggère l’auteur de l’article : « parce que Néjib Hnane et Salim Ben Hamidane l’ont voulu » ! Ce serait plutôt faire insulte à l’intelligence du Tunisien, qui sait aujourd’hui discerner le bon grain de l’ivraie, et l’on connaît l’intention de ceux qui mettent en doute la probité et la conscience de ceux qui luttent contre la corruption et qui œuvrent pour la récupération des biens du peuple au profit du peuple, tout en veillant à ce qu’aucune injustice ne soit réparée par une autre, malgré la difficulté et la complexité de la tâche».

Mohamed Abbou.

NDLR : Il faut d’abord préciser que Mohamed Abbou, ancien ministre CPRiste chargé de la Réforme administrative et avocat, répond ici manifestement en lieu et place de Salim Ben Hamidane, autre CPRiste, qui est réellement en charge du dossier des confiscations.

A l’avocat, défenseur de la loi et de la justice qu’était Mohamed Abbou, on rappelle que la confiscation, dans tous les Droits de tous les pays, est une punition supplémentaire qui intervient après une décision de justice qui démontre le bien fondé de l’accusation. Cela, le gouvernement tunisien l’avait déjà entendu de la bouche des responsables suisses et d’autres auprès de qui il était allé revendiquer l’argent des familles de Ben Ali. Ces procès se font toujours attendre et pour ceux qui sont restés en Tunisie de la famille de l’ancien président, l’Etat confiscateur a presque toujours perdu ses procès. Du point de vue du droit simple, et en dehors de la logique révolutionnaire que vous défendiez à la Radio nationale, la confiscation reste une action illégale. On rappellera à l’avocat et au juge qu’on ne peut, de manière juste, juger, par exemple, quelqu’un dont les fonds sont bloqués, pour chèques impayés, fut-il un grand criminel. Cela a pourtant été fait. C’est aussi cela la justice que devrait défendre l’avocat qui se plaignait de l’injustice de Ben Ali, une justice qui rendrait le Tunisien fier de sa Révolution, même dans 50 ans !

Quant à l’estimation gonflée des biens confisqués, elle le restera toujours en l’absence d’un audit objectif et professionnel. A cela s’ajoute le fait que nombre d’entreprises confisquées ont nettement perdu de leur valeur, car ne travaillant presque plus. Les exemples sont légion et le ministre Slim Besbes en sait quelque chose. Les voitures ne sont plus entretenues, certaines sont passées de mode. Le meilleur exemple est le prix de vente de l’avion A340 qui sera seulement vendu à son prix d’achat en Dinars tunisiens. La seule valeur stable sera celle des dépôts des membres des familles de Ben Ali dans certaines banques, et ils ne sont pas énormes. Les banques en ont la preuve. Les projets agricoles récupérés ont été mis à genoux par manque de financement. Cela en dehors du fait que les terres agricoles récupérées ne peuvent être comptabilisées dans cet inventaire, car appartenant déjà à l’Etat.

On appellera aussi à l’ancien ministre qu’était Mohamed Abbou que presqu’aucun des créanciers des anciennes familles n’a jusqu’à présent reçu son argent. La loi sur la confiscation demande, en effet, aux créanciers de se déclarer, aux fournisseurs de services et d’équipement, d’en faire autant. Elle ne précise pas les procédures et les délais de remboursement des fournisseurs. Quant aux caisses de sécurité sociales ou le fisc, ils n’ont pas besoin du ministre Ben Hamidane ou de Néjib Hnane pour se faire rembourser. Des actions de redressement ont été déjà faites ou sont en cours dans toutes les entreprises des familles de Ben Ali et cela rembourse déjà fisc et CNSS.

Il faut aussi rappeler que ce sont les politiciens du gouvernement qui n’arrêtent pas de gaver, à tort, la population des espoirs de récupérer l’argent spolié, sans lui indiquer que cet argent sera loin d’être distribué entre les pauvres et les affamés, mais simplement budgétisé pour d’autres projets.

Il faut ici rappeler à l’avocat qu’était Mohamed Abbou qu’il n’appartient pas au président de la commission de confiscation de décider de lui-même de cette relation de causalité. Comme il n’appartient pas à la commission, somme toute partie prenante, car représentant l’Etat confiscateur face aux personnes confisquées, de décider de l’interprétation à donner au texte de la loi. Il doit, pour cela, revenir au législateur et donc à la Constituante. Sinon, à quoi servirait la Constituante ? Sinon, à quoi servirait la séparation des pouvoirs ?

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