Le Conseil d’Administration de la Banque Centrale de Tunisie vient de faire siffler le train de l’économie tunisienne trois fois. Pour l’information, le CA de la BCT comporte, en plus du gouverneur et de la vice-gouverneur, huit autres conseillers, chacun représentant un ministère (Finances et développement économique) ou une institution publique (le CMF), sans oublier les deux universitaires indépendants et deux autres personnes ayant précédemment exercé des fonctions dans une banque et justifiant d’une expérience d’au moins 10 ans dans le domaine bancaire et financier. Notons aussi que les communiqués du CA sont, pour le côté chiffres, le fait de la BCT. L’analyse est par contre faite par les membres du CA, et le gouverneur n’a pas un droit de regard sur la version finale. C’est dire que ces communiqués expriment l’avis de toute la sphère économique, privée et publique.
- Les ratios inquiétants
Passant mercredi dernier en revue les développements récents de la conjoncture sur les plans économique, monétaire et financier, notamment les données relatives à l’activité économique, le CA de la BCT rappelle d’abord que le PIB a affiché au cours du deuxième trimestre 2021 une hausse de 16,2% par rapport à la même période de l’année écoulée et une baisse de 2% comparativement au trimestre précèdent, en raison surtout de l’effet de base induit par la contraction de l’activité économique durant la même période de l’année précédente.
En ce qui concerne l’évolution des prix, le CA a noté la stabilisation du taux d’inflation en septembre 2021 aux environs de 6,2%, en glissement annuel, pour le deuxième mois consécutif, contre 5,4% au cours du même mois de l’année précédente. Les principaux indicateurs de l’inflation sous-jacente se sont, également, inscrits en légère hausse pour atteindre +6% contre +5,9% le mois précédent pour « l’inflation hors produits alimentaires et énergie » et +5,4% contre +5,3% pour « l’inflation hors produits encadrés et frais ».
Il enchaîne ensuite avec le déficit commercial (FOB-CAF) qui s’est élargi de 13,7%, en relation avec l’évolution des importations. Quant aux flux nets des capitaux extérieurs, ils ont enregistré une forte baisse due à la régression du volume des ressources extérieures mobilisées, s’ajoutant à la hausse des dépenses au titre du remboursement du principal de la dette. Et en lien direct avec ces évolutions, les avoirs nets en devises sont revenus à 20, 962 Milliards DT, ou 127 jours d’importation à fin septembre 2021, contre 23 Milliards DT et 162 jours d’importation, au terme de l’année 2020.
- Tarissement des sources extérieurs, et des banques fragiles malgré les bénéfices
Dans ce contexte, le Conseil a exprimé sa « préoccupation concernant le tarissement aigu des ressources financières extérieures, face aux besoins importants pour boucler le Budget de l’Etat pour l’année 2021. Craintes aussi des bailleurs de fonds internationaux, au vu de la détérioration de la notation souveraine de la Tunisie », où les experts locaux s’attendent à une nouvelle baisse vers une note de « C ». Et la BCT, par la voix de tous les membres de son CA, d’évoquer aussi une « absence d’un nouveau programme avec le FMI (Ndlr : Le gouverneur El Abassi pense au contraire que cela ne saurait tarder[ar]), ce qui nécessitera l’intensification de la coopération financière bilatérale d’ici la fin de l’année afin de mobiliser autant de ressources extérieures que possible et d’éviter le financement monétaire auquel la BCT pourrait être contrainte au grand dam de toutes les institutions financières internationales. Les répercussions pourraient ainsi toucher l’inflation, les réserves en devises pour l’importation, sur le taux de change du dinar », où l’euro à 3 DT deviendra un « bon » souvenir.
Une analyse fort alarmante, dès le lendemain, suivie par Fitch dans un encadré sur les résultats semestriels des banques tunisiennes, qui mettait en exergue une « rentabilité améliorée, mais les risques liés à la qualité des actifs demeurent ». Et l’agence de notation d’expliquer que « cela reflétait les risques accrus de liquidité budgétaire et extérieure exacerbés par les risques politiques et les retards dans l’adoption d’un nouveau programme du FMI ».
- Profondes préoccupations face à la dégradation des finances publiques
Le Conseil d’administration de la BCT a aussi souligné hier mercredi 6 octobre 2021, « la dégradation des finances publiques, pâtissant de leur situation vulnérable, ainsi que la hausse des cours internationaux du pétrole. Deux éléments de nature à compromettre la soutenabilité de la dette publique, outre les effets négatifs de l’accroissement de l’endettement du secteur public auprès du système bancaire sur sa capacité à financer les opérateurs économiques. Et d’ajouter que la persistance de cette situation engendrera des répercussions fortement négatives sur les équilibres extérieurs et sur le marché des changes ».
En deux mots, le Conseil a réitéré ses profondes préoccupations face à la situation financière actuelle critique, appelant sans le dire, le chef de l’Etat dont le sommeil économique se prolonge jusqu’à essouffler les plus optimistes, si ce n’est cette dernière audience avec Marouane El Abassi, à « accélérer la transmission des signaux clairs aux investisseurs locaux et étrangers quant au rétablissement du rythme de l’activité économique et des équilibres globaux et financiers, la consolidation de la gouvernance du secteur public, l’amélioration du climat des affaires et l’intensification des efforts d’investissement ».
*Résumé du dernier communiqué du CA de la BCT