AccueilLa UNETunisie : Islamisme contre populisme, sur fond d’anarchisme

Tunisie : Islamisme contre populisme, sur fond d’anarchisme

Evoquant la guerre froide entre le chef des Islamistes tunisien Rached Ghannouchi et (N’ayons pas peur de le dire) l’anarchiste local qu’est en train de devenir le chef de l’Etat tunisien Kais Saïed, le député Mabrouk Korchid disait que « le conflit s’éternise, et on doit dire qu’il ne s’agit pas d’un conflit de personnes, mais de structures et de responsabilités à l’intérieur de l’Etat. Les différences se sont exacerbées entre les visions du chef de l’Etat et du chef du gouvernement », pour souligner  l’urgence d’une réforme du système politique en vigueur, avec un Exécutif divisé et qui n’a pas de pouvoir d’exécution.

–          Un Islamisme rampant, qui ne désespère toujours pas

L’ancien député de Tahya Tounes dans le « Bloc National » que dirige Ridha Charfeddine, oubliait cependant de préciser que le gouvernement n’était que l’arène publique de ce conflit. Le véritable conflit demeure, en effet, entre deux visions différentes, de gouvernance et de modèle sociétal, entre la présidence de la République et la présidence du Parlement.

Rached Ghannouchi et son parti ont, depuis 2016, fait le choix de ne plus participer directement au pouvoir. Mais n’ont toujours pas décidé de le quitter. En novembre 2019, les Islamistes ont pris le Perchoir, et s’emparent ainsi du  premier  des trois pouvoirs de l’Etat. Le pouvoir qui fait les lois, qui décide lesquelles peuvent passer et lesquelles doivent tomber, ou rester en stand-by, en profitant des brèches laissées béantes dans la Constitution par Ennahdha et sa Troïka de l’après 2010. Des brèches dans lesquelles le parti islamiste s’engouffrera,  confortant le pouvoir de l’ARP. Et depuis, rien ne se fait, ni en politique, ni en économie, ni en éducation ou encore  en culture sans que les Islamistes tunisiens ne soient d’accord.

Comme dans une entreprise commerciale, où les actionnaires sont nombreux et aux intérêts différents, le parti Ennahdha avait pris ce qu’on appelle la « minorité de blocage », celle par laquelle il peut arrêter toute décision du conseil d’administration. Des projets de lois sont ainsi enterrés, et d’autres institutions sont mises en attente, dont notamment la Cour constitutionnelle. En attendant, le Cheikh des frères monte au créneau et rappelle le chef de l’Etat à l’ordre [ar]

–          Un populisme poussé à la limite du complotisme, et anarchisme rampant

Pour faire face à Rached Ghannouchi, et non forcément à l’Islamisme politique rampant en Tunisie, Kais Saïed qui n’avait qu’une idée et pas de programme, s’était retrouvé à faire du populisme. Seul, sans soutien politique, le chef de l’Etat use, et souvent abuse, du complotisme, avec force sorties médiatiques non organisées et sans autre thème que la dénonciation floutée de ceux qui comploteraient contre l’Etat. Et à chaque fois, il assure détenir toutes les preuves et menace de représailles qui ne viendront point.

Le conspirationnisme  du chef de l’Etat tunisien le pousse parfois à l’erreur, comme lors de cette annonce d’une tentative d’empoisonnement du chef de l’Etat, dont les tenants et les aboutissants restent jusqu’ici du domaine de l’inconnu et même de celui du secret d’Etat.

Et toujours dans cette optique qui est seulement sienne, le chef de l’Etat tente de mettre en place un chef de gouvernement sous sa coupe. Et lorsqu’il n’y réussit pas, comme avec Fakhfakh et Mechichi, il fait tout pour les faire tomber ou les pousse à la démission. Et c’est certainement dans cette optique de devenir le seul Exécutif pour mettre en exécution son « idée » de nouveau projet économique et sociétal qu’il bloque depuis six jours le remaniement du gouvernement Mechichi, en refusant de convoquer les nouveaux ministres pour la cérémonie de prestation de serment.

Or, Ennahdha et Kais Saïed proposent aux Tunisiens un nouvel ordre sociétal et un nouveau système politique, les uns aussi inquiétants pour eux, l’un que l’autre, et tout aussi refusés l’un que l’autre. Ce qui expliquerait le recours de Saïed au populisme, un discours qui enjolive les aspérités et les courbes aigues, mal négociées par un très mauvais communicant (Il en a administré la preuve avec l’affaire de la tentative d’empoisonnement). Entre les deux, il y a d’abord un chef de gouvernement, Hichem Mechichi, qui essaie de rester debout, quitte à élargir sa ceinture politique à des partis anarchistes.

Selon la définition de Wikipédia, l’anarchisme c’est « une société où chaque personne, groupe, communauté ou milieu est autonome dans ses relations internes et externes. Il existe toujours une organisation, un ordre, un pouvoir politique ou même plusieurs, mais pas de domination unique ayant un caractère coercitif ». En politique et sur le site « Perspective du Monde », c’est un courant « qui propose de construire un système social en supprimant l’État et tout pouvoir disposant d’un droit de contrainte sur l’individu (…) L’anarchisme s’oppose également au capitalisme et au libéralisme considérés comme de l’exploitation et de la domination. L’anarchisme préconise un « ordre naturel » sans pouvoir ». Et c’est manifestement ce qu’essaient de faire d’autres partis politiques de l’opposition, qui ne désespèrent eux aussi de refaçonner une Tunisie qui résiste dans son modèle sociétal.

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