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Tunisie : Un 23 octobre qui n’a nulle raison d’être célébré

Les partis de la troïka, et d’abord Ennahdha ont beau mettre les petits plats dans les grands pour élever, ce 23 octobre 2012, au rang d’un événement anniversaire auquel s’attacherait une symbolique qu’ils veulent nationale, voire populaire. Peine perdue, la « fête » n’était pas dans la rue, et rares étaient les Tunisiens qui ont pavoisé, hormis quelques quarterons de sympathisants d’Ennahdha et, bien sûr, les officiels de la troïka, députés et ministres confondus. Autant dire que la célébration, pour autant que l’on puisse parler de célébration, n’est pas allée au-delà de l’enceinte du palais du Bardo.

Etait-ce bien la peine de vouloir conférer à une commémoration qui n’en a ni le ressort, ni l’impact populaire, encore moins la pertinence, la dimension d’une réjouissance qui n’emporte l’adhésion que du petit nombre ? Le fiasco est on ne peut plus patent. A une enseigne telle que le bilan d’une année pleine et entière de pouvoir n’autorise guère ceux qui l’ont exercé au niveau des trois autorités de l’Etat d’en tirer un crédit, si dérisoire soit-il. Et pour cause, leurs « performances » sont à ce point indigentes que l’on n’en trouve guère trace dans le vécu du citoyen, croulant plus que de raison sous le faix d’une succession de problèmes notoirement aggravés par une révolution dans laquelle il a placé tous ses espoirs , observant en spectateur, en proie à la désespérance, des joutes oratoires aussi insipides que violentes et parfois indécentes, et, enfin, comme le dit si bien le proverbe persan, s’il ne parle pas , il se morfond.

Pourtant, bien des choses auraient pu être faites, durant cet exercice, par une équipe au pouvoir, sortie directement des urnes, à la faveur d’élections généralement libres et démocratiques, et surtout d’un élan, populaire sans précédent dans l’Histoire de la Tunisie nouvelle, alors que tout un chacun semblait emporté par l’enthousiasme de servir son pays, pour en engranger ultérieurement le bénéfice, à plus en moins brève échéance, du moins en repérant un espoir même ténu de voir les choses enfin bouger dans le bon sens et sur la trajectoire qui mène au but. Au lieu de cela, le citoyen a eu droit à un surcroît de frustrations, d’occasions manquées et partant de troubles endémiques.

A qui la faute ? Serait-on tenté de s’interroger. D’abord, à une forme de pouvoir qui est à mille lieues des promesses et des programmes politiques criés sur tous les toits. Et il n’est nullement injuste d’en attribuer la première responsabilité au mouvement islamiste, plus enclin à diffuser ses dogmes et idées au rebours de la volonté du grand nombre qu’à s’atteler aux tâches qui sont les siennes et pour l’exécution desquelles il a été élu et choisi. Ses professions de foi relayées par des militants et sympathisants zélés, n’ont, à y bien regarder, moins servi à lui valoir l’adhésion du peuple qu’à lui attirer de vives inimitiés, voire les foudres de larges pans de la population. En voulant officier en « mâle dominant » au sein d’une troïka régulièrement déchirée par des tiraillements inutiles et la course vers les fauteuils, Ennahdha a vite fait de donner une piètre image de son mode de penser et de gouverner, alors que les Tunisiens, dans leur grande majorité, sont acquis à une vie politique sereine, bien pensée et diligentée, et surtout sans exclusive où tout le monde vit sinon à l’enseigne d’une cohésion voulue et acceptée, du moins en bonne intelligence. Et voilà qu’un courant politico –religieux s’invite sur l’échiquier politique et social. C’est celui des salafistes qui en font à leur tête, et surtout dans l’impunité quasi-totale, s’échinant à vouloir changer le mode de vie des gens et à leur imposer des idées, pratiques, croyances et comportements dont ils ne peuvent guère s’accommoder. Pis encore, la violence , sous divers noms, a fait le reste, avec les conséquences désastreuses que l’on sait, et dont les prolongements qui le sont tout autant, entacheront le futur des Tunisiens et de la Tunisie sur bien des plans, politique, social, diplomatique…

Il y a ensuite ce gouvernement dit de coalition qui se présente comme le meilleur que la Tunisie ait eu depuis l’Indépendance, mais qui, à l’exercice, ne fait que collectionner les contre-performances et les mauvaises décisions, assombrissant les horizons et pulvérisant les opportunités de jours meilleurs. Il n’y a qu’à voir la situation économique, la croissance, le chômage, les disparités sociales et régionales endémiques pour s’en convaincre. Les investisseurs locaux se murent dans l’expectative, ceux de l’étranger à l’avenant, et plus encore : ils tournent le dos à la Tunisie n’y décelant que mouvements sociaux, insécurité et un climat d’affaires qui les dissuadent de franchir le Rubicond et de contribuer à l’essor des exportations et à la création d’emplois. Et puis, on ne pourrait pas s’empêcher de s’offusquer de l’état où se trouvent les régions avec un déficit flagrant de développement, et des projets qui tardent à voir le jour. Un gouvernement remarquablement plus soucieux de resserrer son étau autour d’une presse qui demande à être libre pour dire son fait à un pouvoir « sûr de lui et dominateur », qui cherche à disposer de tous les instruments lui permettant d’exercer son emprise sur tout ce qui et susceptible de contrecarrer ses projets.

Enfin et surtout, une assemblée nationale constitutive dont on attend encore une Constitution qui aurait pu être déjà prête depuis belle lurette, selon les plus sceptiques des juristes, mais qui trouve plus bénéfique d’ergoter, de vider son sac à malices chaque fois qu’il s’agit de voter une loi, ou de prendre une décision salutaire pour l’économie du pays et le bien-être de ses habitants. Des députés qui veulent être attachés à perpétuelle demeure et accroître leurs prébendes. Ceci en plus d’une incroyable impéritie à gérer la chose publique et à s’astreindre aux usages du travail parlementaire, tel qu’ils ont en cours dans les enceintes parlementaires, et pas uniquement les mieux établies, mais encore de débats , à force d’être hors sujet et rébarbatifs, deviennent repoussants, aux yeux de l’électorat, visiblement déçu.

Ce 23 octobre 2012, c’est tout cela et encore davantage, car, il y a fort à parier que cet état des lieux ne sera pas près de prendre fin de sitôt, les mêmes causes produisant les mêmes effets. Et malgré les discours qui ont marqué cet « anniversaire », des discours qui se veulent lénifiants et porteurs d’espoir et de lendemains meilleurs, le Tunisien a encore mille et une raisons de ne pas y croire et d’y tourner le dos.

Mohamed Lahmar

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