Le conflit en Ukraine n’est pas uniquement une suite d’actes de guerre entre deux Etats belligérants. Il s’y est greffé des drames humains dont certains ont été relégués au second plan des faits relatés par les médias. Les langues sont cependant en train de se délier, s’agissant notamment des étudiants étrangers qui poursuivaient leurs études en Ukraine, en particulier des Tunisiens, dont la sortie du pays jusqu’aux frontières polonaises a été émaillée de bien des brimades, voire des actes racistes dont ils ont été victimes comme le raconte le journal londonien « The Independent » dans ses deux versions, anglaise et arabe.
« La couleur de votre peau pourrait déterminer si vous vivez ou mourrez », déclare M.A.une étudiante tunisienne en Ukraine, soulignant le sort des étudiants étrangers d’origine africaine et asiatique qui se sont retrouvés bloqués aux frontières de l’Ukraine en tentant de fuir l’aggravation du conflit.
Dans son équipée qui s’est conclue à bord du premier vol d’évacuation organisé par les autorités tunisiennes, elle a traversé des moments difficiles et a été soumise à diverses formes de racisme par la police des frontières dans le passage entre l’Ukraine et la Pologne, a-t-elle déclaré dans un témoignage relayé par « The Independent ».
Elle a qualifié de « terrifiantes » les conditions endurées en faisant le voyage de la ville où elle vivait en Ukraine jusqu’aux frontières polonaises. « Nous avions tellement peur. Ils nous ont laissés dans le froid pendant quatre heures alors que nous attendions de passer en territoire polonais », a-t-elle précisé, ajoutant que « la police des frontières accordait la priorité de passage aux Ukrainiens par rapport aux personnes d’autres nationalités comme les Arabes et les Africains ».
Elle indique que certains étudiants « ont mis le feu aux vêtements qu’ils transportaient dans leurs bagages pour se réchauffer ».
« Nous n’avons pas le choix »
Une autre étudiante tunisienne L.Z., a raconté avoir été témoin d’un racisme qui a parfois dégénéré en violence et en agression.
« La police des frontières a violemment agressé un étudiant tunisien et lui a cassé la jambe », précise l’étudiante qui a quitté l’Ukraine par la frontière roumaine. Elle a affirmé qu’ils ont été bien traités du côté roumain et qu’ils ont eu de la chance par rapport à leurs homologues qui ont fui par la Pologne. Elle a appelé les autorités tunisiennes à agir rapidement afin de secourir les personnes bloquées aux frontières.
, directeur de la diplomatie et de l’information au ministère tunisien des Affaires étrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Trabelsi, a confirmé à « The Independent Arabia »qu’ils avaient reçu un certain nombre de plaintes de ressortissants tunisiens concernant les mauvais traitements qui leur ont été infligés.
« Cependant, en ces temps exceptionnels, nous n’avons pas d’autre choix que de nous concentrer sur l’évacuation immédiate de tous les Tunisiens d’Ukraine », a-t-il ajouté, rappelant que l’Union africaine, dont la Tunisie est membre, a publié une déclaration condamnant les comportements racistes contre les Africains en Ukraine.
« Un traitement dissemblable »
L’Union africaine a condamné ce qu’elle a qualifié de « traitement dissemblable » des citoyens de ses États membres qui résidaient en Ukraine et cherchaient à fuir le pays après l’invasion de la Russie. Dans sa déclaration, l’Union a dénoncé le traitement auquel sont confrontés les Africains dans leurs tentatives de fuir l’Ukraine via ses postes-frontières terrestres et a qualifié ces pratiques de « violation du droit international ».
La déclaration souligne que le droit international accorde aux personnes de toutes nationalités et ethnies le « droit de fuir » en cas d’état de guerre.
Le président de la Maison de la Tunisie en Ukraine, a déclaré que les autorités ukrainiennes au poste de Medyka, le long de la frontière avec la Pologne, « se comportaient violemment envers les étrangers, en particulier les Arabes et les Africains ».
Dénégations polonaises
Au niveau international, le Nigéria a appelé les responsables des frontières en Ukraine et dans les pays voisins à traiter ses citoyens sans aucune discrimination. Dans une vidéo largement partagée sur les médias sociaux, une mère nigériane avec un jeune bébé a été physiquement forcée de céder sa place à quelqu’un d’autre.
L’assistant spécial principal pour les médias et la publicité du président du Nigeria, a confirmé qu' »il y a eu des rapports malheureux de la police ukrainienne et du personnel de sécurité refusant de permettre aux Nigérians de monter dans les bus et les trains se dirigeant vers la frontière entre l’Ukraine et la Pologne ».
L’AFP rapporte que l’ambassadrice de Pologne au Nigeria, a réfuté toutes les accusations de comportement injuste à l’égard des Africains et a soutenu que « tout le monde bénéficie d’un traitement égal ».
Répondant aux informations selon lesquelles il y aurait une différence marquée dans le traitement des étrangers, à savoir ceux originaires d’Afrique et d’Asie, lors du passage de la frontière et dans les centres d’hébergement, l’ambassadeur de Pologne auprès des Nations unies, a déclaré que les allégations de discrimination raciale et religieuse sont « un mensonge complet et une terrible insulte à notre égard ». Le diplomate a souligné que « toute personne fuyant la guerre en Ukraine peut trouver refuge en Pologne ».
Il ya lieu de rappeler que Tunisie était le premier pays arabe à évacuer avec succès ses citoyens d’Ukraine, après avoir garanti leur passage en toute sécurité par des postes-frontières roumains et des vols depuis Bucarest.