La Tunisie est en train de négocier une nouvelle ligne de crédit de 2.8 milliards de dollars avec le Fonds Monétaire International, annonce le conseiller du chef du gouvernement chargé des Grandes Réformes Economiques, Taoufik Rajhi, ajoutant que les pourparlers sont à un stade avancé pour la mobilisation de financements nécessaires pour l’exécution du plan de développement 2016-2020 sachant que le prêt sera assorti d’un taux d’intérêt de 2%.
L’annonce faite par Taoufik Rajhi continue de susciter la polémique notamment parmi plusieurs experts en économie..
Africanmanager a contacté quelques députés pour mieux s’informer sur l’utilité de ce concours financier et surtout ses effets pour la prochaine période.
L’économie a toujours besoin d’un soutien…
Pour le membre de la commission des finances et de la planification et du développement à l’ARP, Slim Besbess, « le recours au FMI est raisonnable puisque notre économie a toujours besoin d’un soutien ».
« On a plus que jamais besoin de crédibiliser notre économie vis-à-vis des investisseurs étrangers d’autant plus que la phase suivante consiste à appliquer le plan des réformes majeures qui nécessite, à mon avis, un investissement conséquent . D’où l’importance d’une composante du financement provenant de l’étranger », a expliqué le député.
Slim Besbess a encore souligné qu’on ne dispose pas des ressources nécessaires qui nous permettent de réaliser les ambitions du plan de développement. « Le schéma de croissance élaboré par la note d’orientation est clair : on ne peut pas réaliser cette ambition pour la mobilisation d’une enveloppe d’investissement de 125 millions de dinars sans avoir une composante provenant de l’étranger », a-t-il expliqué affirmant que « le défi consiste à réaliser la croissance, mais aussi les objectifs d’une normalisation macroéconomique pour pouvoir réussir la transition économique »
Un avis partagé par Mohamed Ben Salem qui a reconnu l’existence d’une diabolisation en ce qui concerne les liens entretenus avec le Fonds Monétaire International. « Certaines personnes sont en train de diaboliser nos relations avec cette institution financière», a remarqué le député nahdhaoui tout en appelant « à comparer le taux d’intérêt imposé par le FMI avec celui imposé par la Banque Mondiale pour mieux comprendre la situation. C’est une chose incomparable puisque le taux d’intérêt est cinq fois moins ».
Comme justification, il a cité le crédit de 1.2 milliard de dollars octroyé par la Banque Mondiale à la Tunisie en 2013 tout en rappelant que le taux d’intérêt était de 5.75%.
Une ligne de crédit toxique…
Le Front Populaire par la voix de Mongi Rahoui, s’est dit opposé à cette nouvelle ligne de crédit surtout qu’elle sera utilisée pour financer des dépenses courantes, au détriment de l’investissement et de la création de richesses.
« On est sûr que tous les crédits contractés par la Tunisie de l’après Ben Ali étaient destinés à couvrir le déficit budgétaire et n’étaient pas destinés à l’investissement public et ceci souligne la mauvaise politique menée par les autorités en place qui n’ont pas pris en considération les retombées négatives de ces crédits sur la balance des paiements et surtout sur la souveraineté de notre décision nationale », a asséné Rahoui remarquant que le gouvernement d’ Essid se trouve incapable de trouver des solutions adéquates pour gérer la crise économique.
Le député de Nidaa Tounes, Moncef Sallami a, pour sa part, appelé le gouvernement à vendre les grandes quantités d’or saisies et stockées dans les dépôts de la douane, au lieu de recourir à l’endettement.
« Il faut exploiter nos sources et la vente de grandes quantités d’or existantes dans les dépôts de la douane, estimées à 4 tonnes pourraient rapporter une importante somme d’argent aux caisses de l’État », a t-il estimé.
Vers l’effondrement de l’économie
De son côté l’expert en risques financiers, Mourad Hattab n’a pas manqué de s’attaquer au gouvernement Essid estimant que la Tunisie se dirige à grand pas vers l‘effondrement.
« La Tunisie ne cesse de recourir à des institutions financières internationales alors qu’elle peine à relancer l’appareil de production » », a martelé l’expert notant que « le recours au FMI ne peut que créer des problèmes macroéconomiques sachant que les crédits qui ont été contractés au cours de ces dernières années avec des échéances énormes sont destinés principalement à la consommation ».
D’après lui « c’est en soi un crime économique et financier ».
Interrogé sur les répercussions de la nouvelle ligne de crédit, objet d’un examen avec le FMI, l’économiste l’a qualifiée de « toxique » étant donné qu’elle n’a aucun rapport avec la productivité ou le développement.
Mourad Hattab a par ailleurs mis en garde contre l’aggravation du taux de l’endettement extérieur qui devrait atteindre 70% durant les deux prochaines années contre 52% actuellement.