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Tunisie : C’est un Vrai Bordel, il n’y a pas d’autre mot !

Certes la formulation de notre titre peut heurter certains, pourtant c’est bien ce que vit la Tunisie en ce moment, un moment charnière de son histoire, après 7 chefs de gouvernement en 7 ans. Depuis le mardi 13 mars 2018, date à laquelle le chef de l’Etat, Béji Caïd Essebsi, véritable maitre du jeu, quoi qu’en dise la Constitution, a convoqué les signataires du Pacte de Carthage, la réunion qui était censée apporter des éclaircies, faute d’un autre cap, en a rajouté à la dangereuse confusion ambiante. Jusqu’à nous valoir une passe d’armes entre la porte-parole de la présidence de la République, Saïda Garrach et le leader de la centrale syndicale, Noureddine Taboubi, autour des véritables objectifs de cette rencontre. Le palais de Carthage soutient qu’il a été décidé de laisser tranquille le chef du gouvernement, Youssef Chahed, au moins jusqu’aux municipales. Autre son de cloche chez Taboubbi, qui affirme ce mercredi sur Express FM qu’un « remaniement ministériel dans les jours à venir est toujours possible », après évaluation du rendement du gouvernement et que Chahed ne sera pas « épargné« . Au-delà du fait de savoir qui dit vrai dans cette affaire, ces cafouillages, dissonances et télescopage entre deux piliers de la vie du pays ne sont pas l’image de l’union nationale que la Tunisie vend en ce moment et qui lui a valu le prix Nobel. Mais il y a plus grave encore…

Ces quiproquos interviennent peu avant la réunion du Conseil d’administration du FMI pour se prononcer sur le décaissement de la 3ème tranche du crédit et peu avant la sortie des autorités sur le marché international, d’ici la fin de ce mois, pour ramasser un milliard de dollars. Ils se produisent aussi après le rapport de la BAD sur une croissance qui restera molle en 2018 et 2019. Autant vous dire que le berceau du printemps arabe ne fera pas le meilleur des effets aux investisseurs…

Par ailleurs le document de la BAD met en exergue les réformes que la Tunisie devra entreprendre et réussir, très rapidement, pour espérer un sursaut de l’économie à moyen terme. Mais si le chef de l’actuel gouvernement saute ou si son équipe est remaniée maintenant, en sachant qu’il aura une petite fenêtre de tir avant les préparatifs des élections de 2019, qui mènera ces réformes urgentes ? Cette agitation de l’UGTT est tout ce qu’il y a de plus périlleux pour le pays.

Le pire dans cette affaire c’est que la centrale syndicale a changé de musique plusieurs fois en quelques jours. Au départ elle s’accrochait à un remaniement ministériel, sans aller jusqu’à mettre le départ de Chahed dans l’équation. Puis patratas, la Commission administrative nationale de l’UGTT zappe complètement le sujet dans le communiqué publié au terme de sa réunion de dimanche dernier et met en avant d’autres sujets. Jusqu’au volte-face de Taboubi hier dans la soirée après la réunion de Carthage. C’est à ne rien y comprendre. A part peut-être la volonté de la centrale syndicale de démontrer que Chahed ne fait pas le poids devant elle et qu’on ne ferme pas la porte à l’UGTT. Un baroud d’honneur et une querelle de chapelle qui peuvent coûter au pays. C’est même déjà le cas.

On y perd son latin, son arabe…

Le problème majeur du gouvernement, c’est sa faiblesse congénitale, du fait même qu’il doit son installation au Document de Carthage, lequel se déchire sous nos yeux. La Tunisie semblait s’accommoder de cette dilution du pouvoir, son émiettement entre le Parlement, la présidence de la République, celle du gouvernement, le Pacte de Carthage, la coalition au pouvoir, et que sais-je encore. On touche en ce moment même les limites de cet attelage hétéroclite qui ne donne au pays ni cap économique, ni stabilité politique. Le président de la République a été le premier à monter au front pour tenter de juguler ce flou artistique qui préside aux destinées du pays. Mais son initiative en faveur d’un régime présidentiel – un retour en arrière en fait, avec les inflexions que requiert le cadre démocratique actuel – a tourné court. En effet BCE a battu en retraite, en arguant qu’il ne lui revient pas d’être le porte-drapeau d’une réforme de cette envergure et qu’il laisse le Parlement en décider. Ce qui revient de fait à geler l’affaire car évidemment Ennahdha, qui mène la danse actuellement à l’ARP, ne va pas scier la branche sur laquelle il est assis en ouvrant la voie à la présidentialisation du pouvoir, alors que les islamistes n’ont pas de présidentiable, à ce jour.

Cette affaire gelée, d’autres voies se sont élevées pour suggérer autre chose, un peu moins compliquée, sur le papier du mois : l’enterrement du système à la proportionnelle aux législatives pour basculer dans un scrutin à la majorité, lequel a au moins l’avantage, comme son nom l’indique, de dégager une majorité nette, claire pour gouverner le pays, ce que la 2ème République n’a pas été capable de réaliser jusqu’ici. Cette idée a été portée dernièrement par un homme qui fait autorité en la matière : Le professeur Rafaa Ben Achour. Puis récemment par un juge commissaire d’Etat Général au Tribunal Administratif, Karim Jamoussi. Tout cela pour dire que le projet est loin d’être saugrenu. Mais encore faut-il que les principaux acteurs de ce dossier suivent. Et là c’est loin d’être gagné.

Les deux poids lourds de la scène politique locale, Nidaa Tounes et Ennahdha, qui n’ont jamais été aussi frêles, pourraient être paralysés, de peur, par la simple idée de prendre, l’un ou l’autre, le pouvoir en triomphant dans une élection à la majorité. Comment gouverner un pays si rétif quand on bat des records d’impopularité sondage après sondage ? La perspective a de quoi angoisser plus d’un. Par ailleurs, avec le marquage à la culotte que se font les deux ténors, personne n’a envie de jouer vraiment le jeu, au risque de voir l’autre tirer, seul, les marrons du feu. N’est pas démocrate qui veut ! Donc de ce point de vue cette cohabitation-coalition émolliente, que l’on doit au scrutin à la proportionnelle, a quelque chose de douillet, de rassurant, de confortable, car on est moins de tâter du pouvoir, sans forcément en assumer seul les risques. Et évidemment ce ne sont pas les « petits » partis de la coalition, pour qui c’est une aubaine tout ça, qui iraient dégommer ce que Nidaa et Ennahdha n’osent pas attaquer. Le système politique qu’on a sous les yeux a donc des chances de durer encore. Pour le plus grand malheur de la patrie.

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