AccueilLa UNETunisie : Comment l'UGTT compte bloquer les réformes douloureuses de Chahed

Tunisie : Comment l’UGTT compte bloquer les réformes douloureuses de Chahed

Dans son discours du vendredi 26 août 2016 au Parlement, dans le cadre de la confiance qu’il était venu solliciter, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a distribué, très énergiquement et très généreusement, les coups. Il a pointé du doigt ceux qui, à ses yeux, sont les responsables du naufrage de la Tunisie. D’abord les gouvernements qui se sont relayés à la tête du pays depuis la révolution et qui ont, d’après Chahed, tous échoué dans leur mission ; les citoyens dont les actes d’incivilité ont rendu la Tunisie méconnaissable… Bref, tout le monde en a pris pour son grade. Tout le monde sauf peut-être l’Union générale tunisienne du travail (UGTT).

Tout le monde connait le poids de l’UGTT dans le pays, et par là même sa capacité de nuisance. Elle est l’une des rares centrales syndicales au monde à s’asseoir à la table des gouvernants, et même à parler très souvent plus fort que ces derniers. Une spécificité bien tunisienne. Le souci c’est que ces dernières années, l’UGTT a fait usage de ce pouvoir à mauvais escient, en bloquant la relance du pays à coups de grèves intempestives, de revendications salariales déraisonnables compte tenu de l’état des finances publiques, etc. Même la célèbre revue américaine «Foreign Policy» a fait un article très étoffé sur la question. Et tout ça, Chahed l’a superbement occulté dans son diagnostic du malade qu’est la Tunisie, remarquable à bien des égards. Le chef du gouvernement s’est certainement dit qu’il valait mieux ne pas se mettre à dos la puissante UGTT en l’attaquant frontalement, pour ne pas compromettre ses chances de réformer le pays. Le souci, un très gros souci, c’est que tous ses prédécesseurs depuis la révolution avaient fait le même calcul. Et finalement c’est la Tunisie qui a trinqué, avec une économie sinistrée et une instabilité politique, parfaitement illustrée par le rythme effréné des changements à la tête du pays (Chahed est le 7ème chef de gouvernement en 5 ans). Mais le nouveau chef du gouvernement en a suffisamment dit pour inquiéter l’UGTT

Le combat entre l’UGTT et Chahed a déjà commencé

Quand Chahed a évoqué la masse salariale dans la fonction publique qui absorbe 13,4 milliards de dinars, près d’un tiers du budget de l’État ou le problème du déficit des caisses, l’UGTT a dû se sentir forcément visée puisque les solutions sont sur la table depuis un moment et que la centrale syndicale les combat énergiquement. On sait ce qu’il faut faire – gel des salaires dans la fonction publique, des départs volontaires, monter le niveau des cotisations sociales, allonger l’âge de départ à la retraite… – mais l’UGTT s’évertue à bloquer toute initiative dans ce sens. La centrale syndicale, pour dissuader le chef du gouvernement de regarder dans ces directions, parsemées de réformes douloureuses, a émis un communiqué hier samedi 27 août qu’on peut interpréter comme une posture de combat.

En effet le communiqué dit que la centrale syndicale s’en tient strictement à l’Accord de Carthage, qu’elle a ratifiée, et que c’est sur la base de ce pacte qu’elle évaluera le rendement du gouvernement. Or que y a-t-il précisément dans le texte de l’Accord de Carthage ? « La poursuite de la lutte contre le terrorisme, l’accélération du processus de relance de la croissance pour atteindre les objectifs de développement et d’emploi, la lutte contre la corruption et l’instauration des fondements de la bonne gouvernance, la maîtrise des équilibres financiers et la poursuite d’une politique sociale efficace, l’instauration d’une politique spécifique pour les villes et les collectivités locales, le renforcement de l’efficacité de l’action gouvernementale et la poursuite de la mise en place des institutions opportunes ». Voilà, un ensemble de généralités, pour ne pas dire de voeux pieux. Pas une once de piste concrète de réforme, encore moins un programme précis pour piloter le pays dans ces circonstances difficiles. En liant Chahed à ce document, l’UGTT prend ses distances avec toute orientation qui n’est pas dans cet accord, comme par exemple ces réformes douloureuses dont le chef du gouvernement ne pourra pas faire l’économie mais dont la centrale patronale ne veut pas entendre parler. Rude bataille en perspective.

Ce n’est pas le seul terrain sur lequel l’UGTT titille Chahed, elle a également dénoncé dans son communiqué certaines affectations dans le gouvernement qui ne seraient pas justifiées, sans donner plus de détails. Tout cela pour dire que si le chef du gouvernement avait encore des doutes sur la difficulté de faire de l’UGTT un partenaire pour les réformes, le communiqué d’hier les a dissipés…

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