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Tarek Cherif : « Aucun taux de croissance prévisionnel n’a été réalisé depuis 2011 ! »

Le président de la Conect (Confédération des Entreprises Citoyennes de Tunisie), Tarek Cherif, a accordé à Africanmanager une interview exclusive dans laquelle il a évoqué plusieurs sujets dont le projet de la Loi de finances 2018, les attentes et les propositions de son organisation ainsi que les problèmes auxquels fait face la PME aujourd’hui.

Qu’est-ce que vous pensez du PLF 2018 ?

Le projet de la loi de finances 2018 dans sa version actuelle est loin de répondre à nos attentes et aux exigences du moment. C’est d’ailleurs une position que partagent non seulement les chefs d’entreprises mais également les experts, les économistes, les financiers, les fiscalistes et même les citoyens avertis.

Quels sont vos griefs ?

Alors qu’on s’attendait à une rupture avec l’approche « fiscaliste » suivie depuis 2011, le projet de la loi de finances 2018 a encore accentué la tendance par de nouvelles mesures fiscales touchant principalement les entreprises organisées qui s’acquittent de leurs obligations fiscales et les employés.
Avec l’augmentation continue depuis 2011 des taux d’impôt, l’institution de nouvelles contributions et la promulgation de mesures fiscales additionnelles à l’occasion de chaque loi de finances, notre système fiscal est devenu l’un des plus lourds et des plus complexes, en comparaison surtout avec les pays concurrents.

Pour la pression fiscale aussi nous occupons les premiers rangs au niveau africain et mondial. Plus grave encore ! Avec l’instabilité de notre système fiscal, le climat des affaires et la visibilité sont  directement affectés ! Les prévisions et les projections indispensables aux investisseurs deviennent pratiquement impossibles avec pour conséquence immédiate l’attentisme et la gestion du quotidien !
L’on comprend dès lors les raisons des écarts constatés chaque année au niveau des taux de croissance et des principaux agrégats économiques ! Aucun taux de croissance prévisionnel n’a été réalisé depuis 2011 !
Pourtant les solutions efficaces, rapides et équitables à l’amélioration des recettes de l’Etat existent.

Que faites-vous dans ce sens, je veux dire au niveau des solutions ?

Nous avons entamé les concertations avec nos structures professionnelles régionales et sectorielles depuis le mois de mai dernier. Nous avons transmis nos remarques et propositions au Gouvernement et à l’ARP lors de la première phase de préparation de la loi de finances et nous avons couronné toutes ces démarches par l’organisation, au début du mois d’octobre dernier, d’une importante conférence qui a regroupé plus de 350 experts et hommes d’affaires en présence de députés et de responsables.
Dans le même cadre, j’ai eu l’honneur d’être reçu par le chef du gouvernement pour un long entretien au cours duquel je lui ai présenté les propositions et les recommandations de notre Centrale Patronale.
Les représentants de la CONECT ont été aussi reçus par les membres de la Commission des Finances et de la Planification de l’ARP pour une séance d’audition qui a duré plus de trois heures et demi.

Nous avons attiré l’attention des officiels et des responsables des instances concernées sur la gravité des conséquences du projet actuel de la loi de finances sur les entreprises des secteurs organisés, sur l’environnement des affaires et sur le climat social dans le pays.
Nous avons insisté sur le fait que les objectifs annoncés de croissance, de relance économique et de création d’emplois ne peuvent être concrétisés avec les dispositions contraignantes et inadaptées prévues dans le projet de la loi de finances qui s’inscrit en distorsion totale avec les principes fondamentaux de la réforme du système fiscal tunisien.

Nous avons également attiré l’attention sur la nécessité de mettre en application de nombreuses dispositions déjà décidées, surtout en matière de transparence et de contrôle et qui sont peu ou non appliquées jusqu’à présent.
Nous avons présenté notre feuille de route que nous continuerons à défendre en tant qu’organisation patronale d’entreprises responsables et citoyennes.

Ce projet de loi résoudra-t-il concrètement, selon vous, quelques uns des problèmes auxquels fait face la PME aujourd’hui ?

Dans sa version actuelle, ce projet de loi ne peut qu’aggraver la situation des PME non seulement au niveau de leur développement et de leur internationalisation devenue indispensable mais même en ce qui concerne leurs équilibres économiques et financiers et partant leur existence !
L’aggravation de la charge fiscale pour les entreprises des secteurs organisés à travers les augmentations d’impôt, la création d’une contribution sociale solidaire, la soumission des constructions à usage d’habitation à la TVA au taux de 19% et la création d’une taxe hôtelière de 3 DT par personne pour chaque nuitée sont autant de facteurs qui vont affecter directement et sensiblement la compétitivité des entreprises, leur positionnement sur le marché local et sur les marchés extérieurs, en plus des problèmes d’application que de telles dispositions soulèvent.
Même les avantages annoncés en faveur de la création de nouveaux projets en les exonérant de l’IS sur les trois premières années ne peuvent constituer des incitations réelles dans la mesure où la quasi totalité des projets ne permettent de dégager des bénéfices au cours des premières années de leur lancement.

Du coup les entreprises existantes, les nouveaux projets et les investissements seront lourdement  handicapés et il serait pratiquement impossible de réaliser les objectifs annoncés en matière de croissance et d’emploi notamment.
Il aurait fallu commencer par une évaluation approfondie et critique des retombées des différentes mesures fiscales prises par le passé pour dégager leurs avantages éventuels, leurs inconvénients et leurs limites avant de décider de l’adoption de nouvelles dispositions !

Avez-vous des propositions ?

Il convient tout d’abord de rompre définitivement avec l’approche adoptée jusqu’à présent qui considère les dépenses budgétaires comme une donnée immuable ou une contrainte incontournable puis on cherche les moyens d’y faire face par le biais des recettes usuelles, l’endettement et pour le reste par l’accroissement des impôts sur les contribuables qui honorent déjà leurs obligations, à savoir les entreprises des secteurs organisés et les employés.
Je dois souligner à ce niveau que nous pouvons réaliser des économies substantielles en osant remettre en cause le système de compensation des produits dits sensibles et de base qui permet de graves déviations à l’instar du pain et en faisant bénéficier de la compensation la population ciblée uniquement.
Les dépenses publiques peuvent également être rationalisées par leur compression et la réaffectation de milliers de fonctionnaires vers des emplois plus productifs.

L’Etat doit également opter pour des solutions rationnelles et durables pour faire face à la lourde charge des caisses sociales et des entreprises publiques souvent déficitaires.

Êtes-vous pour la privatisation de certaines entreprises publiques ?

La privatisation des entreprises publiques y compris les banques dans les secteurs concurrentiels et la promotion du partenariat public-privé sont autant de solutions qui ont fait leurs preuves dans tous les pays et même en Tunisie. Je citerai l’exemple du secteur du ciment ou celui des banques où nous avons enregistré des réussites qu’il convient de faire connaître aux réticents et à multiplier.

Le deuxième axe concerne la nécessité d’élargir la base des contribuables, surtout que plus de 50% de l’activité économique est réalisée à travers les circuits parallèles et que plus de 400 000 acteurs économiques continuent à bénéficier du régime forfaitaire ne contribuant aux recettes fiscales de l’Etat que pour la somme modique de 28MDT par an, soit en moyenne 70 DT par acteur économique.
En intégrant même de manière progressive cette large population de contribuables nous n’aurons plus besoin d’accroître davantage la pression fiscale tout en assurant une plus grande équité fiscale et une nouvelle dynamique économique.

Parallèlement il convient de renforcer la lutte contre l’évasion fiscale par la limitation des transactions en espèces, la digitalisation des opérations financières, la modernisation du contrôle fiscal et son renforcement par la reconversion de fonctionnaires à travers des programmes adaptés de formation.

Le troisième axe concerne la stimulation de l’investissement, des exportations, du développement régional et de la création d’emplois, seuls vecteurs de croissance et d’équilibres économiques et financiers durables et ce, par l’octroi d’incitations fiscales et financières conséquentes au profit de tous les investissements à réaliser sur au moins les trois prochaines années afin de stimuler la relance économique qui constitue l’objectif majeur du pays.

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