AccueilLa UNETunisie : La myopie et la politique boiteuse de l'UE, selon Carnegie

Tunisie : La myopie et la politique boiteuse de l’UE, selon Carnegie

L’attention attachée par l’Europe à son flanc sud est phagocytée par un désastre en cascade. En face de la guerre en Syrie, en Irak et en Libye, à la crise de la migration et à la prolifération du terrorisme, l’objectif tout-absorption de l’Europe est la stabilité. Dans la plupart des cas, cela revient à empêcher  que les mauvaises choses ne deviennent plus mauvaises encore.

Mais outre sa gestion des  crises,  l’Europe a besoin de penser beaucoup plus hardiment  à d’autres façons de faire pour anticiper l’agitation violente. Que dire de ces pays qui sont restés relativement stables et ont donc suscité  moins d’attention? Est-ce que l’Union européenne a encore  un objectif positif pour son flanc sud? Des interrogations auxquelles la fondation Carnegie Europe s’est attachée à trouver un début de réponse.

La Stratégie mondiale de l’UE lancée par son Haut Représentant Federica Mogherini en juillet 2016 entend construire une «résilience», qui se définit  comme «la capacité des États et des sociétés à réformer, à résister  et ainsi à sortir des  crises internes et externes ».

Pourtant, on n’y trouve que peu de trace dans les politiques européennes actuelles, qui sont en grande partie guidées par le souci de contenir les  retombées sécuritaires des conflits du Moyen-Orient.

La stratégie du raccourci

Les efforts de l’Europe pour soutenir la stabilité durable au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ont souvent été contrecarrés par un compromis qui consiste à tolérer la paralysie intérieure pour le bien de la coopération régionale. Ce compromis, cependant, est une erreur.

En lieu et place, l’Europe doit investir beaucoup plus hardiment dans des pays comme la Tunisie, le Maroc et la Jordanie. Au fil du temps, ils pourraient devenir des « points d’ancrage solides» pour les relations de l’Europe avec le monde arabe et l’Afrique.

Les soulèvements de 2011 ont amplement démontré que les régimes qui se nourrissent du marasme et de l’inertie  ne sont pas aptes à constituer les principaux piliers de l’engagement européen au Moyen-Orient. Soutenir  de tels régimes pour le bien de leur influence régionale peut sembler un raccourci pour surmonter les impasses politiques aujourd’hui et,  en fait, en créer d’autres plus virulentes demain.

Aussi l’Europe a-t-elle  besoin de semer des graines plus résistantes en termes de partenariat. Elle peut commencer à le faire  en contribuant au renforcement des  acteurs régionaux de demain qui sont disposés et aptes à travailler avec l’Europe pour  un avenir durable.

Une stabilité intérieure durable est de nature à ouvrir la voie à un engagement régional accru et plus constructif pour ces pays. Les petits États dont le  capital géopolitique est limité peuvent jouer un rôle important au niveau régional. A cet égard, des sociétés résilientes pourraient devenir des atouts précieux en tant que partenaires régionaux pour l’Europe. Enfin, les Etats qui sont résilients  à l’intérieur sont mieux placés pour explorer de manière constructive les opportunités offertes par leur  propre voisinage  au travers des mécanismes de la coopération régionale.

Petits et néanmoins  essentiels

La Tunisie, le Maroc et la Jordanie, sans être des acteurs régionaux de premier rang, ont été considérés par  les milieux politiques de l’UE comme les  partenaires du Sud les plus prometteurs en termes de  capacité à se réformer.

La Jordanie et le Maroc, et plus récemment la Tunisie, sont regardés par l’UE comme les trois pays qui portent le plus d’espoir pour les relations euro-méditerranéennes. Mais tout en affichant une meilleure forme que la plupart de leurs voisins, aucun d’entre eux n’apparaît actuellement comme particulièrement résilient, pas plus qu’il n’est capable d’exercer une influence régionale décisive.

Les Européens ne parviennent pas à voir  la Tunisie sous l’angle du  bénéfice et ont grossièrement sous-estimé sa valeur pratique en tant que partenaire arabe démocratique en Afrique du Nord.

Pourtant, un examen plus attentif révèle un potentiel prometteur des relations entre les uns et les autres. Le relatif manque d’influence régionale chez ces  trois pays  a tout pour être un atout plutôt qu’une faiblesse alors que le risque mineur  de toute ingérence extérieure les rend des partenaires plus prévisibles pour l’Europe qui pourrait alors compter sur eux. Les  Européens, cependant, ne parviennent pas à voir la Tunisie en particulier  sous l’angle de leurs intérêts.

La rive sud a été le talon d’Achille de la politique étrangère de l’UE. Au cours des deux dernières décennies, les analystes ont proposé d’innombrables mécanismes d’allocations d’aide, l’accès aux marchés, des schémas  de mobilité et des programmes de coopération politique.

Au lieu de mesures audacieuses qui pourraient changer les choses dans les pays partenaires du sud, les nombreux remaniements boiteux des mêmes paramètres en place ont échoué à produire le saut qualitatif souhaité pour l’influence méditerranéenne de l’Europe.

Les  limites des relais  fragiles sont autant évidentes que les avantages potentiels de la résilience. L’Europe a eu visiblement du mal à s’adapter à la situation post 2011. Le statut spécial accordé à des partenaires prometteurs l’a été en demi-teinte et n’a pas été à la hauteur  de l’audacieux investissement politique et économique dans ces pays tel que l’exigerait un ancrage solide. L’UE ne doit que s’en prendre à elle-même.

L’investissement dans la stabilité

Si l’UE est sérieuse dans sa volonté de  construire une résilience fondatrice d’une  saine pérennité du gouvernement, des institutions de l’Etat et de la société  et d’un voisinage stable, elle est tenue d’assurer que ses actions contribuent à la résilience au niveau de ces trois volets,  également et simultanément.

La Tunisie est le pays où l’UE pourrait facilement faire plus, notamment en respectant les engagements financiers pris à la suite de la révolution tunisienne, en donnant une plus grande envergure politique à la Tunisie, en abandonnant  le protectionnisme agricole, en changeant la donne en matière de plein accès au marché la Tunisie, et ceci n’en coûterait que peu à l’Europe.

En canalisant autrement ses investissements en Tunisie et au Maroc, l’Europe peut encore contribuer à jeter les bases de partenariats sains dans la région, conclut Carnegie Europe.

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