La Chine a longtemps joué les seconds couteaux en Afrique, se rangeant sagement derrière les ténors (la France surtout, la Turquie, le Maroc…). C’est fini cette époque. Renversement total de la situation, à la faveur des ambitions démesurées de Pékin mais dont il a les moyens, et c’est toute la différence avec une Europe qui sort à peine d’années de récession. Des moyens Pékin en a tellement qu’il tient tête au président américain, dans une guerre commerciale où ils ne se font aucun cadeau. Mais pour l’Afrique, c’est une toute autre affaire, la Chine en a fait une amie, une partenaire de premier plan, à tel point qu’en très peu de temps elle est devenue le 1er investisseur étranger en terre africaine. La montée en puissance des Chinois au Maroc, 1e destination des investissements étrangers sur le continent et en Côte d’Ivoire, la championne de la croissance dans la zone UEMOA, l’illustrent parfaitement. Bonne nouvelle pour la Tunisie : Elle est aussi sur l’agenda de la superpuissance. On a vu les Chinois faire une descente dernièrement à Médenine, et pas pour faire du tourisme ; le numéro 1 du ciment en Chine est déjà sur les starting-blocks ; le constructeur automobile chinois Dongfeng s’est déjà installé, plus d’autres projets en vue… Bref, Pékin veut aller beaucoup plus loin avec Tunis, et vient de le faire savoir.
Les responsables du Conseil Chinois pour le Développement du Commerce International (CCPIT) et de la Chambre Chinoise de Commerce International (CCOIC) ont souligné, lors de la première réunion du Conseil des affaires tuniso-chinois tenue, vendredi 13 avril 2018, à Pékin, leur disposition à diversifier davantage les opportunités de coopération et de partenariat entre les entreprises chinoises et tunisiennes, pour l’élargir à de nouveaux secteurs à haute valeur ajoutée.
Selon un communiqué de l’ambassade de Tunisie à Pékin, la réunion s’inscrit dans le cadre d’un mémorandum d’entente signé en 2014, entre l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) et le Conseil chinois pour le développement du commerce international.
Les deux parties ont convenu d’approfondir les relations, d’intensifier les visites des délégations et de maintenir les réunions périodiques du Conseil des affaires. La réunion a rassemblé des entreprises tunisiennes et chinoises opérant dans les secteurs de l’agroalimentaire, des TIC, du textile, des industries chimiques et de l’ingénierie, de l’emballage, des services financiers, bancaires et des consultations ainsi que de l’infrastructure.
A cette occasion, l’ambassadeur de la Tunisie à Pékin, Dhia Khaled, a souligné le développement important des relations économiques et commerciales tuniso-chinoises et les perspectives prometteuses de leur évolution, notamment à la lumière de l’intensification des visites de haut niveau, précisant que la 9ème édition de la Commission mixte s’est tenue en février 2018 à Tunis.
La réunion a permis de passer en revue le climat d’investissement en Tunisie et les réformes inscrites dans la nouvelle loi sur l’investissement. Elle a été marquée, également, par l’organisation de réunions bilatérales de partenariat entre les entreprises des deux pays et la délimitation des nouvelles opportunités de partenariat et d’écoulement du produit tunisien en Chine.
Par ailleurs, l’ambassade tunisienne a organisé, en coopération avec la Banque industrielle et commerciale de Chine (une des plus grandes banques publiques chinoises) et la Chambre de commerce chinoise pour l’importation et l’exportation de ressources agricoles et animales, un forum d’affaires et de rencontres entre la délégation tunisienne et des entreprises des provinces de Zhejiang et de Hunan ayant un poids économique important en Chine et œuvrant pour une plus grande ouverture aux espaces extérieurs, dont les pays arabes et africains.
Mais tout ça c’est la charrue avant les boeufs. La Tunisie, en premier son vrai chef, d’après la Constitution, Youssef Chahed – mais ce chef qu’il ne veut pas, ou ne peut pas, être – devra faire le ménage chez elle pour se donner une chance de surfer sur la perche que lui tend la Chine. La première bataille à gagner est celle de la reprise de la production, une vraie reprise, forte, massive, et un arrêt de cette agitation sociale permanente mortifère pour l’économie du pays. Mais autant vous le dire tout de suite : L’affaire est très mal embarquée, avec ce sentiment, et plus que ça d’ailleurs, que la parole publique (il y en a trop d’ailleurs, et pas assez d’actes ; Chahed s’est tapé deux Conférences nationales en à peine 24 heures, pour ressasser des choses qu’ils avait déjà dites pour la plupart) ne pèse pas un gramme et que l’autorité de l’Etat reste plus que jamais un voeu pieux dans la post-révolution. Les Chinois, qui n’ont pas pour habitude d’écouter les mauvais bruits qui viennent d’ailleurs (les journaux, etc.) donneront une chance à la Tunisie, jusqu’au bout. Mais pas indéfiniment. Le désordre, les grèves en permanence, la surenchère des syndicats et autres chantages, la Chine ne connait pas, c’est d’ailleurs le cas de toutes les nations asiatiques. Alors la Tunisie aura le bénéfice du doute, mais la patience de Pékin aura des limites. D’autant plus que les candidats ne manquent pas en Afrique !