AccueilLa UNETunisie : L’Etat capitule-t-il, sous peine de dépérir ?

Tunisie : L’Etat capitule-t-il, sous peine de dépérir ?

Sans qu’il y ait lieu de verser dans ce qui pourrait s’apparenter au catastrophisme, la vérité oblige à dire que l’Etat, au premier chef sa branche exécutive, se retrouve six ans après la Révolution dans la posture d’un appareil qui peine de plus en plus à remplir ses missions majeures et essentielles. Et il est fort à parier que ce sera encore pire avec une rentrée sociale dont on sent déjà à des kilomètres à la ronde le prologue d’une vaste agitation. Plus qu’un défi, on y voit une sérieuse menace à l’autorité publique incarnée par l’Etat, lequel, concédons-le, n’a plus grand-chose à faire respecter, sous le coup des bravades infligées au fil des années à ses gouvernements, sans y répondre avec la rigueur qui sied à sa vocation de se faire obéir.

On s’était pris à penser que le gouvernement dit d’union nationale dirigé par Youssef Chahed allait, sitôt investi, prendre le taureau par les cornes, s’attaquer de front et avec détermination aux problèmes qui assaillent la Nation et hypothèquent son redressement. En lieu et place, on a eu droit à quelques « mesurettes », ou pour être précis, des mesures de piètre symbolique pour avoir été essayées par d’autres gouvernements sans produire l’effet recherché. Il est entendu par là notamment la décision de raboter les salaires des ministres. Une gouttelette dans l’océan des dépenses publiques ! Plus encore, le gouvernement, croyant sans doute désamorcer la crise du bassin minier, a en fait, littéralement capitulé face aux récurrentes revendications de jeunes chômeurs plus décidés à s’offrir une rente et une situation confortable qu’à s’assurer un emploi.

Quel gâchis !

Ce faisant, et certainement sans le vouloir, le gouvernement s’est installé dans une logique dont il serait bien en peine de s’affranchir, créant un précédent d’autant plus fâcheux qu’il sera du pain bénit pour d’autres, beaucoup d’autres, qui cherchent à faire aboutir leurs demandes autrement que par d’aléatoires mouvements de protestation. Bonjour les dégâts ! Et pour s’en convaincre, il n’ y a qu’à voir ce qui se passe actuellement à Petrofac, cette entreprise gazière irlandaise qui, assaillie sans relâche ni répit par ses jeunes riverains des îles de Kerkennah, s’est résolue à partir sous d’autres latitudes, et elles sont nombreuses, qui lui offrent la commodité de travailler, de produire et de faire rejaillir sur son environnement le bénéfice de son implantation.

Pareille issue a tout pour être symptomatique des réponses du gouvernement, et pas spécialement l’actuel, à l’essentiel des événements qui composent le menu de l’agitation, qu’elle soit sociale ou politique, d’ailleurs. Garrotté qu’il est par les répercussions que ses mesures pourraient lui valoir en termes de quiétude sociale, il a toujours pris le parti de ne rien faire qui puisse lui attirer les foudres de la population et, dans la foulée, ceux qui les soutiennent, notamment les syndicats et le premier d’entre eux l’UGTT. Et il en coûte à l’Etat de ne pas y répondre comme l’y autorisent les prérogatives régaliennes et autres que lui reconnaissent la Constitution et toutes les lois positives en vigueur dans le pays. L’autorité dont il est l’unique dépositaire s’en est trouvée d’abord ébréchée, puis carrément mise au rebut.

Un Etat raisonnablement fort, juste et transparent

Pour autant pourrait-on parler d’un Etat en voie de dépérissement, comme on commence à le suggérer ? Les ingrédients qui autorisent à le penser existent, même s’ils sont pour l’heure du petit nombre. Précisons qu’il ne s’agit pas du dépérissement dont se gargarisait Engels qui le destinait au capitalisme et aux classes dont l’Etat est le chaperon et l’outil. C’est bien d’autre chose qu’il est question, c’est d’un Etat qui ne sait plus quel discours tenir sur la communauté qu’il dirige, qui ne sait plus et ne peut plus exercer son pouvoir de gérer et d’organiser la société dont il n’arrive pas à recueillir la confiance et l’adhésion. Un Etat pétrifié par la perspective d’utiliser les moyens qui l’habilitent à faire respecter les lois, et l’autorité en est un de majeur. Là où il peut être nui à l’intérêt supérieur et à la sécurité du pays, de quelque nature qu’ils soient, économique, social, politique ou autre, l’Etat est impérativement requis de déployer l’arsenal à sa disposition, sans excès, ni arbitraire et après avoir épuisé tous les biais qui auraient abouti à une issue consensuelle.

La manière forte s’imposerait ainsi comme une exception, un recours obligé et nécessaire pour donner toute l’étendue de l’autorité de l’Etat, et mettre en place l’architecture du développement dans toutes ses composantes, notamment l’emploi, l’investissement et la croissance. Dans cet exercice, il ne peut pas lui être fait grief de tenir son rang, car telle est sa vocation principale, plus est dans un régime démocratique ou qui s’emploie à le devenir à part entière à l’enseigne d’un construit social qui s’installe comme valeurs, principes et normes dans la vie citoyenne où l’individu est appelé à réagir à d’autres individus dans toutes leurs contradictions.

Ce ne sont pas de simples professions de foi, mais d’un agrégat d’obligations réalisables pourvu que les gouvernants sache les expliquer, les communiquer comme peut le faire un décideur politique, particulièrement conscient des enjeux et soucieux de faire partager en parfaite égalité les charges et les prescriptions entre les couches de la population.

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