On parle beaucoup de la fuite des médecins tunisiens, une affaire, il faut le reconnaitre, organisée par les amis de la Tunisie, principalement la France et l’Allemagne, qui viennent puiser jusque chez nous, dans le silence complice, et coupable, des autorités. Si ce ne sont pas elles qui impulsent le mouvement. On parle moins de l’exode des ingénieurs tunisiens, et pourtant il y a matière à. Les ambitions d’une nation se mesurent à la manière dont elle bichonne ses élites, chercheurs, inventeurs, ingénieurs… Bref, ses cerveaux, pour les fixer et les mobiliser pour l’énorme travail de développement. En Tunisie, hélas, notamment depuis le 14 janvier 2011, on perd de vue cette logique implacable. On a la tête ailleurs par ici en ce moment (c’est le parti de Youssef Chahed qui fait l’actu présentement), dans d’éternels débats qui ne peuvent rien apporter de concret au pays. Justement les ingénieurs ça apporte du concret, ce sont de vrais vecteurs de développement. Mais ce que vient de déballer le président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT), Oussama Kheriji, sur le sort de ses collègues est proprement effroyable et à peine croyable.
Il a alerté les autorités et l’opinion publique sur la fuite des ingénieurs tunisiens, un dossier que l’OIT a évoqué récemment. Il a invité le gouvernement à prendre toutes les dispositions nécessaires afin de mettre un terme à ce fléau.
Le président de l’OIT, qui a pris la parole jeudi 31 janvier 2019, lors d’une conférence sur le thème « la transition énergétique en Tunisie ; quelles perspectives pour l’ingénieur tunisien », a rappelé que les ingénieurs tunisiens subissent la détérioration de leurs salaires, notamment dans le secteur privé, à ajouter au blocage des recrutements dans le secteur public.
« Le phénomène de la fuite des ingénieurs a enregistré une hausse alarmante« , a indiqué Kheriji, précisant que « le salaire d’un paquet de jeunes ingénieurs embauchés dans le secteur privé atteint 300 dinars par mois ».
Vous avez dit changements ?
Dans une déclaration à TAP, le responsable évoque « une faille » au niveau du recrutement des ingénieurs dans le secteur privé à la lumière de l’absence de toute loi qui fixe le niveau de salaire, ce qui pousse plusieurs d’entre eux à quitter le pays.
Il a également dévoilé qu’un projet de loi organisant le métier d’ingénieur devra être examiné par le gouvernement avant son adoption et sa présentation à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) en avril prochain.
Expliquant les causes de la fuite de ces compétences, Kheriji a évoqué le blocage des recrutements dans le secteur de la fonction publique au cours des trois dernières années, la hausse du taux de chômage chez les ingénieurs et la dégringolade des salaires des nouvelles recrues.
Le responsable a, par ailleurs, mis en garde contre les effets nocifs de la fuite des ingénieurs tunisiens, notamment ceux spécialisés dans les secteurs innovants comme l’informatique et les TIC. Le ministre des Technologies de la Communication et de l’Economie Numérique, Anouar Maarouf, s’en était ému dernièrement, mais sans plus. Il semble que les autorités n’aient pas grand chose à opposer aux ponts d’or faits à cette élite par l’Occident et les pays du Golfe.
A noter que le nombre des ingénieurs tunisiens diplômés des instituts et des universités tunisiennes a enflé, passant de 4 mille en 2010 à 8 mille actuellement. Le nombre des ingénieurs affiliés à l’OIT atteint actuellement près de 70 mille et les prévisions tablent sur 100 mille sur les trois prochaines années. Les autorités ont donc intérêt à avoir une nette idée de ce qu’elles vont faire de ce beau monde, et surtout comment les caser. Autrement rien ne changera sous le soleil : Les meilleurs et même les moins bons, pour qui les contribuables ont casqué et pas peu, fileront à l’étranger où nos partenaires et amis ne se gêneront pas pour leur dérouler le tapis rouge.
S.L.