Deuxième fournée, dimanche soir sur la Wataniya, de 9 candidats à la Présidentielle anticipée, pour l’oral du Grand Débat. Une 2ème émission, juste un peu meilleure que la première, non par le contenu qui est presque en questions génériques tournant autour des prérogatives du chef de l’Etat, mais par les passes d’armes, les quelques piques et les droits de réponse à fleurets mouchetés entre les candidats. Une émission qui, comme la 1ère, n’aura en rien contribué à aider les électeurs à faire leur choix.
Lotfi Mraihi. A force de saluer la mémoire des martyrs, le candidat en oublie la question de l’animateur et se la fait répéter. Et manifestement toujours pas dans le match, il oublie la date de la 1ère annonce de l’état d’urgence. Evoquant la question sécuritaire, il affirme que «c’est un crime de ne pas avoir les moyens de sa politique». Et aura une réponse de son collègue Zbidi.
Le clou de sa «prestation», était lorsqu’il avait brandi un vieux livre et affirmé vouloir «mettre fin aux conventions avec la France sur les ressources naturelles». Le sel lui était certainement resté dans la gorge, malgré l’annonce de la suspension de la licence pour la société franco-tunisienne.
Un huissier de justice fait irruption dans le studio en live et une discussion animée s’en suivra avec Mraihi qui avoue être fautif, mais refuse de remettre le vieux bouquin à l’huissier et donc d’obtempérer à un auxiliaire de justice, ce qui lui vaudra beaucoup de critiques sur les réseaux sociaux. Acharné sur sa manifeste mauvaise relation avec la France, il demande un droit de réponse sur cette question et Hammadi Jbali lui apporte son soutien. Mraihi qui répondait à Boulabiar soucieux de l’avenir des IDE françaises en Tunisie, répond que «ils ne sont pas venus pour nos beaux yeux, mais parce qu’ils gagnent de l’argent ». Une lapalissade. Et va jusqu’à dire que «on ne doit pas avoir peur qu’ils ferment leurs usines».
Conservateur, même en économie, il se déclare favorable à un protectionnisme sectoriel qu’il qualifie d’intelligent, sans autre forme de détail. Mraihi reste pourtant fermé à tout secteur privé, puisqu’il est sans détours pour la nationalisation des ressources. La découverte d’une erreur : un anti-occidental hors du temps, et un protectionniste à la manière du bloc soviétique.
Hammadi Jbali élargit le domaine d’intervention du prochain chef de l’Etat qu’il ne sera probablement pas, jusqu’à la corruption et voudrait s’en prendre aux crédits impayés. Il évite à ce propos de parler des cas de certains de ses confrères.
Pêle-mêle, il évoque les structures sécuritaires, leur indépendance et leur manque d’équipement. A Chaâmbi aussi, ils ont la télévision.
Il parle d’exportation et demande que le président remplisse son avion avec les hommes d’affaires lorsqu’il voyage, ce qu’il n’avait pas fait lorsqu’il était chef de gouvernement, des mouvements sociaux qui arrêtent la production en proposant de dresser une liste des secteurs où l’UGTT ne pourra pas faire grève, de la nécessaire souveraineté sur les ressources, se prononce contre l’Aleca et évoque l’impératif de la libre circulation d’abord. Il se rappelle qu’il avait un jour écouté les hommes d’affaires et appelle à annuler les différences off shore-on shore, de protéger l’économie locale, mais de faire un audit de la BCT et de tout le secteur financier tunisien. Un intérêt, sur le tard pour l’économie. Un Nahdhaoui non encore repenti.
Mohsen Marzouk se prononce pour le nucléaire pacifique à des fins de désalinisation de l’eau. Pro-occidental en face de Mraihi et Jbali qui étaient contre, il essaie de les convaincre de mixer politique et économie, de diversifier nos relations, car les intérêts s’entrecroisent et convergent.
Bon palabre, il se présente comme le prochain protecteur pour les libertés publiques et individuelles et même contre les racistes. Un mot pour les retraités et il évoque la justice transitionnelle qu’il qualifie de sélective et de revancharde et propose une initiative pour un autre type de justice transitionnelle. Beau parleur. Il lui aurait fallu plus de temps.
Nouri Sghaier semble s’être bloqué sur la question de la décentralisation de l’autorité et de la gouvernance locale, jusqu’à en faire la solution pour tous les maux du pays et inclure les mots gouvernance et locale, dans toutes ses réponses à toutes les questions. Dommage, il était pourtant bien habillé.
Hechmi El Hamdi, son problème c’est le vin et la société étatique qui le produit et en gagne 160 MDT. Il parle de la campagne céréalière et le journaliste qu’il se dit ne fait pas de différence entre blé dur et blé tendre. Comme Jbali et Mraihi, il promet la nationalisation de toutes les ressources et offre à ses électeurs un retour vers l’Hégire en proposant de faire de l’islam la source des lois et d’interdire même aux présidents de légiférer en dehors de la Chariâ. Sans aucune surprise pour ce Nahdhaoui-CPR qui s’en cache.
Hatem Boulabiar, qui fera un debrief de sa participation avec sa 1ère Dame à son retour « at home », fait fort dans le show. Il débute sa participation, en récitant le serment des chefs d’Etat, en principe à prêter au perchoir. Manifestement échaudé, il sera le 1er à boire au goulot de la bouteille d’eau, la direction de la Wataniya n’a pas mis de verre à disposition.
Il n’aime pas le ministère du Tourisme et promet d’en donner le budget au MI. Il parle du manque de justice et évoque sans le nommer Nabil Karoui qui aurait été arrêté injustement. Par deux fois, il évoque Bourguiba en bien, comme pour s’approprier une partie de son héritage idéologique. Pour lui, les IDE, ce n’est pas l’Europe, mais l’Arabie Saoudite et Abou Dhabi. Petite passe d’arme ensuite avec Lotfi Mraihi sur ses opinions conflictuelles avec France, et pour clôturer, il propose une taxe de 2,5 % sur la fortune et promet aux concessionnaires le chômage, prêchant que tous peuvent pouvoir acheter leurs voitures directement chez le constructeur, par exemple. De sa prestation, on va se contenter de rire, comme il l’a fait avec sa femme, dans une vidéo qu’elle a mise en ligne.
Elyes Fakhfakh se félicite du débat, cite «Si Hatem », répond à Mohsen Marzouk sur les relations avec les USA en affirmant qu’ «il faut avoir les moyens de sa politique». Il ne comprend pas la question sur les tests de dépistage de la drogue, puis affirme que «on culpabilise trop nos enfants et c’est à l’Etat d’être fort et d’intervenir au niveau du commerce». L’homme avait, peut-être, des idées, mais il lui manquait la maturité pour convaincre.
Abdelkerim Zbidi. Serein face aux attaques des autres candidats sur la sécurité nationale, raisonnable à la défendre et en évoque clairement les réussites. Il ne manque pas l’occasion de répondre à Hechmi El Hamdi sur la situation des militaires et leurs capacités, jusqu’à en oublier la question des animateurs qui étaient manifestement dépassés par les candidats, les premiers à demander des droits de réponse, jusqu’à obliger le jeune animateur à avoir recours à son oreillette.
Il touche nerveusement ses lunettes, peut-être dérangé par les attaques qu’il subissait en live, comme lorsque Mraihi lui impute la situation en Tunisie, tout autant que Youssef Chahed. Répond à Fakhfakh sur définition le vrai rôle du Conseil de sécurité nationale, avant de le citer lorsqu’il dit que le Maghreb n’est pas encore unifié. Répond à Mraihi qui dit qu’il faut avoir les moyens de sa politique diplomatique et défendrait presque, en cela, son collègue Khemaies Jhinaoui. Sa priorité, c’est interdire le tourisme électoral, moraliser la vie politique, surtout sur le volet financement, et revoir le seuil électoral. Il se fera surtout remarquer sur la question de la consommation du cannabis.
Mongi Rahoui. Fidèle à sa Gauche nationaliste, il parle de la «Oumma arabe unifiée» et de la nationalisation des ressources, se veut le Zorro contre le «Fassed» et la pauvreté. Mauvais banquier, il en est pourtant un, il prêche le changement de toute la monnaie. Ouvert juste ce qu’il faut, il voudrait un partenariat économique Win-Win qui va mal avec la nationalisation. Fidèle à la lignée idéologique de la gauche, il a le courage quand même de clamer à la face d’El Hamdi que «la question de la Chariâ a été déjà tranchée dans la constitution». Egal à une Gauche qui prône l’Etat providence.