AccueilLa UNEDébusquer et reprendre le chemin de la croissance

Débusquer et reprendre le chemin de la croissance

Une seule et unique voie s’offre à la Tunisie de retrouver le chemin de la croissance et relancer le processus de développement socio-économique : il lui est dicté d’innover dans ses politiques publiques et rénover ses politiques monétaires, une recette recommandée par Moktar Lamari, titulaire d’un doctorat en économie (Ph. D) et professeur universitaire au Canada

Dans une interview accordée à TAP, l’expert international et chercheur universitaire en évaluation de programmes, de réglementations et de politiques publiques, estime que « la crise économique qui secoue le pays est multiforme et multidimensionnelle. Le Trésor public est exsangue, la dette n’est plus soutenable et la politique monétaire sacrifie l’investissement sur l’autel d’une lutte erratique contre l’inflation». Plus est, les files d’attente se multiplient en raison des pénuries dans les produits essentiels, les produits sont hors de portée du citoyen ordinaire, les flux migratoires vers l’Europe ne faiblissent pas, plus d’un demi-million de jeunes et moins jeunes ont quitté le pays (surtout irrégulièrement) depuis 2011. Surtout, l’hémorragie concerne les médecins et ingénieurs chèrement formés par les taxes des contribuables sans parler des 700 000 personnes sont au chômage, plus ou moins de longue durée. Cerise sur le gâteau, le dinar a perdu la moitié de sa valeur en dix ans».

Ce qui noircit encore plus le tableau, c’est que  «la dette est insoutenable, le gouvernement s’endette à des taux d’intérêt élevés (9-13%), pour payer une dette arrivée à échéance. L’investissement est à plat et les infrastructures s’effilochent faute d’argent public pour payer l’entretien», indique l’expert international.

Le développement socio-économique, en tout premier lieu

L’analyste estime  que le développement socio-économique doit être au cœur des préoccupations. Il faut redonner espoir et mobiliser la société dans son ensemble autour d’un certain nombre d’axes stratégiques articulés en mesures concrètes visant le court terme, mais, aussi, les moyen et long termes, tout en mettant le capital humain au cœur des chantiers à mener.

«La santé, l’éducation, les services sociaux, les infrastructures et la sécurité doivent relever des compétences et priorités de l’État. Ce dernier doit se recentrer sur ses missions essentielles, à savoir le bien public, laissant le privé prendre en charge les secteurs de production des biens et services privés et marchands ».

«Il faut moins d’État, mais un meilleur État : efficace, intègre et axé sur les résultats. Et cela requiert un discours économique structuré et courageux du gouvernement et de ses institutions. Ce discours doit porter sur la rigueur de la gouvernance, laquelle doit contraster avec l’austérité et éviter ses impacts négatifs sur le développement du capital humain et la solidarité sociale ».

Cinq passages obligés

Pour financer le développement et faire redémarrer les moteurs de la croissance, Lamari recommande cinq pistes ou passages obligés. Il s’agit, d’abord, de créer un espace budgétaire par la révision de tous les programmes et mesures relevant des responsabilités de l’État et payés par les taxes de contribuables. Il y a des centaines de programmes qui ont perdu avec le temps de leur pertinence et de leur efficacité. Il s’agit de faire une revue systématique de tous les grands programmes qui sont coûteux, mais qui ne sont plus dans les priorités et les urgences de l’État. Une démarche d’attrition des effectifs est aussi conseillée, en ne remplaçant, par exemple, qu’un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite. Une économie de 3 à 4 milliards de dinars peut être attendue au terme d’un programme qui s’étend sur 3 ans ou 4 ans. On peut envisager des mesures d’accompagnement pour faciliter une telle attrition.

Ensuite, l’universitaire  souligne la nécessité d’une modernisation de l’État, en introduisant les meilleures pratiques de gouvernance à travers une planification stratégique systématique dans toutes les administrations pour mobiliser les fonctionnaires, une institutionnalisation de l’évaluation et de la performance des établissements et des programmes publics et une reddition de compte annuelle pour mesurer les résultats et accomplissements des gestionnaires. Le recrutement et la promotion au mérite doivent retrouver leur place dans l’administration publique.

La troisième piste recommandée,   » une réconciliation avec les bailleurs de fonds internationaux pour mobiliser les capitaux et retrouver la confiance des investisseurs et prêteurs étrangers. Dans les prochains mois, la Tunisie peut se réconcilier avec le FMI, moyennant l’élaboration d’une démarche alternative, convaincante et structurée, introduisant notamment les éléments précédemment cités. La Tunisie ne peut pas rester isolée et boycottée par les bailleurs de fonds internationaux », selon l’universitaire.
Lamari considère, par ailleurs, qu’une nouvelle politique monétaire est requise. Celle-ci doit faire sortir la Banque centrale de Tunisie de son allégeance à l’orthodoxie monétariste, en adoptant un taux d’intérêt abordable, lequel doit rapidement converger vers celui des pays voisins (Maroc, Algérie…). C’est cette mesure qui va donner un coup de fouet à l’investissement productif.

« La Tunisie doit retrouver son élan naturel en matière d’investissement (25% du PIB), en mobilisant l’épargne et en l’orientant vers la production, plutôt que vers la consommation improductive (et les salaires). C’est faisable, moyennant plus d’innovation, de courage et de clairvoyance au sein du Conseil d’administration de la Banque centrale ».

L’économiste plaide, en dernier lieu, pour la création de nouvelles alliances avec des pays amis et partenaires. « Une fois, la réconciliation faite avec le FMI, plusieurs pays émergents et autres européens, peuvent venir en aide à la Tunisie pour revitaliser son développement dans toutes les régions et tous les secteurs avec des taux d’intérêt abordables et permettant la rentabilisation des investissements, et surtout la création de l’emploi. La Tunisie a un potentiel de croissance de 5 à 6 % facilement, mais cela ne se fera pas sans alliance et sans financement. Les deux millions de Tunisiens expatriés peuvent être d’un grand secours. Ils ont les moyens et de l’épargne thésaurisée en grande partie, ou investie dans le foncier, plutôt que dans les secteurs productifs, technologiques et à haute valeur ajoutée pour le PIB et pour la création de centaines de milliers d’emplois bien rémunéré ».

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