AccueilLa UNEEt maintenant, que va-t-il faire ?

Et maintenant, que va-t-il faire ?

Le ciel leur est tombé sur la tête. Camouflet politique pour Rached Ghannouchi. Revirement de taille de Nabil Karoui. Les islamistes ont essuyé la déculottée de leur vie. Ils ont reçu une sérieuse raclée. Des phrases de cette eau, on aurait pu en trouver à profusion et l’infini, sans que cela serve à quoi que ce soit pour la Tunisie, où l’instabilité gouvernementale devrait se prolonger d’au moins 40 autres jours.

Les frères d’Ennahdha ont déjà survécu à nettement plus que cela, et ils s’en relèveront, car ils ont plus d’un tour dans leur sac. Ceux qui, parmi les non-Nahdhaouis, croient que la Tunisie s’en serait débarrassée avec l’échec du gouvernement de Jemli, se trompent et feraient mieux de se préparer, au moins à un revirement comme Rached Ghannouchi en a le secret, l’habitude, l’art et la manière. Et au pire, au redressement de la seconde rangée de dentition du requin Ennahdha qu’ils croyaient avoir définitivement édenté.

Sur cette rangée, il y aura au moins Abdellatif Mekki et Zied Laadhari. Le premier, ancien ministre de la Santé de la Troïka, a, d’ailleurs, été l’un des rares à pavoiser par un sarcastique « Très bien » à l’adresse du président de l’ARP Rached Ghannouchi. Le second s’était démarqué par un véritable réquisitoire contre son parti, et avait été le seul à dire son intention de ne pas voter Jemli, en direct sur écran et devant ses pairs les Nahdhaouis.

Il ne s’agit pas d’ici de glorifier ces deux anciens ministres qui n’avaient pas su s’illustrer par leur action et leurs réalisations. Il s’agit plutôt, d’abord, de rappeler toute la scène politique tunisienne, et les Centristes qui avaient su, enfin, s’unir et rebondir en laissant de côté leurs différends et leurs querelles personnelles, pour finalement se convaincre qu’il est temps de passer à la concrétisation de l’alternative à Jemli et son sponsor Ghannouchi-Kheriji.

  • Une entrée en matière par des condoléances nationales et internationales

Entretemps, et dès le lendemain de l’énorme revers politique qu’il a reçu avec philosophie, Rached Ghannouchi s’en est allé «pleurer» dans les jupes du «grand frère» Erdogan. Auparavant, le leader des islamistes tunisiens avait rencontré le chef de l’Etat.

Ce dernier, et alors que le délai des 10 jours de consultation pour former le «gouvernement du président» commençait à courir, s’en va pleurer Sultan Qabous Bin Saïd Al Saïd. Saïed fait ainsi son tout premier voyage hors des frontières du pays au Sultanat d’Oman, alors qu’il jurait que son premier déplacement sera en Algérie. Un voyage incompréhensible pour un pays avec lequel le commerce extérieur de la Tunisie (28 MDT en exportation, pour 18,5 MDT d’importation), est loin de valoir celui de l’Algérie (1,121 Milliard DT en exportations, contre 2,6 Milliards DT en importations en 2018) et qui n’a à son actif qu’un seul et unique investissement en Tunisie (Chiffres Fipa 2018).

Le chef de l’Etat aura auparavant «présenté ses condoléances » en quelque sorte au chef du gouvernement qui a échoué aux portes de La Kasbah, ainsi qu’à son sponsor d’Ennahdha, pour avoir failli à prendre dans ses seules mains les deux pans de l’Exécutif.

  • La Tunisie en plein «Gouvernement du Président»

Retour donc à l’envoyeur pour Jemli, et retour à la case départ pour toute la scène politique de la Tunisie. Youssef Chahed et son gouvernement resteront en place jusqu’au prochain vote de confiance pour celui qui lui succèdera à La Kasbah. Kais Saïed reprend ainsi la main, mais dans le respect de la Constitution, comme il l’avait toujours dit à Rached Ghannouchi.

De plain-pied donc, la Tunisie entre dans l’ère du «Gouvernement du Président». L’article 89 de la Constitution de 2014 ne le formule pas ainsi. Il est même quelque peu ambigu. «Si le délai indiqué expire sans parvenir à la formation d’un gouvernement, ou si la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple n’est pas accordée, le Président de la République engage des consultations dans un délai de dix jours avec les partis politiques, les coalitions et les groupes parlementaires, en vue de charger la personnalité jugée la plus apte, en vue de former un gouvernement dans un délai maximum d’un mois». C’est ce qui devrait être fait, depuis le 11 janvier 2020, date à laquelle a commencé à courir le délai de dix jours. Une fois le choix de Kais Saïed fait, le prochain chef de gouvernement qui aura pour mission de composer un nouveau gouvernement, comme pour Jemli, devrait s’astreindre à un nouveau délai de 2 mois.

  • 15 avril 2020, deuxième tentative de gouvernement, et 15 juin pour le plan Saïed !

En effet, l’article 89 parle d’un délai de quatre mois, avant que le chef de l’Etat ne décide de dissoudre l’ARP qui ne serait pas parvenue à un nouveau vote de confiance pour un nouveau gouvernement. «Si, dans les quatre mois suivant la première désignation, les membres de l’Assemblée des représentants du peuple n’ont pas accordé la confiance au gouvernement, le Président de la République peut décider la dissolution de l’Assemblée des représentants du peuple et l’organisation de nouvelles élections législatives dans un délai d’au moins quarante-cinq jours et ne dépassant pas quatre-vingt-dix jours». L’article 89 décrit ainsi le second scénario que va être celui de la question de formation du gouvernement, après l’échec de Jemli. Un scénario, qui pourrait s’étaler jusqu’au 15 avril 2020, la 1ère désignation ayant été faite le 15 décembre 2019. Le prochain chef de gouvernement devrait être «le plus apte», dit la Constitution. Elle ne précise cependant pas les critères qui détermineront cette aptitude.

Aptitude politique ou aptitude technique ? Sera-t-il tiré au sort parmi les candidats des partis, coalitions et groupes parlementaires ? Le chef de l’Etat aura-t-il la main pour désigner, ou devra-t-il tenir compte des candidatures partisanes ? L’article 89 ne précise rien à ce sujet !

Ce qui est certain, c’est que le plan de Kais Saïed de dissoudre l’ARP, ordonner de nouvelles élections, peut-être sous nouvelle loi électorale (Il y en a déjà une, mais toujours non promulguée depuis Feu Béji Caïed Essebssi), ne pourrait avoir lieu qu’à la mi-avril 2020, pour se terminer à la mi-juin 2020, sous réserve d’une autre interprétation du 4ème paragraphe de l’article 89.

Une échéance fortement crainte par les actuels députés qui pourraient y perdre tout. Une date qui pose aussi, et dès à présent, l’opportunité et la date du projet de loi que devra déposer le chef de l’Etat auprès de l’ARP pour le changement de la loi électorale. Une proposition de loi, qui pourrait soulever la même polémique que celle du gouvernement de Youssef Chahed, adoptée en août 2019 et jamais signée par les deux chefs d’Etat qui ont succédé à Caïed Essebssi.

  • Les partis fourbissent leurs armes

Et en attendant, les partis politiques, soulagés par la chute du gouvernement d’Ennahdha, aiguisent leurs armes et se préparent, dans la même logique de partage des fauteuils, au second scénario. Ettayar de Mohamed Abbou se dit déjà concerné par une participation au prochain gouvernement. Qalb Tounes de Nabil Karoui, veut un «gouvernement de Salut national». Le même parti fait désormais partie d’un front politique de 90 députés, où se trouve aussi son ancien ennemi Tahya Tounes de Youssef Chahed. Il faudra attendre l’avis d’au moins une autre cinquantaine des 209 partis politiques tunisiens.

Ça promet ! Non seulement pour l’issue de consultations que le chef de l’Etat pourrait limiter aux différents blocs parlementaires, mais aussi et surtout, pour l’économie et les finances de l’Etat. Ce dernier a un urgent et cruel besoin d’argent. Au 9 janvier 2020, le compte courant du trésor ne contenait que 1,204 Milliard DT. Juste de quoi servir un ou deux salaires à ses fonctionnaires, guère plus. En effet, sur la base d’une masse salariale globale de 19 Milliards DT, le montant mensuel devrait être de 1,5 Milliard DT. Or, aucun bailleur de fonds ne voudrait négocier avec un gouvernement partant, ou un gouvernement dont la date d’entrée en fonction est toujours inconnue. Bonjour les dégâts !

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